Cadre légal : communication déontologique et modèle économique

communication responsableentreprise de demain

Publié le 18 avril 2023

Est-ce que vous communiquez de manière responsable ? Dans cet épisode, nos experts et expertes vous exposent les actions législatives et d'autorégulation professionnelle pour encadrer la communication des entreprises. De quoi vous inspirer pour renforcer l'éthique votre communication. Et puis, on ira jusqu'à remettre en question le modèle économique de notre société. Vers des alternatives plus responsables, durables et humaines !

Enquêtes éthiques d'Hippocampe
Enquêtes éthiques d'Hippocampe
Communication déontologique et modèle économique - [Focus entreprise de demain - épisode 4]
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On poursuit notre tour légal en se tournant vers la communication des entreprises.

Quelles sont les lois et les règles déontologiques qui encadrent la communication des entreprises vers plus d’éthique ?

Vous verrez, il y a un tas de ressources et d’actions déjà mises en place. Vous pouvez vous en inspirer pour votre propre communication. En plus, vous avez quelques conseils applicatifs en prime.

Dans cet épisode, on remet aussi en question notre modèle économique sociétal. Rien que ça ! Ou du moins on ouvre la porte à d’autres alternatives assez intéressantes et surtout plus durables.

Les intervenantes et intervenant :

 

Bonne écoute ou bonne lecture avec la retranscription ci-dessous !

 

Plan :

Retranscription épisode 4 : Communication déontologique et modèle économique

  1. Introduction
  2. Focus communication responsable et anti washing
  3. Focus modèle économique : remise en question de notre fonctionnement sociétal
  4. Conclusion

 


Retranscription épisode 4 : Communication déontologique et modèle économique

Introduction

Lili [00:00:20] Nous revoilà parties avec une nouvelle enquête. Après l’inclusion et l’accessibilité numérique et le numérique écoresponsable, on s’intéresse maintenant à l’entreprise de demain.

Si on devait brosser le portrait de l’entreprise de demain, à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? En interne comme depuis l’extérieur.

Pour y parvenir, on s’est penchées sur les sujets de gouvernance, de management et de communication.

  • Comment l’entreprise de demain s’organise ?
  • Comment les équipes sont-elles gérées ?
  • Comment se comportent les leaders et les managers (et manageuses) ?
  • Comment est-ce qu’elle communique avec toutes ses parties prenantes ?

Bref, plein de questions intéressantes que l’on a posées à des experts et expertes de ces différents domaines.

Dans cette série, on a rassemblé une grande diversité de profils passionnants et engagés. Une valeur ajoutée énorme pour aborder l’entreprise de demain sous différents angles.

Et puis ça nous motive énormément de pouvoir partager nos découvertes et, qui sait vous inspirer à faire évoluer vos pratiques professionnelles. L’entreprise de demain est bien plus proche de nous qu’on ne le croit.

En fait, elle existe déjà, mais on ne vous en dit pas plus. Vous le découvrirez dans cette enquête.

 

Lili [00:01:42] Bonjour à toutes et à tous. On est ravies de vous retrouver dans ce nouvel épisode et on continue notre focus législatif. Dans cette seconde partie, on s’intéresse au cadre légal et déontologique autour de la communication des entreprises.

On interroge une personne plus que bien placée pour parler du sujet. Emilie Le Gall, qui travaille à l’ARPP, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, créée en 2008. C’est une association et un organisme privé d’autorégulation de la publicité en France.

On interroge également Camille Le Guilloux pour nous donner une définition du greenwashing et d’autres types de washing.

Et pour finir en beauté, parce qu’on sait que la partie légale n’est pas toujours la plus rigolote, on vous partage l’intervention de Cyril Masselot. Il remet en question notre modèle économique en l’abordant sous un nouvel angle. Et il n’y va pas par quatre chemins.

On ne vous en dit pas plus, mais nous, ça nous a bien ouvert l’esprit et ça nous a permis d’envisager d’autres modèles économiques pour construire un avenir plus durable et plus humain. Alors c’est parti !

 

Focus communication responsable et anti washing

Lili [00:02:51] On se lance d’abord avec un focus sur la communication externe des entreprises. L’enjeu de ce contexte est évidemment de communiquer de la manière la plus responsable possible. Ce qui veut dire, entre autres, éviter le washing. Greenwashing, social washing, purple washing… Camille fait le point sur ces pratiques à bannir.

Camille [00:03:13] En fait, on entend beaucoup parler de greenwashing, qui va être un peu le mot valise, qui est utilisé un peu pour tout, tu vois. Dès qu’une marque va utiliser un argument pour faire vendre, grosso modo en se donnant une bonne image, que ça soit une image engagée, écolo, progressiste, et cetera, on a tendance à utiliser le terme greenwashing.

Au départ, ce terme-là est plutôt utilisé pour qualifier tout message publicitaire qui va pouvoir induire le public en erreur sur la qualité écologique d’un produit, d’un service et même de ta démarche au global, de ta stratégie au global de développement durable pour ton entreprise.

Et ça, ça concerne tout le monde. Tu vois que tu sois une entreprise très engagée ou pas, que tu sois une organisation publique, que tu sois une asso… Tout le monde peut tomber un peu dans les travers du greenwashing. Mais comme je le disais, le greenwashing, c’est vraiment beaucoup plus focus sur les thématiques environnementales, développement durable. Mais au-delà du greenwashing, effectivement tu as d’autres types de washing.

Tu as par exemple du social washing, pinkwashing, purple washing, du rainbow washing, happy washing, purpose washing… Enfin bref, tu en as énormément.

Et pour te donner quelques exemples par rapport à ceux que je t’ai cités, par exemple, si tu parles de social ou good washing, ça va être plutôt quand tu vas utiliser…

Par exemple, tu fais des dons à des associations qui luttent contre les discriminations, mais en fait en interne tu ne le fais pas du tout, il n’y a aucune diversité et aucune inclusion. Du coup tu te sers de cet argument un peu associatif pour te donner bonne conscience et donner une bonne image.

Quand tu parles de pinkwashing ou de rainbow washing, c’est plutôt lié à la cause LGBT. Donc tu vas te donner une image un peu progressiste et engagée pour les droits LGBTQIA+, alors que tu ne fais rien du tout derrière.

Si tu parles de purple washing, c’est plutôt lié au féminisme.

Tout ce qui est happy ou purpose washing, c’est plutôt lié au bonheur au travail par exemple. « Oui, dans notre entreprise, on a un super baby foot à la cafète », mais derrière tout ça, on te demande de travailler je ne sais pas combien d’heures le week-end, les alternants ne sont pas du tout respectés, les stagiaires non plus. Du coup, cette injonction, tu vois un peu au bonheur au travail, en fait, derrière, il y a une pression, il n’y a aucune cohérence derrière tout ça, tu vois.

En fait, toute la problématique de washing, j’englobe vraiment le terme parce que ça reste le même principe, c’est d’utiliser un argument pour se donner une bonne image.

D’ailleurs, tout ça en fait, c’est que tu as un problème de perte de confiance entre les consommateurs et les entreprises, tu as un frein au développement peut-être de véritables innovations derrière. Et puis les gens vont avoir une confusion dans leur esprit entre la réalité et finalement les efforts que je dois mettre en place. Et en plus de ça, évidemment une attente à ta réputation en tant qu’entreprise, en tant que marque employeur.

Donc faire du washing, évidemment, a plein de problèmes derrière.

Et il se trouve que les plus importants, c’est cette perte de confiance et cette confusion entre les efforts que je dois mettre en place, finalement, parce que je me donne bonne conscience, je me dis que l’entreprise dans laquelle je vais acheter mes produits ou je vais faire appel pour un service, en fait, tout va bien. Elle plante des arbres derrière alors qu’en fait, il n’y a rien de tout ça qui est très concret. C’est juste encore une fois de la com quoi.

 

Lili [00:06:50] On y voit tout de suite plus clair. Vous saviez qu’il existait autant de washing différents ? Quelle que soit votre réponse à cette question, vous aimeriez sûrement savoir comment éviter de tomber dans ses travers. Ça tombe bien, c’est justement ce qu’on a creusé avec Emilie Le Gall. Place à l’interview.

 

Marine [00:07:09] Côté législation et règles de déontologie, qu’est-ce qui est actuellement mis en place pour réglementer la communication des entreprises ?

 

Emilie [00:07:16] Alors beaucoup de choses. Déjà, si on prend la réglementation française applicable à la communication, c’est une réglementation qui est très riche mais qui est aussi très vaste.

La France est d’ailleurs sans doute l’un des pays les plus soumis à ces réglementations, qui sont intervenues généralement après les règles déontologiques de la profession et qui viennent également encadrer les communications, et ce, quel que soit le secteur, sur le terrain législatif. Les dispositions, elles, peuvent être très diverses.

On va avoir l’identification obligatoire de la publicité, la traduction des termes étrangers et l’encadrement strict des publicités en faveur de l’alcool, la lutte contre les pratiques commerciales trompeuses, l’ajout obligatoire de mentions, l’encadrement des communications en faveur des jeux d’argent, etc. Donc je pense que tu l’as compris, on a plein de sujets divers et variés, encadrés par la réglementation quel que soit le secteur.

Plus récemment, on peut citer par exemple la loi d’orientation des mobilités dont on entend beaucoup [parler] sous la forme de la loi LOM, qui date de 2019, qui instaure pour les communications tout support en faveur des véhicules motorisés, des messages invitant les consommateurs [et consommatrices] à recourir à des moyens de transport moins émissifs pour l’environnement.

Mais aussi, on peut citer la loi climat et résilience de 2021, qui instaure également pour ces produits l’insertion d’une étiquette énergie, le niveau d’émission de CO2 en équivalent CO2 du véhicule présenté sur tous les supports publicitaires visuels.

On peut aussi dire que cette loi climat résilience prévoit aussi une interdiction de la publicité faisant la promotion des énergies fossiles, ce qui est déjà le cas pour les carburants depuis août 2022, sauf les biocarburants. Et elle encadre aussi très strictement les allégations relatives à la neutralité carbone.

On peut citer aussi un guide qui est très attendu, qui vient du Conseil national de la consommation, le CNC, un guide des allégations environnementales qui est attendu pour mars 2023 et qui viendra justement restreindre et encadrer des allégations environnementales.

Sur le terrain de la déontologie, on n’est pas en reste puisqu’on a 30 recommandations déontologiques issues du code de l’ARPP, à la fois transversales, par exemple sur le sujet du développement durable pour lutter contre le greenwashing, la communication publicitaire numérique, les comportements alimentaires, et cetera.

On a aussi des recommandations de l’ARPP qui sont sectorielles : pour les produits cosmétiques, les jeux d’argent, l’automobile, l’alcool, et cetera, qui vont venir s’ajouter à ces dispositions légales. Ces recommandations, elles sont fondées sur le code de la Chambre de commerce international, le code ICC sur la publicité et les communications commerciales, renforcées selon leur thématique par les chartes d’engagement qui vont être signées par les représentants des professionnels, l’ARPP, mais aussi les pouvoirs publics.

Ces règles déontologiques sont donc applicables à toute publicité à destination des [consommatrices et] consommateurs français, au même titre que la réglementation, et ce, quel que soit le support de diffusion.

 

Marine [00:10:23] Alors justement, on voit qu’en effet il y a pas mal de lois, de règles déontologiques qui sont en place. Et quand on a échangé toutes les deux la dernière fois, tu disais aussi que la loi évolue à l’image de la société. Donc avec ton constat en fait, vers où est-ce que tu penses que l’on tend ?

 

Emilie [00:10:40] Alors bien sûr, je ne pourrai pas te répondre exactement, mais il me semble en tous cas évident que l’on ne tend pas vers davantage de souplesse, notamment sur le terrain environnemental. Parce que face aux grands enjeux qui sont les nôtres collectivement, mais aussi face à des [consommatrices et] consommateurs qui deviennent de plus en plus attentifs et exigeants sur ces questions.

La communication, elle, devra exprimer avec toujours plus de justesse mais aussi d’humilité, les actions et les engagements de l’annonceur en matière de développement durable.

 

Marine [00:11:08] Alors là, tu parlais du cadre légal, tu parlais aussi des règles déontologiques de l’ARPP. En fait, pour que les choses avancent finalement, il s’agit avant tout d’un travail collaboratif entre différents acteurs et actrices.

Donc est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur le fonctionnement et le travail de l’ARPP ?

 

Emilie [00:11:26] Alors l’ARPP déjà c’est une association aux statuts loi 1901, qui est totalement indépendante des pouvoirs publics et qui ne fait appel à aucun financement public. C’est également le dispositif unique et très ancien de régulation professionnelle de la publicité. Donc notre nom a évolué depuis sa création en 1935. Certains nous connaissent peut être encore sous le nom de BVP, le Bureau de Vérification de la Publicité, mais on a toujours la même mission statutaire : agir en faveur d’une publicité loyale, véridique, saine et responsable, dans l’intérêt des professionnels, des consommateurs,[consommatrices] et du public en général, des citoyens [et citoyennes].

Depuis 2008, ce dispositif de régulation professionnelle s’accompagne de trois instances associées. Donc le Conseil de l’éthique publicitaire, le CEP. L’Instance, qui est l’instance de réflexion qui existait déjà depuis 2005, le Conseil paritaire de la publicité, donc le CPP, qui est une instance de concertation qui fait collaborer les associations et les professionnels, et enfin le jury de déontologie publicitaire, le JDP, qui est une instance de contrôle présidée par des magistrats et composée de personnalités indépendantes de la profession, mais aussi d’associations par exemple.

Donc, ce dispositif allie la création par les professionnels des règles d’éthique, donc les recommandations du code de l’ARPP, ainsi que le soin de veiller à leur application. L’autorégulation publicitaire s’est donc fondée sur la responsabilisation de la profession, qui l’ont mise en place au sein de l’ARPP, notamment en créant des recommandations en concertation avec la société civile.

Ces recommandations vont alors porter sur différentes thématiques, comme par exemple le respect de l’image de la personne humaine, le développement durable, les comportements alimentaires, l’automobile ou encore les communications publicitaires numériques, avec notamment le cas des communications des influenceurs [et influenceuses] plus récemment. Donc à la fin, on va avoir une dizaine de juristes conseil qui traitent environ 200 dossiers par jour, et principalement avant diffusion. Ils vont rendre des conseils avant diffusion sur des projets publicitaires, tous médias en cours.

Les plus de 750 adhérents cotisants à date de l’ARPP peuvent solliciter du coup des conseils confidentiels afin de s’assurer de leur conformité avec les règles de droit positif, mais aussi déontologique. Avec le Conseil développement durable, l’ARPP a d’ailleurs renforcé le contrôle avant diffusion des principales campagnes nationales portant sur une allégation environnementale définie dans le champ d’application de la recommandation développement durable de l’ARPP, et ce, quel que soit le support de communication utilisé. En application de la convention de partenariat signée avec l’Arcom, anciennement appelée CSA, convention qui date de 1990, l’ARPP doit systématiquement visionner avant diffusion toute publicité linéaire et de services de médias audiovisuels à la demande, avant diffusion.

Du coup, les juristes émettront soit des avis favorables, soit à modifier ou encore à ne pas diffuser. Et dans un souci constant de pédagogie, on a également développé des ateliers destinés à favoriser une meilleure appropriation des règles déontologiques par les professionnels du secteur, mais aussi par les étudiants. Il est donc possible de s’inscrire à des ateliers ARPP sur différentes thématiques, comme publicité environnement, publicité automobile ou encore publicité influence responsable, et cetera. On a également développé le certificat de l’influence responsable, qui est destiné à former les créateurs [et créatrices] de contenus sur les règles légales et déontologiques applicables à l’influence.

Mais aussi, plus récemment, le module Influence et dérèglement climatique, afin de leur permettre de prendre conscience de l’impact du choix de leurs partenariats, mais aussi, plus généralement, de leur prise de parole pour leur audience et leur communauté.

Suite à ces actions avant diffusion, s’ajoutent aussi des dispositifs après diffusion. Donc les auto saisines en cas de manquement constaté à une ou plusieurs règles déontologiques ou juridiques en vigueur, les bilans déontologiques d’application des recommandations de l’ARPP, dans lesquels est vérifié la conformité des publicités diffusées, et dont certaines sont réalisées en partenariat, comme c’est le cas en fait pour le bilan publicité environnement qui est réalisé avec l’ADEME ou encore les observatoires de pratique publicitaire digitale, et notamment l’influence responsable.

 

Marine [00:15:51] En dehors de l’ARPP, quels sont les autres organismes qui s’engagent pour une communication plus responsable ?

 

Emilie [00:15:57] On peut bien évidemment citer l’ADEME, l’Agence de la transition écologique, qui est un établissement public et qui vient de sortir une nouvelle version de son guide de la communication responsable, auquel nous avons d’ailleurs contribué et avec qui nous travaillons sur les bilans déontologiques publicité environnement depuis plus de quinze ans maintenant.

Le dernier, d’ailleurs, va bientôt sortir. Plus généralement, bien sûr, on a les annonceurs ou tous les membres de la filière communication qui sont engagés envers une communication plus responsable et qui œuvrent de concert à cette fin.

 

Marine [00:16:27] Alors justement, il y a pas mal d’actions qui sont mises en place. On voit quand même que ça bouge un petit peu niveau communication responsable.

Nous aussi, c’est vrai que de notre côté, on est de plus en plus en contact avec des acteurs et des actrices de la communication responsable. Et je me demandais en fait, est-ce qu’il existe un lobbying ou quelque chose du genre au niveau de la communication responsable ?

 

Emilie [00:16:46] Alors moi, je ne parlerais pas de lobbying mais de pédagogie, qui n’empêche pas le contrôle.

On a plusieurs acteurs [et actrices] dont nous faisons bien évidemment partie, qui œuvrent au quotidien pour une communication plus responsable, chacun dans son rôle, avec des actions complémentaires comme les membres de la filière communication, l’Union des marques avec notamment son programme Fair, les pouvoirs publics ou encore des acteurs associatifs.

 

Marine [00:17:11] Est-ce que cette pédagogie a un impact ? J’imagine que oui. Mais quel est l’impact de cette pédagogie sur la communication ?

 

Emilie [00:17:20] L’impact, déjà, c’est qu’on voit quand même que les règles sont de mieux en mieux appropriées au sens des agences, des annonceurs.

Et nous par exemple au sein de l’ARPP, on voit qu’on est de plus en plus sollicités avant diffusion sur tous les supports de communication, dont l’influence responsable, sur ces sujets. Malgré que notre avis soit finalement facultatif, ça montre en fait que le sujet, bien sûr, est de plus en plus assimilé chez un annonceur, chez une marque, chez son agence. Et communiquer de manière plus responsable devient un incontournable en fait. Et se faire bien accompagner pour bien communiquer devient incontournable également sur ces sujets-là.

Donc on voit vraiment nous, au niveau de l’ARPP, effectivement, qu’il y a eu une recrudescence de sollicitations avant diffusion, quel que soit le support de diffusion. Donc ça veut dire que la parole porte et devient plus efficace.

 

Marine [00:18:18] Moi, en tant que professionnelle de la communication, comment est-ce que je peux participer à ce mouvement responsable ? Est-ce que je peux agir pour inciter des entreprises à communiquer de manière plus responsable ? Enfin, qu’est-ce que je peux faire ?

 

Emilie [00:18:31] Déjà, merci de poser la question. Parce que absolument, oui, il y a des choses à faire et que tu peux faire. Mais je dirais même d’ailleurs que tu dois les faire, puisqu’en fait, chaque action compte et que, en agissant ensemble, c’est là qu’on va aller dans le bon sens, dans le sens des engagements que la France a pris devant le monde, en fait, avec l’accord de Paris, la stratégie nationale bas carbone, et cetera. Donc le moyen le plus efficace pour le faire, c’est avant tout de se former aux règles, ce qui n’est pas toujours si évident.

Tu peux par exemple assister aux différents ateliers qu’on dispense sur différentes thématiques dont on parlait tout à l’heure. Et en fait, ensuite, ce qui est important aussi, c’est de se faire accompagner dans l’élaboration des campagnes publicitaires. Donc je ne peux que conseiller à une marque et son agence de nous soumettre avant diffusion son projet publicitaire afin de nous permettre de le sécuriser et aussi de pouvoir communiquer plus sereinement.

Rejoindre les adhérents pour travailler ensemble, c’est important en fait. Et donc toi, à ton niveau effectivement, c’est bien d’être adhérent à l’ARPP, de nous soumettre les projets de conseil, pouvoir justement co-construire la campagne en étant certains qu’on respecte bien, que celle-ci est bien conforme, quel que soit le support de diffusion, à toutes les règles juridiques et déontologiques en vigueur.

 

Marine [00:19:45] C’est pour ça que se faire accompagner, c’est super important. Parce que c’est vrai que parfois, en fait, même sans le vouloir, même avec la meilleure volonté du monde, ça peut arriver qu’on fasse du greenwashing ou même un autre type de washing.

Est-ce que tu aurais des exemples justement d’agences, d’entreprises à qui s’est arrivé ?

 

Emilie [00:20:02] Déjà nous à l’ARPP, on ne pense pas qu’une marque fasse volontairement du greenwashing. À moins qu’il s’agisse d’une arnaque bien entendu. Mais là c’est un autre sujet du coup. Mais dans la majorité des cas, il s’agit plutôt de maladresse.

On a une marque qui va beaucoup s’investir pour développer un produit ou un service, qui a des propriétés environnementales et qui peut du coup parfois communiquer de manière disproportionnée sur ces dernières, en omettant de considérer l’ensemble du cycle de vie du produit ou du service. Donc, par exemple, comme chose qu’on a pu constater, qui sont pour nous des maladresses et qui, du coup, nécessitent d’être expliquées à l’annonceur ou à son agence, on a pu voir des cas d’un produit positionné comme écologique parce que son emballage est recyclé, ou parce que la marque a mis en place un programme de compensation carbone, par exemple.

Ou encore des cas de greenwashing, parce qu’il y a des allégations qui paraissent très excessives, mais surtout parce qu’elles n’ont pas d’explication associée. Voilà.

 

Marine [00:20:59] Tu parles de… Par exemple, on ne peut plus du tout utiliser le positionnement neutre en carbone. Est-ce qu’il y a d’autres mots, d’autres phrases, que tu ne peux plus du tout utiliser, sinon tu tombes dans le greenwashing ?

 

Emilie [00:21:11] Alors l’allégation neutre en carbone, c’est pas qu’on puisse plus du tout l’utiliser. Ça avait pu être une volonté qui n’a pas été suivie en tout cas par les textes. Mais la loi climat et résilience est venue quand même restreindre considérablement son champ des possibles. Parce qu’on peut l’utiliser, mais sous certaines conditions, très encadrées.

Donc d’abord éviter, réduire et ensuite avoir un plan de compensation carbone. Et tout ça à disposition des consommateurs [et consommatrices] sur les sites lorsqu’on allègue des allégations de type neutralité carbone.

En sachant que l’ADEME a produit une note qui préconise des termes alternatifs, plutôt que d’alléguer neutralité carbone, qui peut être effectivement perçue comme un non-sens. Voilà.

Eh bien écoute on attend tous avec impatience ce guide des allégations environnementales du CNC qui donnera justement une ligne plus claire de ce qui ne peut plus être utilisé et ce qui sera interdit d’utiliser ou qui sera fortement encadré.

 

Marine [00:22:16] Et sinon, quels sont les conseils que tu donnerais une entreprise pour éviter, on avait parlé de Green Bad buzz, je sais pas si on peut dire ça, mais qu’est-ce que tu recommanderais justement aux entreprises pour en tout cas éviter le bad buzz qui est généré par le greenwashing ?

 

Emilie [00:22:31] Là encore, c’est de se former aux règles et de se faire accompagner. Donc un produit ou un service plus vertueux ne sera jamais totalement vert et il ne sauvera sans doute pas à lui seul la planète. Donc il est nécessaire et primordial de regarder avec humilité ses actions et ses engagements en matière de développement durable au regard d’une ACV complète et de communiquer avec justesse. Donc, cela concerne bien sûr tous les supports de communication sans exception.

Et il est important du coup, que chacun joue le jeu pour accompagner les consommateurs [et consommatrices] en toute transparence vers des modes de consommation plus responsables, ce que le greenwashing ralentit.

 

Marine [00:23:14] Je ne sais pas si tu as eu des cas comme ça, mais disons qu’une entreprise, malgré tout, elle a fait une campagne qui est complètement greenwashée. Du coup, elle génère un bad buzz autour d’elle. Et qu’est-ce que tu recommandes à une entreprise qui se retrouve dans ce cas de figure ?

 

Emilie [00:23:27] Bien déjà de retirer sa communication si le cas de greenwashing est avéré. Et il faut absolument la corriger. La corriger, déjà. La retirer pour éviter… Parce que, encore une fois, ça peut être des maladresses et on n’a pas forcément conscience de faire du greenwashing avant d’être confronté justement à ce bad buzz.

Donc l’idée, c’est d’abord de retirer la communication, même si « le mal est fait ». Mais c’est surtout d’apprendre aussi de ses erreurs pour que la prochaine communication n’ait pas ces maladresses incluses dans sa communication. Et donc de se refaire accompagner pour la prochaine fois, voir la ou comprendre les raisons de ce greenwashing. Et du coup, ne pas réitérer la prochaine fois.

 

Marine [00:24:16] Est- ce que tu recommanderais aussi de rebondir un peu sur cette erreur ? Parce qu’il y a certaines marques, je n’ai pas d’exemples concrets en tête, mais de mémoire, j’avais vu ce genre de situation, où les entreprises ont su même rebondir en assumant « bon bah voilà, on a merdé » et rebondir dessus.

 

Emilie [00:24:36] Là ça va être à chaque marque de prévoir une communication de crise. Parce que les sujets environnementaux, il faut une communication de crise dédiée, je pense. Mais ça aussi finalement, c’est du bon sens et de la logique. Il faut savoir reconnaître.

On est derrière des communications, il y a des humains qui peuvent eux-mêmes faire des erreurs.

Alors je retire encore le cas des arnaques qui sont bien particulières sur le sujet. Mais encore une fois, nous à l’ARPP, on ne pense pas que ça soit lié à une volonté folle de faire du greenwashing. Parce que pour le bad buzz que ça a atteint et sur l’image que ça apporte sur la marque, on voit assez mal l’intérêt.

Mais qu’une marque ou son agent soit persuadé des propriétés environnementales d’un produit et qui du coup, ont une telle folle envie de communiquer dessus parce qu’ils ont investi du temps, de l’argent, et cetera, et que du coup, l’emballement soit disproportionné, on peut le comprendre.

Mais du coup, c’est important pour nous de faire de la pédagogie pour expliquer pourquoi est-ce que cette communication, elle va trop loin et elle emploie des maladresses, et cetera. C’est important aussi pour l’annonceur de recueillir aussi nos recommandations pour pouvoir aussi s’améliorer pour la suite. Donc ça, c’est tout un travail de pédagogie sur lequel on travaille.

Et c’est pour ça aussi qu’on intensifie nos actions, quels que soient les supports de diffusion. Parce qu’effectivement, il faut en face qu’on comprenne que ce sont des humains qui communiquent et qui peuvent faire des erreurs et du coup, justement, on doit aussi avoir une deuxième chance pour la prochaine fois et s’améliorer.

 

Marine [00:26:22] C’est l’idée aussi de l’amélioration continue. On n’est ni parfait ni parfaite. On ne peut qu’apprendre. Est-ce que tu aurais d’autres conseils liés à d’autres piliers de la communication responsable, types sur la déontologie, la RGPP, la transparence de la communication ?

 

Emilie [00:26:40] Oui, c’est bien d’en parler parce que ce n’est pas que l’environnement. Parce que pour être responsable au sens premier du terme, une communication, elle doit être respectueuse des consommateurs [et consommatrices] de manière générale.

Donc, la communication doit être transparente. Elle ne doit pas induire en erreur et pas seulement du coup sur ces questions de développement durable, mais aussi protéger ses consommateurs [et consommatrices] tout comme leurs données. Donc tu citais le RGPD, en fait c’est du bon sens. Il faut se respecter entre nous. Respectons nous !

 

Marine [00:27:08] Ben oui, c’est si bête, en fait, c’est tout simple. Et comment est-ce que tu vois l’avenir de la communication pour les entreprises ?

 

Emilie [00:27:16] Alors je pense que les entreprises auront toujours besoin de communiquer et donc de se faire accompagner pour bien communiquer. Ce qui va changer plus, à mon avis, c’est leur manière de le faire, tant sur le fond que sur la forme.

Donc, éco concevoir sa campagne publicitaire de manière plus systématique et recourir avec justesse à de nouveaux récits qui reflèteront la communication. Après, ce sont les enjeux de demain au service de la transition écologique et sociale, sociétale.

Là encore, si on considère que la publicité maintenant, elle a au moins 300 ans, la communication des entrepreneurs [et entrepreneuses], elle, a constamment évolué parce que pour durer, elle respecte les récepteurs de ses messages.

 

Marine [00:28:02] Et sinon, dernière petite question : est-ce que tu aurais un dernier mot que tu voudrais ajouter avant que l’on clôt l’enregistrement ?

 

Emilie [00:28:09] Mais oui. Donc déjà je voulais ajouter que la communication c’est vrai qu’elle peut avoir l’image d’être en contradiction avec la transition écologique. Je pense moi plutôt au contraire que bien utilisée, elle peut être un formidable vecteur de transformation. Donc je pense que c’est important de l’envisager comme une alliée et que ça peut être justement au contraire une force.

De notre côté, c’est là que nous, on fait ce pari, forcément à l’ARPP. D’ailleurs, on lance prochainement un dispositif de mécénat de compétences pour permettre à des [actrices et] acteurs engagés dans la transition écologique et sociétale de bénéficier gratuitement de notre accompagnement pendant un an.

Et ça aussi, ça arrivera très prochainement. Donc peut-être qu’on aura l’occasion d’en reparler bientôt.

 

Lili [00:29:00] La communication a donc un bel avenir devant elle, à condition d’être responsable. C’est en tout cas ce que l’on pense chez Hippocampe.

Comme le rappelle Emilie, il faudra toujours communiquer, mais certaines pratiques ne passent déjà plus vraiment et elles ne passeront bientôt plus du tout côté audience. Alors, autant prendre le tournant responsable dès maintenant et coller aux attentes éthiques grandissantes de la société. La transition responsable de votre communication est nécessaire et c’est justement l’une de nos expertises. Rendez-vous sur nos réseaux sociaux pour en savoir plus.

Et puis on vous donnera aussi des conseils concrets dans les prochains épisodes de cette série.

 

Focus modèle économique : remise en question de notre fonctionnement sociétal

Lili [00:29:37] Mais en attendant, on vous propose de prendre de la hauteur et de terminer cet épisode avec une intervention qui claque. Cyril Masselot met les pieds dans le plat et s’attaque directement à notre modèle économique. Il nous invite à regarder les choses sous un nouvel angle.

Un angle différent parce que, selon lui, on ne regarde pas dans le bon sens, et c’est justement ce qui crée des tensions dans toutes les sphères de la société. On ne vous en dit pas plus et on vous laisse découvrir notre échange.

 

Lili [00:30:07] Lorsqu’on a discuté ensemble il y a quelques semaines, tu parlais de l’opposition entre deux modèles. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

 

Cyril [00:30:14] On est effectivement face, encore à l’heure actuelle, à des modèles qui s’affrontent, qui s’affrontent ou qui essayent de coexister, mais qui ne sont pas toujours tout à fait d’accord les uns avec les autres. Parce que, comme je l’ai expliqué auparavant, les objectifs ne sont pas les mêmes.

Quand on est dans une entreprise, dans une structure dont l’objectif fondamental est avant tout de dégager du bénéfice pour les actionnaires, on est quasiment prêt à n’importe quoi concrètement, y compris, par exemple, puisqu’on va parler de communication, à contrôler ce qui se passe dans l’information que l’on distribue. Je pense à l’heure actuelle à comment sont détenus les médias en France. Mais c’est pareil en Europe, c’est pareil aux États-Unis, c’est pareil un peu partout malheureusement. Donc ces mondes s’affrontent, et de manière insidieuse, au fur et à mesure, transforment, y compris les services publics, pour aller dans cette logique-là.

A côté de ça, le monde qui, on va dire plutôt celui de l’économie sociale et solidaire, j’allais dire « fait ce qu’il peut », essaye de communiquer et de créer de l’activité dans son coin, mais n’est pas aussi intrusif ou pernicieux dans les autres services et dans les autres systèmes. Donc ça, c’est pas encore très très très efficace.

Alors après, il y a des outils légaux et des outils illégaux. Effectivement, quand on travaille et qu’on s’intéresse notamment à la fraude fiscale, puisque on sait à l’heure actuelle que si on réglait le problème de la fraude fiscale en France, on n’aurait plus le problème du trou de la sécurité sociale, on n’aurait plus de problème des retraites, ça irait beaucoup, beaucoup mieux.

Cette fraude fiscale, elle ne vient pas de l’économie sociale et solidaire. Elle vient du monde de l’économie marchande, pour la nommer comme ça et pour ne pas dire capitaliste ou ultralibérale. Mais cette fraude-là, elle vient de là. Donc concrètement, là, il y a une bagarre, si vous voulez, qui se mène au-dessus des États, au-dessus des nations ; l’intérêt privé des riches, voire des plus riches, voire des ultra riches est supérieur à l’intérêt des nations et des états à l’heure actuelle.

 

Lili [00:32:36] Ça fait écho chez moi et je me demande si actuellement le gouvernement et les états, tu sembles dire qu’ils ferment les yeux sur pas mal de choses, mais est-ce que, à côté de ça, ils accompagnent quand même la transition responsable des entreprises, ou pas du tout ?

 

Cyril [00:32:51] C’est toujours un peu compliqué pour notre système actuel, dans nos sociétés actuelles, d’être, on va dire trop visiblement d’un côté ou de l’autre.

Au tout début, quand je me présentais, je vous disais que je travaille beaucoup en analyse de discours et j’apprends à mes étudiants, c’est pas les miens, mais les étudiants qui passent par mes mains en tous cas, à utiliser des logiciels et des méthodes de l’ingénierie pour analyser les discours politiques. Et on l’a fait sur les deux dernières présidentielles, mais aussi sur des législatives, et un phénomène incroyable qui est arrivé avec cette nouvelle génération de politiques et politiciens, c’est le fameux en même temps.

Excusez-moi de reprendre encore un exemple local. Je suis, moi un grand fan de nos produits fromagers dans le Jura, dans la Franche Comté. En général, le comté, on en fait du super bon ici, on en fait du très mauvais pour vendre ailleurs en France et à l’étranger, mais on en fait du très bon en local, et à mon avis, on se le garde un peu pour nous d’ailleurs.

Eh bien, n’empêche que cette filière-là, elle est, du point de vue écosystémique, elle est extraordinairement négative. Elle est destructrice d’écosystèmes. Elle est très très mauvaise pour la nature. Pourquoi ? Parce que, on déforeste pour créer de plus en plus de champs, de prés, pour que nos vaches puissent se nourrir, ou pour que l’on fasse pousser du maïs, ce qui est affreux du point de vue écologique. Le maïs consomme des tonnes de flotte et un espace pas croyable. Donc bref, on perd de l’espace à cause de cette filière-là. On a des rejets de pollution d’eau, de petit lait etc dans nos cours d’eau, dans nos rivières, que l’on constate chaque année. Ils prennent des amendes, mais ce n’est pas grave, ça continue et c’est de pire en pire. N’oublions pas que les bovins participent très amplement aux émissions de gaz à effet de serre, comme on le sait, assez régulièrement. Donc on a des élevages qui sont quand même compliqués, on va dire du point de vue empreinte écologique

. Eh bien quand on dit ça et que les associations de lutte pour l’environnement essayent de faire comprendre à la filière et aux politiques, aux préfets etc qu’il faut limiter l’implantation, il faut qu’on limite la filière, et cetera, on nous répond tout de suite le sacro saint « Ah mais vous allez tuer de l’emploi ! ».

Mais encore une fois, on retombe sur ce problème de l’emploi. Vous voyez, et ça c’est un vrai souci. Et moi j’aimerais bien justement qu’on pousse régulièrement la discussion jusqu’au bout et qu’on arrive à chaque fois à cette question de « Ah oui, mais vous allez tuer de l’emploi, donc vous allez provoquer de la pauvreté ». Eh bien très bien, maintenant, reprenons les choses à l’envers.

Échelle des salaires, richesse, écart entre riches et pauvres. On a suffisamment de richesses en France, et ça a été démontré depuis, pareil, depuis 20 ans par des économistes, par des sociologues, par des collègues. On a les moyens depuis plus de 20 ans maintenant pour mettre en place un revenu minimum d’existence ou un revenu universel ou une allocation.

Appelez ça comme vous voulez. On donne à chaque individu en France 1 500 €, l’équivalent en pouvoir d’achat pour vivre par mois. S’il veut plus, il travaille comme il veut, il fait autrement. Mais du coup, on va inverser la tendance. On va créer une activité et on va réfléchir à nouveau à comment on répond à des besoins et non pas comment on crée des illusions nécessaires.

 

Marine [00:36:40] On ne voit pas les choses comme ça en fait. Parce que c’est vrai qu’on nous a poussés à penser emploi égal argent égal richesses.

 

Cyril [00:36:47] En plus c’est pas si inconnu que ça. C’est ce que j’ai essayé de dire tout à l’heure quand je parlais des coopératives. C’est que tu vois, les paysans du Haut-Doubs et du Haut-Jura, au XIIIᵉ siècle, au XIVᵉ siècle, qui avaient leurs vaches et tout ça, il fallait bien à un moment quelconque…

Ils ont compris qu’il fallait qu’ils se mettent ensemble pour y arriver. Donc ce n’est pas si vieux que ça. C’est plus souvent des remèdes de grand-mère, de la logique de grand-mère, comme moi je dis, qu’on nous fait oublier par les systèmes actuels.

Moi, j’ai vécu avec des parents qui sont nés en 40, qui sont nés pendant la Deuxième Guerre mondiale. Des grands parents qui, eux, sont nés pendant la première. Et mes parents, quand ils ont vu l’arrivée des supermarchés et des hypermarchés, ils étaient contents.

C’était la libération de la femme, surtout parce qu’on n’a plus besoin de faire le jardin. On n’a plus besoin de faire de l’élevage. On n’a plus d’économie de subsistance au quotidien. On perd cette idée-là du foyer, et ça nous libère du temps pour aller à l’usine. C’est ça l’idée qui est derrière.

Et du coup, qu’est-ce qu’on fait ? Du coup, est-ce que vous savez ce que vous mangez ? Est-ce que vous savez ce que vous avez dans votre assiette ? Est-ce que vous savez ce que vous buvez comme eau ? Quel est l’air qu’on respire ? Vous voyez ce que je veux dire. On a complètement perdu pied sur l’étage numéro un de la pyramide de Maslow. On n’a plus aucun contrôle de ça.

 

Marine [00:38:13] Non, en fait, on a délégué.

 

Cyril [00:38:15] On a tout délégué. On a délégué aussi nos gouvernances. Qui a envie maintenant de s’impliquer dans sa commune ou dans son quartier ? Qui a envie de s’impliquer dans des associations ? Des choses comme ça, tu vois.

Alors vos générations à vous, il y a une espèce de rebond. Il y a un petit rebond qui fait que votre génération s’implique un peu plus dans les aspects communautaires. Mais sinon, les associations sont remplies à trois quarts de retraités.

 

Marine [00:38:43] Après ça, j’ai l’impression que c’est un ras le bol général de notre génération, et tu te préoccupes un peu pour ton futur.

 

Cyril [00:38:48] Ben j’espère. Tout à l’heure, je vous parlais de d’éco-anxiété et de solastologie. C’est qu’on voit dans beaucoup de nos jeunes actuels, un effondrement psychologique. Voilà, je sais que je ne suis pas gai, mais n’empêche que c’est vrai. Moi, je le vis très régulièrement. Par exemple, depuis que je suis prof à l’université, à l’IUT en particulier au département Infocom, j’ai noté, on a observé, mes collègues sont d’accord avec moi, une très nette dégradation de l’aspect sanitaire des étudiants dans les deux sens.

On a de plus en plus d’étudiants qui sont malades, qui ont des tiers-temps, qui ont des dispenses, de trucs, de ceci cela, d’étudiants qui font leurs études en trois ans et non pas en deux, ou en plus. Et des étudiants qui ont des maladies soit physiques, des problèmes physiques. Mais on a surtout une explosion des problèmes psychologiques.

C’est extraordinaire, incroyable.

Pas seulement parce qu’on les détecte mieux. Mais franchement, là, il y en a plus. Là, il y en a plus. On a des vrais problèmes. Tout à l’heure, vous parliez du sens, etc, mais fondamentalement, quand on est étudiant, quand on est dans ces âges-là, dès qu’on arrive au collège, je dirais quatrième, voilà cinquième, quatrième, on commence à se poser des questions sur la vie quand même. Et qu’est-ce que je fais là et pourquoi je suis là ? Et je répète : qu’est-ce qu’on offre à cette génération à l’heure actuelle comme avenir ?

 

Conclusion

Lili [00:40:23] Bon, eh bien voilà. Ça pose les bases, ou plutôt ça les déconstruit. C’est une réflexion très intéressante selon nous. Évidemment, ça donne matière à débat, mais ça mérite d’être abordé pour trouver des solutions, faire bouger les choses et faire évoluer notre société pour le mieux.

Et vous, qu’est-ce que vous en dites ?

Il y aurait encore des tas de choses à dire sur le sujet, mais on va s’arrêter là. Cela dit, on serait ravies de poursuivre cette discussion avec vous. Donc n’hésitez pas à nous faire vos retours et partager vos avis sur nos réseaux sociaux.

On aime beaucoup ce genre d’échanges, car ils sont orientés vers des solutions. Ces discussions ouvrent sur d’autres perspectives et permettent d’envisager les situations différemment. Et puis ça peut nous ouvrir à de nouvelles opportunités, si on s’écoute les uns, [les unes et] les autres et que l’on décide de passer à l’action, évidemment.

C’est d’ailleurs ce que l’on vous propose dans les prochains épisodes de cette série.

On passe à l’applicatif. On a interviewé des experts et expertes en communication responsable, en management, en leadership, en gestion ou encore en organisation de l’entreprise. Vous pourrez donc piocher des conseils et des bonnes pratiques dans les épisodes à venir.

On vous dit à très vite. Merci beaucoup !

 

 

Hippo’dcast, un podcast qui vous plonge dans nos enquêtes sur l’éthique en entreprise et sur le web.

 

Réalisé avec bienveillance par Lili et Marine de l’agence web Hippocampe, une agence en pleine transition éthique.

 

Et voilà pour ce quatrième épisode ! 

Des communiquants et communiquantes parmi nous ? Vous évaluez comment vos pratiques de com à la lumière de ce qui a été dit dans cet épisode ?

Vous pouvez nous en parler directement sur nos réseaux sociaux ou en prenant contact via notre site.

Rendez-vous dans 2 semaines pour la sortie du prochain épisode sur les bonnes pratiques managériales et de communication en entreprise.

A très vite !

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