Cadre légal : Gestion et organisation de l'entreprise

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Publié le 18 avril 2023

Semaine de 4 jours, télétravail, horaires flexibles, management, bien-être au travail, transition responsable, RSE... Nos experts et expertes vous livrent leurs conseils de mise en place légale et pratique. De quoi vous inspirer et vous aiguiller si vous comptez adopter ce type d'organisation.

Enquêtes éthiques d'Hippocampe
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Gestion et organisation légale de l'entreprise - [Focus entreprise de demain - épisode 3]
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Quand on mène une enquête, on aime bien faire un tour du côté du cadre légal. On est persuadées que les lois aident à comprendre la direction que prend notre société. Elles sont aussi un bon levier de changement côté pratiques professionnelles.

Avec ce troisième épisode, on rentre donc dans la partie légale. On aborde des sujets liés au droit du travail, à la gestion de l’entreprise et à son impact sociétal.

Semaine de 4 jours, télétravail, horaires flexibles, management, bien-être au travail, transition responsable, RSE… Bref, on a du pain sur la planche !

Les experts et expertes qui nous accompagnent :

Bonne écoute ou bonne lecture avec la retranscription ci-dessous !

Notre petit conseil : on vous invite à diviser votre temps d’écoute en 2 ou 3 temps, si c’est trop long pour vous. Comme ça, vous serez à 100% dans le podcast chaque fois que vous l’écoutez.

 

Plan :

Retranscription épisode 3 : Gestion et organisation légale de l’entreprise

  1. Introduction
  2. Focus gestion, management et nouveau modèle organisationnel
  3. Focus transition responsable des entreprises
  4. Conclusion

 


Retranscription épisode 3 : Gestion et organisation légale de l’entreprise

Introduction

Lili [00:00:20] Nous revoilà parties avec une nouvelle enquête. Après l’inclusion et l’accessibilité numérique et le numérique écoresponsable, on s’intéresse maintenant à l’entreprise de demain.

Si on devait brosser le portrait de l’entreprise de demain, à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? En interne comme depuis l’extérieur.

Pour y parvenir, on s’est penchées sur les sujets de gouvernance, de management et de communication.

    • Comment l’entreprise de demain s’organise ?
    • Comment les équipes sont-elles gérées ?
    • Comment se comportent les leaders et les managers (et manageuses) ?
    • Comment est-ce qu’elle communique avec toutes ses parties prenantes ?

Bref, plein de questions intéressantes que l’on a posées à des experts et expertes de ces différents domaines.

Dans cette série, on a rassemblé une grande diversité de profils passionnants et engagés. Une valeur ajoutée énorme pour aborder l’entreprise de demain sous différents angles.

Et puis ça nous motive énormément de pouvoir partager nos découvertes et, qui sait vous inspirer à faire évoluer vos pratiques professionnelles. L’entreprise de demain est bien plus proche de nous qu’on ne le croit.

En fait, elle existe déjà, mais on ne vous en dit pas plus. Vous le découvrirez dans cette enquête.

Lili [00:01:39] Pour celles et ceux qui nous suivent depuis notre première enquête, vous savez que l’on aime faire un tour du côté législation.

Les lois sont un bon moyen de voir les actions à mener pour s’améliorer. Et puis ça permet d’inciter un passage à l’acte pour les entreprises les plus réticentes.

Sans compter que c’est l’occasion de comprendre les tendances de notre société, vu que les lois sont en quelque sorte une réponse aux nouvelles pratiques qui se démocratisent.

En tout cas, elles peuvent servir de marqueur et d’objectifs à atteindre pour les entreprises. Et côté entreprise de demain, il y a justement du mouvement au niveau de la transition responsable des entreprises, de leur gestion et de leur communication.

Comme vous le découvrirez dans cet épisode, c’est un chantier en cours. Il reste encore des tas de choses à faire à ce niveau-là. Mais il existe déjà pas mal de lois et de règles déontologiques pour encadrer ces évolutions.

Dans l’épisode que vous écoutez actuellement, on parle de la gestion interne des entreprises et de nouveaux modèles organisationnels plus flexibles. Modèles pas si nouveaux que ça, vous le verrez.

Dans le prochain épisode, on parlera du cadre légal et déontologique autour de la communication des entreprises et on ira carrément jusqu’à remettre en question notre modèle économique.

Mais avant cela, on a du pain sur la planche.

Avec cette première partie, on va parler droit du travail, QVT, management, semaine de quatre jours, télétravail, horaires flexibles, transition responsable et même RSE. Bref, plein de sujets très intéressants qui méritent notre attention.

Nos intervenants et intervenantes pour cette partie sont :

    • Gaël Chatelain-Berry, chroniqueur et écrivain, conférencier, influant sur LinkedIn et créateur des podcasts Happy Work et Happy Love.
    • Et enfin Thomas Parouty, fondateur de l’agence Mieux, une agence de communication engagée, agile, experte, créative et surtout heureuse.

Alors, si vous êtes prêts et prêtes, allons-y !

 

Focus gestion, management et nouveau modèle organisationnel

Lili [00:03:47] On commence donc avec Franck Morel. Nous l’avons questionné sur les lois qui encadrent le bien-être au travail et les pratiques managériales.

On a aussi abordé la question du burn out et on a parlé des parties prenantes impliquées dans la mise en place de nouveaux modèles organisationnels. Parce que oui, ce n’est pas évident à appliquer côté juridique et ça pose quelques défis.

Franck nous a éclairées sur le sujet.

 

Marine [00:04:13] Alors c’est vrai que la QVT, le bien-être au travail sont quand même devenus des incontournables dans beaucoup d’entreprises. Mais j’ai l’impression que l’on est parfois encore loin du compte dans la pratique.

Côté législation, est-ce qu’il existe justement des lois pour encadrer les pratiques managériales et le bien être au travail ?

 

Franck [00:04:29] Alors les lois qui existent sur ce type de question sont plus des lois qui définissent des process que des lois qui vont fixer des choses extrêmement précises. On a principalement en réalité une obligation de négocier.

C’est là dessus le sujet principal sur ce qu’on appelle la QVT, qui d’ailleurs est devenue progressivement la QVCT, c’est-à-dire la question de la qualité de vie et des conditions de travail, qui est appréhendée donc par le biais d’une obligation négociée tous les quatre ans dans les entreprises où il existe des interlocuteurs pour négocier, c’est-à-dire des organisations syndicales.

Et à défaut d’accord existant dans l’entreprise, sur ces sujets-là, eh bien cette obligation de négocier devient une obligation annuelle. Donc, comme vous le voyez, on est plus sur le process.

C’est-à-dire que l’on est plus sur le fait de faire en sorte que les parties prenantes se mettent autour de la table pour négocier un certain nombre de sujets. Après le vocable QVT ou QVCT, c’est un vocable extrêmement large dans lequel on va mettre toute une série de sujets.

Et sur chacun de ces sujets, dans un certain nombre de cas, il va exister parfois des obligations particulières. Je vais prendre un exemple concret.

Vous avez par exemple un principe, qui est affirmé, de droit à la déconnexion. Qui est un des sujets, un des sous-ensembles des thématiques relatives à la qualité de vie au travail, c’est la question [de la manière] dont on va gérer le bon équilibre en matière d’usage des outils numériques et des outils réseaux sociaux et de téléphonie.

Et donc, dans ce cadre-là, eh bien a été mis sur la table le fait que les entreprises doivent négocier ou, à défaut d’accord collectif, se doter d’une charte en matière de droit à la déconnexion, c’est-à-dire d’indiquer quelles sont les voies et moyens par lesquels est organisé le fait de garantir une déconnexion dans un certain nombre de cas.

 

Marine [00:06:13] Là vous parlez du droit à la déconnexion. Est-ce qu’il y a d’autres grands principes que vous pourriez citer justement ?

 

Franck [00:06:18] Alors vous avez le droit d’expression des salariés qui est ancien, qui date des lois Auroux de 1982, qui est également mentionné dans le code du travail qui est un peu tombé en désuétude.

Il a été remis au goût du jour à travers les ordonnances de septembre 2017, puisque avait été mentionné le fait que ce droit à l’expression des salariés pouvait être aussi organisé dans le cas de l’usage des outils numériques. Mais force est de constater que c’est quelque chose qui est assez peu abordé dans le cadre des relations en entreprise.

Ce qui est dommage parce que c’est un besoin qui est de plus en plus prégnant de la part des acteurs [et actrices]. Des deux côtés d’ailleurs, aussi bien de la part des salariés, pour justement matérialiser cette expression, mais aussi de la part des directions, pour essayer de trouver le moyen d’encadrer les débordements qui pourraient exister en pareil cas. Donc il y a ce sujet.

Vous avez ensuite tous les sujets liés à l’exercice de la parentalité, qui donnent lieu à un certain nombre de garanties de droits en matière de congé parental, de congé maternité, d’exercices de protection sur ce congé maternité. Voilà un certain nombre de choses.

Et puis vous avez tout ce qui tourne autour du temps de travail avec le repos minimum de 11h, qui est issu d’une directive européenne à la base, qui a été transposée en droit français, voici maintenant une vingtaine d’années.

Et puis un certain nombre de prescriptions en matière de durée maximale de travail et de pauses. Et en tout état de cause, dans le cadre, par exemple, de l’emploi des salariés en forfait en jours, c’est-à-dire lorsque le temps de travail est décompté en jours, ce qui est le cas en France pour la moitié des cadres environ, eh bien un certain nombre de prescriptions qui doivent être appliquées en matière de suivi de la charge de travail.

Voilà pêle mêle un certain nombre d’exemples, d’illustration, de sujets concrets, qui matérialisent ces thématiques de qualité de vie au travail et de qualité de vie et de conditions de travail.

 

Marine [00:08:08] On parle de plus en plus de QVT et on parle aussi de plus en plus de burn out. Certains professionnels [et professionnelles] aimeraient qu’il soit reconnu comme une maladie à part entière et que la responsabilité soit tenue du côté de l’entreprise. Alors je voulais savoir ce que vous en pensez.

Est-ce qu’il y a des avancées justement dans cette direction au niveau du droit du travail ?

 

Franck [00:08:25] Alors, c’est un sujet compliqué et ancien parce qu’effectivement, vous avez eu un débat à plusieurs échéances, au Parlement notamment. Il y a eu des propositions de lois, il y a eu des amendements qui ont été discutés sur le fait de savoir si le burn out devait ou pas être reconnu comme une maladie professionnelle.

Reconnaître le burnout comme une maladie professionnelle, ça voudrait dire quoi ?

Ça voudrait dire que l’on considère qu’il y a une présomption, quand on fait un burn out, de lien avec l’environnement professionnel. Puisque l’inscription sur le tableau des maladies professionnelles, c’est ça l’impact.

C’est le fait que vous avez une présomption du fait que la pathologie qui est déclarée est une pathologie qui est d’origine professionnelle, et donc est considérée comme une maladie professionnelle.

Ce n’est pas ce que préconise par exemple l’OMS. Puisque l’OMS, par exemple, considère que si le burn out est lié à un environnement professionnel, il n’a pas forcément à être comptabilisé dans la catégorie des maladies professionnelles pour plusieurs raisons. La première raison, c’est qu’il est parfois difficile de définir médicalement, en termes de pathologie, ce qu’est le burn out.

Est-ce que c’est une dépression ? Est-ce que c’est quelque chose qui peut prendre une autre forme ? Et donc ça, je dirais que ça renvoie à un certain nombre de débats et de réflexions qui vont plutôt être menées de la part des spécialistes médicaux.

Mais est-ce qu’on est capable de caractériser toujours dans toutes les situations, ce cas de burnout ?

Mais surtout, est-ce qu’on est toujours capable de considérer que quelqu’un qui va être dans une situation de dépression, on va dire, dès lors qu’on est capable de mettre en avant un certain nombre de faisceaux d’indices permettant de caractériser cette pathologie, est-ce qu’on est toujours capable de considérer qu’elle est mono factorielle, ou en tout cas, qu’elle est principalement due au travail ?

Ou est-ce qu’on se trouve quand même souvent dans des situations qui sont des situations pluri factorielles, où la part du travail peut exister, mais où ce n’est pas uniquement la part du travail qui intervient ?

En clair, vous pouvez tout à fait avoir des problèmes dans votre travail, mais vous pouvez aussi avoir des problèmes dans votre vie privée, et le cocktail de l’ensemble de ces problèmes va pouvoir produire une situation sur votre état psychologique qui va être une situation extrêmement dégradée.

Mais quant à savoir quelle est la responsabilité dans cette situation des différents facteurs, c’est quelque chose qui n’est pas toujours aisé à établir.

Alors vous avez la possibilité parfois de faire en sorte que lorsque vous faites un burnout, ou lorsque vous avez une maladie de type psychologique, d’essayer de le faire reconnaître comme une maladie professionnelle. Il y a une condition qui est mise sur la table par la réglementation.

C’est d’une part le fait d’établir le lien avec le boulot, avec le job, et d’autre part, le fait que votre incapacité de travail soit réduite d’au moins 25 %. Alors il y a un débat aussi sur le fait de se dire, est-ce que pour les affections de nature psychologique, il ne faudrait pas réduire ce chiffre de 25 % ?

Le débat est sur la table. En tout cas, c’est un sujet qui est complexe.

 

Marine [00:11:26] Oui, ça, c’est vrai que c’est assez complexe. Et quelque part, c’est vrai qu’on peut comprendre aussi les deux côtés, dans le sens où c’est assez difficile de déterminer si le burn out vient que du travail. Et de toute façon, c’est vrai que le burn out, c’est pas juste le boulot.

En général, il y a pas mal de choses qui rentrent en ligne de compte. Mais quand on entend parfois certaines histoires dans les entreprises, avec des managers [ou manageuses] vraiment toxiques, qui poussent leurs salariés au burn out…

Je pense qu’à ce moment-là, c’est plus quand c’est une entreprise où on voit qu’il y a un turn over assez élevé, que beaucoup de salariés partent à cause de leur manager, là, je pense que le cas de burn out est plus facilement reconnu, non ?

 

Franck [00:12:04] Mais dans ce cas-là, dans le cas que vous évoquez, de management toxique et de situation de salariés qui sont en situation de pathologie psychologique liées à cet environnement, la question va beaucoup plus loin que simplement la question de savoir si ça doit être reconnu ou pas comme une maladie professionnelle.

C’est en réalité la question du management de ce type de situation et du management dans l’entreprise en général des risques psychosociaux.

Ce qui renvoie à la politique de l’entreprise en matière d’appréhension de ce type de situation, de mode opératoire, de formation, d’organisation du management, de système d’alerte, de détection d’alertes, de système d’enquête, d’implication de l’ensemble des parties prenantes.

C’est tout ça à la fois. Si vous voulez, c’est toute la phase amont qu’il faut prendre en considération.

 

Marine [00:12:51] Est-ce que vous avez eu des cas, vous justement, d’entreprises qui étaient dans cette situation là ?

 

Franck [00:12:56] Oh oui, on rencontre des cas d’entreprises où effectivement on a des situations conflictuelles entre un ou plusieurs salariés et un ou plusieurs managers.

Et donc, dans ces cas-là, effectivement, ce qui va être important, c’est la capacité de l’entreprise à détecter le plus en amont possible ce type de situations dès lors qu’elles ont été détectées, à réagir de la manière la plus efficace possible par rapport aux différents protagonistes, à la victime. S’il s’avère effectivement que c’est une victime et au manager s’il s’avère effectivement que le manager est à l’origine de cette situation.

Donc bien évidemment, mais vraiment, je pense que le point important en la matière, par delà les situations individuelles, c’est que l’organisation de l’entreprise soit prête à affronter ce type de situations, c’est-à-dire soit prêtes à avoir les systèmes de détection, les systèmes d’alerte et les systèmes de prévention en la matière.

 

Marine [00:13:50] Et vous auriez des exemples concrets de systèmes qu’on peut mettre en place justement pour prévenir ?

 

Franck [00:13:56] Ça va être assez classique. Ça va être de la formation d’abord, de l’ensemble des parties sur ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Ça va être une culture d’entreprise, du management, ça va être l’implication de l’ensemble des parties prenantes, les représentants du personnel, les managers, les salariés.

Et puis ça va être des systèmes d’alerte qui vont être organisés, c’est-à-dire avec soit un numéro de téléphone, soit une personne à contacter avec un système d’écoute, et puis avec un process qui est organisé, dans le cas où on va considérer que cette alerte est une alerte sérieuse et mérite effectivement qu’on déclenche un système d’enquête.

 

Marine [00:14:37] Et est-ce que ça peut aller jusqu’à virer le manager [ou la manageuse] pour faute grave par exemple ?

 

Franck [00:14:41] Bien sûr. Oui, bien sûr. Ça peut aller jusqu’à prendre des sanctions, bien évidemment, dans le cas où les situations qui ont été mises en avant correspondent à des situations qui ne sont pas acceptables du point de vue de ce que prescrit la réglementation.

Puisque vous avez des articles dans le Code du travail sur le harcèlement moral, sur le harcèlement sexuel par exemple, qui prohibe un certain nombre de comportements.

Et donc, dès lors que le comportement d’une personne va tomber sous le coup de ces articles, eh bien, il est effectivement de la responsabilité de l’entreprise de prendre les sanctions qui s’imposent, allant à l’encontre de la personne qui se rendrait coupable de tels agissements.

 

Marine [00:15:21] OK et par rapport aux évolutions qu’on voit dans notre société, est-ce que vous voyez de plus en plus de cas justement qui vont jusqu’à la sanction ?

Quand je pense notamment au mouvement Metoo qui a quand même déclenché pas mal de réactions dans les entreprises, est-ce que justement il y a eu une augmentation de ces cas-là ?

 

Franck [00:15:37] C’est dur à dire d’un point de vue quantitatif, parce que vous n’avez pas de mesure quantitative sur ce plan-là. En revanche, ce qui est certain, c’est que c’est des sujets qui sont de plus en plus dans le scope des entreprises, dans le champ de vue des entreprises et dans les préoccupations des entreprises.

Parce qu’une entreprise, elle ne vit pas indépendamment de son contexte, elle ne vit pas indépendamment de la société dans laquelle elle évolue.

Et une entreprise, elle va devoir recruter. Elle va devoir gérer des relations avec ses fournisseurs. Elle va devoir rendre des comptes à ses actionnaires.

Et donc, aux vues de l’ensemble de ces impératifs, eh bien, évidemment, elle doit prendre en considération un certain nombre de préoccupations qui sont de plus en plus fortes, et donc s’assurer du fait qu’elle est, je dirais, pleinement « compliant » [conforme], pour reprendre une expression qui correspond à ce qui est mis en avant dans un certain nombre de cas par rapport à un certain nombre de normes comportementales et de normes légales surtout, qui doivent être appliquées.

 

Marine [00:16:38] Et justement, comme vous êtes en train de dire que les entreprises évoluent aussi en fonction de la manière dont la société évolue, c’est vrai que là, on se rend compte que les entreprises tendent à devenir de plus en plus flexibles du fait que nous, employés, en général nos générations, on a ce besoin de flexibilité.

Et donc c’est vrai que c’est bien d’un point de vue expérience utilisateur, mais j’imagine que ça peut poser des problèmes du côté organisationnel et notamment juridique.

Quels sont les problèmes que ça peut poser justement ce nouveau modèle d’organisation ?

 

Franck [00:17:10] La difficulté à laquelle l’entreprise est souvent confrontée en la matière, c’est que le Code du travail est encore en large partie bâti sur un modèle d’organisation du travail et d’organisation économique qui est celui de la France fordiste des années 30 ou de l’immédiate après guerre.

C’est-à-dire un modèle où, ce qui caractérise le contrat de travail est le lien de subordination, le fait de se placer sous la subordination d’une personne et de mettre en exécution une prestation de travail sous le contrôle de cette personne qui a le pouvoir, donc, de donner des directives et de sanctionner, le cas échéant, les manquements, s’il y a des manquements.

Et donc, on voit bien que l’aspiration de plus en plus forte, notamment de la part des nouvelles générations, vers plus d’autonomie, plus de souplesse, plus de liberté, n’est pas toujours évidente à concilier avec cette définition de la relation de travail et du contrat de travail. Et c’est la raison pour laquelle vous avez vu se développer de plus en plus, depuis un laps de temps assez important, d’une part, des formes d’activité qui prennent en considération ce besoin d’autonomie.

Donc, c’est le développement du portage salarial, c’est de développement de l’auto entrepreneuriat, c’est le développement des plateformes de mise en relation, mais aussi la possibilité, dans le cadre du salariat, de trouver le bon équilibre en termes de curseur entre autonomie et garantie.

Si je prends les deux systèmes extrêmes, que sont d’un côté le fait d’être freelance et d’être indépendant…

Si je suis freelance et si je suis indépendant, j’ai une autonomie totale, mais j’ai assez peu de garanties en matière sociale. À l’inverse, si je suis salarié, j’ai un corpus de garanties qui dépendent du salariat, qui sont assez importantes, mais en revanche, j’ai une autonomie qui va plafonner au delà d’une certaine limite, parce que je suis dans un cadre contraint par les caractéristiques mêmes du salariat.

Et donc on voit bien que d’un côté ou de l’autre, on a essayé de trouver le bon positionnement des curseurs pour avoir à la fois des garanties et de l’autonomie. Donc c’est toute l’histoire du développement de ces nouvelles formes d’activité. Et cette question, elle va se poser aussi en termes d’organisation du travail.

C’est comme ça que, par exemple, s’est développé depuis le début de ce siècle, le forfait en jours qui est né avec la loi du 19 janvier 2000. Donc qui a plus de 20 ans désormais et qui permet de comptabiliser le temps de travail non plus en heures mais en jours, mais qui suppose un certain niveau d’autonomie de la part des salariés.

Aujourd’hui, le forfait jour, c’est à peu près un cadre sur deux par exemple. Donc c’est quelque chose d’important. Mais le juge, la jurisprudence, sous l’influence notamment des directives européennes, est venu poser un certain nombre de limites en termes de suivi de la charge de travail et en termes de vérification du temps réellement passé par les intéressés au travail dans le cadre de ces mécanismes de forfait en jours.

Donc, on voit bien qu’on est toujours traversé par ces deux exigences contradictoires qui sont d’un côté « je veux plus de liberté, mais je veux aussi plus de garanties ».

Et est-ce que liberté et garanties sont toujours aisément compatibles ?

Non, pas toujours. C’est pas toujours évident à combiner. Le fait par exemple, d’être très libre dans son travail, mais de bénéficier quand même d’une durée du travail qui ne va pas être démentielle et quand même d’un certain nombre de repos. Si je suis libre à 100 %, le risque c’est que, comme je suis libre à 100 %, eh bien je sois « corvéable » à merci et que j’aie un temps de travail dément et des repos réduits.

À l’inverse, si j’ai un temps de travail plafonné et des repos garantis, ben peut-être mon niveau de liberté va-t-il du coup être extrêmement réduit ? Parce que je vais être obligé de comptabiliser très précisément mon temps de travail. Et donc c’est toute cette contradiction qu’il va être difficile de surmonter.

Alors il y a des mécanismes pour ça. Il y a la négociation collective qui peut essayer de trouver un certain nombre de curseurs. Mais on voit bien qu’on est souvent au centre de ces contradictions et de la difficulté à lever ces contradictions.

 

Marine [00:21:12] C’est assez intéressant parce que justement ça, j’ai entendu pas mal de cas comme ça avec des personnes qui voulaient justement… Qui avaient ce besoin de liberté, qui se lancent en entrepreneur, en freelance, et qui se rendent compte en fait, au final, qu’elles travaillent limite plus en fait que quand elles étaient en salariat.

 

Franck [00:21:28] Bien sûr, vous avez… La situation de la France est assez curieuse d’ailleurs de ce point de vue, parce que quand on mesure le temps de travail réel effectué par les travailleurs indépendants français d’un côté et par les travailleurs salariés à temps plein de l’autre, on constate que les travailleurs français salariés à temps plein ont le temps de travail annuel qui est parmi les plus faibles d’Europe.

À l’inverse, le temps de travail annuel des travailleurs indépendants français, lui, se situe parmi les temps de travail les plus importants d’Europe.

Donc, il y a une situation effectivement assez paradoxale de ce point de vue-là, et qui amène quand même à s’interroger sur les voies et moyens d’essayer de progresser vers la recherche de ce bon équilibre entre souplesse et garanties.

C’est un équilibre instable qui est toujours en perpétuelle évolution.

On a réussi à trouver un certain nombre de réponses et moi, je suis assez optimiste sur le fait qu’on pourra continuer à trouver ces réponses. Mais il faut être assez pragmatique et il faut être assez empirique sur notre capacité à faire bouger les curseurs dans ces directions.

 

Marine [00:22:29] Est-ce que vous pensez que des modèles type la semaine de quatre jours, le télétravail, la gouvernance partagée, ça peut aider justement à trouver le bon curseur et essayer de trouver un équilibre qui convient à peu près à tout le monde ?

 

Franck [00:22:40] C’est des modèles intéressants, dès lors qu’on ne les positionne pas comme des modèles qui doivent être la norme en toute situation pour tout le monde et partout.

Ce sont des modèles intéressants, dès lors qu’on prend en considération les besoins spécifiques des organisations. Je vais les prendre un par un.

Si on prend la semaine de quatre jours. La semaine de quatre jours, vous avez deux types de semaine de quatre jours. Vous avez la semaine de quatre jours à durée du travail constante ou la semaine de quatre jours à durée du travail réduite. Si vous êtes sur une semaine de quatre jours à durée du travail constante, il faudra vérifier que l’organisation de l’activité de l’entreprise est compatible avec le fait d’avoir une organisation où vous allez avoir de fait des roulements entre les différents salariés, et que ces roulements permettront malgré tout d’assurer un service.

Si vous réduisez par ailleurs le temps de travail, il faudra vérifier qu’économiquement l’entreprise s’y retrouve en termes de productivité. C’est-à-dire… Alors sauf à réduire aussi la rémunération. Ce qui peut être un deal aussi pour une entreprise qui pourrait être en difficulté.

Vous avez des outils juridiques qui permettent ça : vous pouvez réduire le temps de travail et réduire la rémunération en disant « on a une mauvaise passe à traverser », par exemple, « on se serre les coudes ».

Mais si vous maintenez la rémunération, il faudra vérifier que l’entreprise économiquement peut s’y retrouver. Est-ce qu’elle s’y retrouve ? Et est-ce que les gains de productivité liés à cette nouvelle organisation sont tels qu’ils permettent de compenser le surcoût lié au maintien de la rémunération avec une durée plus faible ?

C’est toutes ces questions, et ça, c’est des questions qui renvoient évidemment intrinsèquement au cas de chaque entreprise et de chaque activité. S’agissant du télétravail, le télétravail à 100 %, c’est quelque chose qui est de moins en moins la norme malgré tout. Parce qu’on a connu quand même trois phases dans la période récente autour du télétravail.

On avait, avant la crise Covid, une phase dans laquelle le télétravail était pratiqué par un nombre assez réduit de travailleurs [et travailleuses] en France, notamment quand on se comparait au niveau européen.

On avait à peu près 7 % de télétravailleurs au moment de la première phase du pic de la crise Covid. On est passés à une phase où on a multiplié par au moins quatre cette proportion de télétravailleurs et, dans la quasi totalité des cas, dans des situations de télétravail à 100 % pour les personnes qui étaient en télétravail, parce que le télétravail était une alternative pure et simple à l’inactivité.

C’était, si vous me permettez l’expression, le « c’est ça ou rien ». C’était télétravail ou pas de travail du tout.

Ensuite, on est passés à une deuxième phase, toujours dans la crise Covid, où le télétravail était plus vécu comme un mode d’organisation de la prévention des risques professionnels. C’est-à-dire qu’on avait la capacité de faire en sorte que les travailleurs reviennent en présentiel dans l’entreprise, mais pour des raisons de distanciation sociale et pour des raisons de prévention des risques professionnels et pour éviter le plus possible les contacts, eh bien on essayait de développer le plus possible le télétravail.

Donc dans ce cas-là, le télétravail était parfois à 100 %, mais pas toujours à 100 %. Et en tout cas, la finalité était plutôt celle-là.

Et puis on est rentrés dans une phase depuis la fin de la crise Covid, où on est plutôt en recherche du bon équilibre en termes de télétravail. Parce que le télétravail a certes des vertus, mais il a aussi des inconvénients.

Et les inconvénients sont d’une part, le fait de réduire le collectif de travail, l’interaction dans le cadre du collectif de travail, et ça peut être extrêmement embêtant dans un certain nombre de cas, d’avoir moins prise sur les contacts avec les individus dans le cadre du suivi de leur activité.

Et donc beaucoup d’entreprises se rendent compte que 100 %, c’est pas forcément la bonne dose de télétravail, et que la bonne dose, c’est peut-être un jour, deux jours…

En tout cas quelques jours de télétravail pour essayer à la fois de bénéficier des avantages d’une organisation en présentiel et de l’organisation des interactions physiques réelles entre les gens. Et puis, en même temps, des avantages liés à la souplesse, à la fluidité du télétravail.

Donc, on voit bien qu’on est aujourd’hui dans ce cadre-là. Nous ne mettons pas de côté aussi quand même un aspect qui peut être extrêmement embêtant, c’est le fait que le télétravail n’est pas possible pour l’ensemble des activités, pour l’ensemble des salariés, et que dans un certain nombre d’entreprises, vous avez aussi un risque de coupure, et d’avoir des salariés qui se vivent comme des salariés à deux vitesses, entre les « happy few », qui auraient du télétravail et ceux qui malheureusement pour eux ne peuvent pas bénéficier du télétravail. Donc il faut gérer aussi cet aspect-là.

Donc on voit bien qu’on est maintenant dans cette troisième période, qui est celle de la bonne recherche du télétravail.

Et puis enfin sur la gouvernance partagée, eh bien c’est un vieux sujet et c’est le sujet de la participation aux décisions. Et c’est le sujet des voies et moyens de prendre en considération l’avis de l’ensemble des parties prenantes et notamment des salariés, dans la gouvernance de l’entreprise.

Alors c’est le management participatif et c’est les voies et moyens de mettre en œuvre, organiser le management participatif. Je parlais tout à l’heure du droit d’expression des salariés issu des lois Auroux.

Ça peut être l’occasion de réactiver ce fameux droit d’expression des salariés issus des lois Auroux et comment le faire. Et puis c’est les moyens d’utiliser aussi ce qui existe. C’est-à-dire les relations avec les représentants du personnel d’une part, et puis la représentation des salariés dans les conseils d’administration, lorsqu’un certain nombre de textes l’organise d’autre part. Et d’utiliser, le cas échéant, l’actionnariat salarié qui peut être aussi un moyen d’impliquer les salariés. Et l’intéressement, autre moyen d’impliquer les salariés dans le cadre de ce management participatif.

Voilà, c’est tous les outils qui peuvent être déployés dans ce cadre.

 

Marine [00:28:13] Finalement, ça va vraiment dépendre de l’entreprise, quel que soit le modèle en fait. Je connaîs des entreprises qui sont 100 % en télétravail et ça a l’air de plutôt très bien se passer.

Mais on le retrouve par exemple plutôt dans des agences web, typiquement parce que tout le monde peut être en télétravail. Donc il n’y a pas d’injustices. Voilà.

Après, je pense que ça, en termes de recrutement, ça veut dire chercher des personnes pour qui le télétravail, c’est quelque chose avec lesquelles elles sont alignées.

 

Franck [00:28:36] Absolument. Ça va vraiment dépendre de la typologie de l’activité de l’entreprise, des besoins des entreprises et puis des aspirations des parties prenantes, direction et salariés de l’entreprise, bien évidemment.

 

Marine [00:28:49] Et sinon, j’avais aussi un autre sujet par rapport aux nouveaux modèles, par exemple les horaires flexibles. Nous, c’est ce qu’on pratique dans notre agence.

Mais est-ce que le fait d’avoir des horaires flexibles, ça peut poser des problèmes aussi d’un point de vue juridique ?

 

Franck [00:29:02] >Alors, les horaires flexibles, c’est un mécanisme qui est encadré dans le Code du travail depuis très longtemps, puisque la loi qui organise ce qu’on appelle juridiquement les horaires individualisés, elle date de 1973. Oui, elle est assez ancienne et c’est un mécanisme qui est beaucoup utilisé par un certain nombre d’entreprises.

Mais attention, attention, c’est un mécanisme qui ne peut être pratiqué que lorsque vous êtes face à une organisation qui peut vivre avec le fait que les salariés eux-mêmes vont en large part être autonomes dans l’organisation de leur temps de travail.

Ce qui n’est pas toujours possible dans tout type d’activité.

Et donc le mécanisme des horaires individualisés, c’est quoi ? C’est le fait d’avoir une plage fixe dans laquelle tout le monde sera obligatoirement là et une plage variable d’arrivée et de départ du travail, avec des débits crédits, des reports d’une semaine à l’autre, des heures qui vont être faites en plus ou en moins.

C’est un système qui est organisé par le Code du travail, donc juridiquement, ça peut être mis en place, pour répondre à un certain nombre de caractéristiques, de formalisme. Et puis il faut dans certains cas un accord pour le mettre en place. Mais c’est quelque chose qui peut être mis en place.

Mais c’est un système qui repose intrinsèquement sur la confiance, et ça, c’est très important. Parce que si vous commencez à avoir des débats interminables, par exemple sur le fait de savoir que si je suis resté 10 h de plus ou X heures de plus telle semaine, en fait, ce n’est pas parce que je voulais bien, mais c’est parce que c’est mon employeur [ou mon employeuse] qui m’a demandé de rester plus longtemps, et que donc je réclame le paiement des heures supplémentaires, on n’est plus dans le système des horaires individualisés.

Et donc la limite du système d’horaires individualisés, c’est vraiment être capable de gérer ce système dans le cadre de cette relation de confiance et en respectant également les bornes.

Parce que si vous avez par exemple un système où personne ne va respecter les bornes des horaires individualisés, et va faire des débits crédits au-delà des limites qui sont prévues, ou en n’étant pas là pendant les plages fixes, eh bien vous allez immanquablement avoir un système qui ne pourra plus être tenu, et donc avec une responsabilité d’entreprise qui pourrait être engagée.

Parce que dans ces cas-là, la question qui se posera c’est : est-ce que le temps de travail qui a été fait en plus ne devrait pas en réalité être considéré comme des heures supplémentaires subissant les majorations ? Est-ce que les temps de repos ont été respectés ? Est-ce que les durées maximales ont été respectées ? Et dans ce cas-là, l’entreprise va être obligée de sanctionner ces manquements.

Donc c’est la raison pour laquelle le système d’horaires individualisés ne peut fonctionner que si tout le monde joue le jeu, et si l’entreprise est capable de sanctionner quelqu’un qui ne jouerait pas le jeu. Parce qu’en pareil cas, si elle ne le fait pas, sa responsabilité est engagée.

On lui dira : « mais attendez, vous avez un système d’horaires individualisés, on ne respecte pas les plages variables, donc en réalité, ça veut dire que vous, entreprise, vous vous servez de ce système pour avoir des heures sup non majorées ».

Et donc l’entreprise, effectivement, si elle veut se protéger contre ça, elle sera obligée de sanctionner quelqu’un qui ne respecte pas les mécanismes des horaires individualisés.

Donc oui, c’est un système intéressant, mais c’est un système intéressant qui repose vraiment sur la confiance et qui est viable dans la durée que s’il est mis en place dans le cadre de cet écosystème de confiance.

 

Marine [00:32:05] Et vous voyez d’autres modèles flexibles ? Parce que là, on en a parlé de quatre. Mais je ne sais pas si vous avez d’autres modèles en tête. Ou c’est vraiment les principaux ?

 

Franck [00:32:13] Non, c’est les principaux. C’est les horaires individualisés. C’est le forfait jours qui est intéressant aussi, mais qui suppose un suivi étroit de la charge de travail. C’est dans le cahier des charges de la mise en place du forfait jour.

Et puis vous pouvez avoir des systèmes d’annualisation qui peuvent être mis en place également, mais qui supposent quand même un pilotage au principal par l’entreprise dans ce cadre-là.

 

Marine [00:32:34] C’est quoi un système d’annualisation ?

 

Franck [00:32:37] Un système d’annualisation, c’est : l’entreprise va signer un accord avec les organisations syndicales pour calculer le temps de travail sur une base annuelle.

Mais l’entreprise programmera un certain nombre de durée du travail, d’une semaine à l’autre, tout au fil de l’année, qui permettront d’atteindre, ou de dépasser avec des heures sup dans ce cas-là, la durée annuelle.

 

Marine [00:32:56] D’accord, je vois. Et comment est-ce que vous accompagnez les entreprises qui veulent passer à ces nouveaux modèles ?

 

Franck [00:33:02] On les accompagne en essayant de voir avec elles de quelle manière est défini leur besoin. Déjà parce que je pense que ce qui est important au début, c’est vraiment d’avoir une idée très, très claire du besoin.

Jusqu’où je veux aller en termes de besoins et jusqu’où je suis prêt à aller pour m’assurer du fait que je vais mettre en application ce qui correspond à la réponse à ce besoin.

Et puis après, on passe en revue l’ensemble des outils qui sont sur la table pour répondre à ce besoin, les avantages, les inconvénients de chacun des outils.

Et puis on les accompagne même jusqu’à la mise en place, c’est-à-dire avec des modèles d’accords, des modèles de contrat. Et puis le suivi de la mise en musique de ces besoins. Donc la mise en place, par exemple, d’un accord de mise en place d’horaires individualisés, la mise en place de conventions individuelles de forfait en jours. Et puis toutes les questions qui vont se poser suite à la mise en place de ces besoins. Et puis la mise en place des mécanismes de contrôle du temps de travail, parce qu’il faut aussi en avoir conscience.

On a une réglementation extrêmement précise en matière de contrôle du temps de travail, avec une responsabilité de l’employeur d’être capable de montrer quel est le temps de travail qui a été effectivement réalisé par les salariés. Et donc il faut avoir des outils pour ça.

Et des outils, il n’y en a pas 36. Ça peut être des outils déclaratifs, ça peut être des outils automatisés, mais il faut s’assurer du bon déploiement et du bon suivi de ces outils.

 

Marine [00:34:23] Justement, ce genre d’outils, est-ce que ça ne fait pas un peu flic en fait ?

 

Franck [00:34:27] Oui, c’est la difficulté. Ça fait un peu flic, mais on est dans des injonctions paradoxales. Parce que le même salarié qui voudra pas être flic, ce sera le même qui, dans quelques années, fera un contentieux contre son employeur [ou employeuse] parce qu’on sera incapable de prouver que son repos quotidien ou ses durées maximales ont été respectés.

Et donc, si on veut faire en sorte que le repos quotidien et les durées maximales et les droits en matière de temps de travail et de rémunération de ce temps de travail soient respectés, il n’y a pas 36 solutions.

Ça pose la question du suivi de ce temps de travail. Et de part et d’autre. Et encore une fois, les injonctions sont paradoxales parce qu’il y a à la fois un besoin d’autonomie, mais il y a un besoin de garanties. Et pour vérifier ces garanties, il faut mesurer.

 

Marine [00:35:09] En fait, c’est comme ce que vous disiez tout à l’heure : il faut que tout le monde joue le jeu finalement.

 

Franck [00:35:13] Il faut que tout le monde joue le jeu, absolument. C’est ça qui est le plus important.

 

Marine [00:35:17] Si vous aviez des conseils à donner à une entreprise qui voudrait mettre en place ce genre de modèles, quelles seraient vraiment vos recommandations les plus importantes pour que ça se passe bien ?

 

Franck [00:35:26] Je pense que ce qui est important déjà, c’est de prendre en considération les partenaires sociaux et le paysage de l’entreprise en matière de dialogue social et de désidératas des salariés. Ça, c’est un point important.

C’est-à-dire : d’où part-on ? Quel est l’historique de l’entreprise en la matière ? Et donc, à partir de là, on est obligé de faire, de composer avec cet historique.

Ensuite, c’est de faire en sorte de s’assurer de la plus large légitimité possible des outils qui vont être mis en place.

Parce que vous pouvez avoir les meilleurs outils du monde, si in fine, vous avez après des problèmes pour les mettre en œuvre, c’est-à-dire faire en sorte qu’ils soient concrètement appliqués dans la vraie vie, eh bien ça ne fonctionnera pas. Donc s’assurer de la légitimité de ce que vous mettez en place, donc s’assurer de l’accompagnement, et puis s’assurer du fait de faire en sorte que l’outil juridique que vous avez choisi est l’outil le plus adapté et le plus approprié par rapport à votre besoin.

Donc, chaque profil d’entreprise, chaque situation est différente d’une entreprise à l’autre. Et donc c’est ça je pense le « warning ». C’est vraiment faire en sorte de trouver « chaussure à son pied », c’est-à-dire de trouver le bon outil, la bonne méthode de mise en place de cet outil et de prendre le temps nécessaire à la mise en place et à l’accompagnement de cette mise en place.

 

Lili [00:36:48] C’est plutôt clair. La loi accompagne les entreprises dans leur transition vers des modèles plus flexibles.

Et on note surtout une chose : le fait que les entreprises doivent vraiment prendre en compte leurs spécificités et leurs besoins avant de se lancer dans une reconstruction. Et même mieux, elles doivent partir des humains qui la composent et de leurs attentes.

 

Focus transition responsable des entreprises

Lili [00:37:09] On continue sur notre lancée et on s’intéresse maintenant au cadre législatif de la RSE. Thomas Parouty nous a cité des lois et des actions relatives à la transition responsable des entreprises. Ou comment la loi peut encourager les entreprises à endosser leur rôle sociétal.

 

Thomas [00:37:28] Dans la réglementation, mais qui n’est jamais sorti, ce sont les résultats de la Convention citoyenne pour le climat, où les 150 citoyens qui ont réfléchi à des mesures pour le climat ont proposé d’arrêter certaines campagnes de communication, de produits climaticides, en tout cas de produits qui nuisent à l’environnement, de réduire…

Il y a par exemple un truc énorme qui existe depuis 30 ans, c’est les avions au-dessus des plages avec les banderoles. Ça, je crois que c’est passé. Mais je n’en suis pas sûr parce que j’en ai vu l’été dernier. Donc déjà plein de gens évitent de prendre l’avion. On va pas prendre un avion, enfin, faire monter dans le ciel un avion pour avoir une banderole derrière.

Voilà, donc il y a des trucs basiques. Il y a beaucoup… Sous la pression et le lobbying de l’AACC et de toutes les vieilles agences historiques, voire préhistoriques, les agences ont promis de l’autorégulation, donc du coup, il n’y a pas grand chose qui va se passer.

Mais il y a une réglementation qui est en train de sortir et la loi climat et résilience propose des mesures sur la publicité, sur la restriction de la publicité, de ne pas faire de campagne de publicité pour les produits pétroliers par exemple. Ce que les compagnies pétrolières faisaient déjà depuis quelques années.

Mais voilà, il y a quelques lois qui apparaissent.

Et ensuite, de toute façon, la RSE va être de plus en plus présente, parce qu’on va être obligés de publier, comme le font les grandes entreprises, ce qu’on appelle un DPEF, un document de performance extra financière. Et ça, petit à petit, ça va cascader. Donc il y a les ETI, puis les PME qui vont être obligées de le faire. Donc globalement, de toute façon la réglementation européenne va nous contraindre à faire plus de RSE, si je peux utiliser cette expression. En tout cas à définir des stratégies, à avoir moins d’externalités, moins de nuisances à l’environnement…

Voilà, donc tout ça, petit à petit, est en train de se mettre en place. Évidemment, ça ne va pas assez vite et souvent, la réglementation est un peu en retard sur le comportement des entreprises. Mais en l’occurrence, ça va obliger toutes les entreprises européennes, notamment, à aller plus vite.

 

Lili [00:39:32] Au sein de l’agence Mieux vous avez de nombreux labels. Pourquoi, selon toi, se faire certifier, c’est important ?

 

Thomas [00:39:39] L’organisme tiers indépendant, comme son nom l’indique, est indépendant. Il va vous dire si oui ou non vous répondez aux critères définis pour être considéré comme une entreprise, par exemple, engagée dans une démarche RSE.

Ceux qui sont « positive workplace », par définition, ça veut dire qu’ils ont mis en place une stratégie RSE et qu’ils l’ont mesurée, qui l’ont formalisée. Donc, c’est des organismes indépendants qui nous permettent d’avoir un label comme « positive workplace ».

Alors après on a parlé d’entreprises à mission, ça c’est autre chose, c’est pas un label, c’est un statut juridique. Donc c’est un choix de dire voilà, dans les statuts, je vais exprimer ma raison d’être et ce à quoi l’agence Mieux sert. Dans quelle mesure elle sert le bien commun et quelles sont sa raison d’être et ses objectifs ? Ça, c’est une « démarche administrative » à l’arrivée. Sauf que, évidemment, il faut co-construire sa raison d’être, ses objectifs de mission, les différents KPIs qui sont derrière. Mais après, une fois que c’est déposé au greffe, et c’est dans les statuts, globalement, l’idée, c’est de pas pouvoir les changer pendant les 10 ou 20 prochaines années, voire les 100 prochaines années. Donc ça, c’est des engagements où « on met un bon gros coup de tampon dessus et on dit je suis entreprise à mission ».

On est labellisés nous « positive workplace ». On l’a été il y a trois ans avec deux étoiles et donc on va essayer d’avoir la troisième étoile là dans les prochains mois. On a fait une enquête auprès des collaborateurs pour savoir s’ils étaient heureux et les résultats de Great Place To Work sont très bons. Donc ce n’est pas juste du déclaratif. En disant oui, je suis une entreprise engagée, ça, ça veut rien dire. C’est comme sur un produit « responsable ».

Ça d’ailleurs c’est interdit maintenant en communication.

Eh bien si c’est un produit responsable ou éco responsable, il faut le prouver. Et comme ce n’est pas à moi de le prouver… Il y a trop de marques qui ont essayé de créer des sortes de labels ou imiter une petite planète avec une petite feuille verte en disant « écoproduit ». Ben non, ça c’est du bullshit. Donc il faut le prouver, et notamment la démarche de labellisation, typiquement sur le bio, il y a un label AB agriculture bio qui existe, mais il faut répondre à un cahier des charges.

 

Lili [00:42:01] On comprend très bien l’importance de se faire labelliser. Si ça se faisait en un claquement de doigts, ça se saurait. Quels sont tes conseils pour une agence ou n’importe quelle entreprise qui aimerait se faire certifier par un label ?

 

Thomas [00:42:14] Déjà, il doit y avoir la vision du président [de la présidente] ou du codir et une envie de la direction de l’entreprise, évidemment, de s’engager dans une démarche RSE, qui me semble obligatoire aujourd’hui, comme je le disais au début. Et ensuite, il faut que les collaborateurs [et collaboratrices] soient sensibles et sensibilisés, motivés et impliqués.

Et ensuite, c’est un peu comme ce que vous avez fait. Vous regardez quelles sont les questions dans les audits des différents labels et vous commencez à y répondre et vous commencez à formaliser votre démarche avec des chiffres avant de vous lancer dans une démarche RSE qui, du coup, sera plus sérieuse.

Mais une entreprise qui dit « je vais me prendre un label RSE ou je vais remplir EcoVadis », et qui ne s’est pas posé de questions avant et qui n’a pas formalisé un peu sa stratégie, et ce avec des chiffres, bien évidemment qu’elle va se planter. Et inversement, une qui l’a préparé…

L’autre jour, on a répondu à un gros appel d’offres. Sur les 100 points il y avait 20 points sur la RSE, pour un grand groupe d’assurance mutualiste et plusieurs marques, eh bien on a eu 20 sur 20 sur la RSE, parce qu’on a quelque chose d’hyper sérieux et de hyper formalisé. Et ça se prépare, ça ne s’invente pas et ça se prépare. D’autant plus qu’avec B-corp, c’est de plus en plus long de se faire certifier.

 

Lili [00:43:32] Nous aussi, chez Hippocampe, on essaie de faire mieux. On a lancé notre projet éthique il y a maintenant trois ans, sachant que notre agence a 27 ans aujourd’hui. C’est pas simple et du coup, on n’est sûrement pas les seuls dans ce cas-là.

Comment est-ce que vous, chez agence Mieux, vous assurez la mise en place et le suivi de votre politique RSE ? Et comment vous êtes sûr que tout le monde joue le jeu dans l’application de cette politique?

 

Thomas [00:43:58] Effectivement, c’est une très bonne question parce que c’est pas toujours facile. Il y a deux ou trois salariés qui viennent en voiture parce qu’ils n’ont pas le choix, parce qu’ils mettraient trois fois plus de temps, parce qu’ils n’ont pas de transports en commun, parce que l’un d’eux vit près de la campagne, assez loin.

Donc on n’est pas parfaits. Mais après, on essaie de suivre et de mesurer et de faire attention tout le temps. Donc voilà, il y a une personne au sein de l’agence qui est notre office manager, qui mesure nos KPIs de la stratégie RSE, qui mesurent par exemple le nombre de fois…

Un des rôles de l’agence en tant qu’agence, historiquement sur les sujets RSE, est de partager ses connaissances dans les entreprises, dans les écoles. Donc voilà, à chaque fois que j’interviens, comme c’était récemment le cas à Sciences Po Paris, à Toulouse Business School ou à HEC Paris ou à Dauphine, quand j’interviens, je note pour essayer toujours de faire mieux l’an prochain et de mesurer vraiment tous les efforts qu’on fait tout le temps.

Après, par exemple, pour revenir sur la mobilité, on est quelques uns à venir en vélo, on n’est pas très loin du métro, donc ça, c’est quand même très simple. Donc on essaie de mesurer. On a des KPI, que ce soit d’ailleurs dans le cadre de la société à mission ou dans le cadre de notre stratégie RSE. Mais voilà, la RSE, c’est souvent pragmatique, mais à un moment, il faut formaliser.

Le sujet des labels est important. Donc on va réenclencher une démarche de labellisation avec un label développement durable ISO 26 000, concurrent de B-corp, qui s’appelle « Positive Workplace » et qui va nous demander de rendre les comptes de notre stratégie RSE. Donc il faut qu’on lui dise, qu’on lui communique notre bilan carbone et les différentes actions qu’on a pu faire.

 

Lili [00:45:42] Là, j’ai l’impression… Ce que tu dis en fait, c’est que parfois c’est typiquement quand tu as envie de te faire certifier ou de te faire labelliser, c’est peut-être un peu l’occasion de challenger l’équipe pour la mise en place de la politique RSE finalement.

 

Thomas [00:45:55] C’est la première fois que tu fais une labellisation, oui. Mais après, ça doit rentrer dans les habitudes et tu dois savoir à peu près tout le temps : comment les gens viennent à l’agence, est-ce qu’ils mangent végétarien ou pas ? Alors bon, c’est pas tous les jours, mais globalement sur l’année, est-ce que t’as mangé végétarien à 100 % du temps ? Parce qu’il y a beaucoup de [collaboratrices et] collaborateurs qui sont végétariens. Ceux qui se disent flexitariens. Flexitarien vous savez, c’est deux fois de la viande, deux fois des protéines animales par semaine. C’est pas juste, j’alterne.

Voilà donc la première fois qu’on rentre dans une démarche de labellisation et tout ce qu’on a fait de façon un peu pragmatique, il faut le poser dans des KPI et des tableaux et donner des chiffres. Donc après, il faut maintenir ce suivi.

 

Marine [00:46:40] Ce que je voulais dire, c’est surtout que ça aide, enfin j’ai l’impression que ça peut aider à structurer la mise en place d’une politique RSE, parce que ça donne un objectif. Et souvent les labels et les certifications ont des étapes, des notations. Donc j’imagine que ça doit aider.

Par exemple, une entreprise qui veut se lancer sur le sujet et qui est assez newbie dessus, je pense que suivre… Typiquement ce qu’on a fait c’est qu’on a regardé les recommandations de B-corp, on ne s’est pas fait certifiés, pas encore, ça sera l’objectif bien sûr, mais l’idée c’est que nous, ça nous a donné en tout cas des pistes d’amélioration.

 

Thomas [00:47:10] Oui, et à partir du moment que l’on mesure, on sait. C’est-à-dire comme je disais dans le digital avant, un succès sans mesures est un échec. Il faut mettre des chiffres et mesurer pour savoir si t’es bon, si t’es pas bon.

 

Lili [00:47:28] On le voit, il existe pas mal de lois et de labels pour encadrer les bonnes pratiques dans les entreprises, aussi bien en interne au niveau des équipes, que de manière plus large avec la RSE. Mais finalement, est-ce que l’on a absolument besoin des lois pour avancer dans la bonne direction ?

Évidemment, on imagine bien que les lois ne font pas tout. Elles aident. Mais c’est une démarche qui doit venir surtout de la volonté de l’entreprise et notamment des êtres humains qui la composent. C’est en tout cas la vision de Gaël Chatelain Berry par rapport au cadre législatif du management dans les entreprises.

 

Marine [00:48:02] Est-ce qu’actuellement, dans les textes de loi, on a un encadrement des bonnes pratiques de management ?

 

Gaël [00:48:07] Pas du management, mais il y a bien sûr… Ça s’appelle le droit du travail. Donc non, je ne le connais pas par cœur, mais c’est ce qui fait que le week end est obligatoire, les jours de repos sont obligatoires. On a pas mal de règles, mais ce sont des règles qui datent un petit peu.

Tu vois par exemple, un truc qui est idiot. En Suède, t’as le droit de déjeuner devant ton ordinateur. Si tu as envie de partir à 15 h 00 un jour, tu manges ta salade devant ton ordi en bossant. Mais la loi française l’interdit. Le droit du travail l’interdit. Alors que je suis persuadé qu’il y a plein de gens qui se disent « tiens, aujourd’hui, j’ai envie de partir à 16 h, 15 h, je vais zapper ma pause déjeuner, puis voilà ». Et en fait, c’était pendant le premier confinement, il y a même eu un changement dans le droit du travail pour autoriser ça de façon temporaire.

Donc voilà, c’est notre Code du travail qui date d’un autre temps.

Il est très protecteur, très honnêtement. Par exemple, aux Etats Unis, on a envie de virer quelqu’un, il n’y a pas de préavis. Tu changes la clé de son bureau et puis voilà quoi. On est très protégés en France malgré tout. Je voudrais pas non plus faire du french bashing total. On a un système qui fonctionne, on a un système social qui fonctionne, de protection. Ensuite, faut s’attaquer à l’humain maintenant, ce qui est probablement le plus compliqué.

 

Marine [00:49:20] Oui, je vois. Et comme tu parlais un peu des lois qui encadrent l’égalité homme femme au travail, en fait, disons qu’on a besoin de lois comme ça, dans ce sens-là, qui arrivent finalement.

 

Gaël [00:49:31] En ce moment, justement dans la loi des retraites, il y a la discussion pour remettre un index sur l’emploi des seniors. Mais pour l’instant, si jamais une entreprise n’atteint pas un certain niveau, elle n’a pas d’amende.

Bah ça ne marchera pas, parce qu’il faut la peur du gendarme. Sinon ça ne marchera pas. C’est exactement comme dans les années 70, alors que la ceinture de sécurité était déjà sur toutes les voitures, personne ne la mettait. Et à un moment, quand le gouvernement a dit « bon bah ça suffit, maintenant tu ne mets pas ta ceinture, tu as une amende ». Aujourd’hui, ça ne viendrait à personne de monter dans une voiture sans mettre sa ceinture. À personne. Parce que c’est la peur du gendarme. Et je pense qu’il y a un certain nombre de sujets où il faut cette peur du gendarme.

Mais c’est comme sur le harcèlement sexuel en entreprise. Il aura fallu Metoo pour que la peur change de camp. Mais la loi a accompagné ce mouvement-là également.

 

Marine [00:50:23] Et justement, sur quel sujet… Enfin toi, si tu pouvais mettre en place des lois, admettons d’un coup de baguette magique…

 

Gaël [00:50:29] Ah sur le burn out. Ah mais directement sur le burn out. Que ça soit enfin reconnu comme une maladie professionnelle, parce qu’aujourd’hui déjà c’est un sujet tabou.

Ensuite, si tu fais un burn out, comme c’est pas reconnu comme une maladie professionnelle, ça va être moi qui vais payer ton arrêt maladie en tant que citoyen. C’est la solidarité, la sécurité sociale. Si c’est reconnu comme une maladie professionnelle, c’est l’entreprise qui en prend la charge. Et c’est pour ça qu’aujourd’hui il y a une résistance du Medef et de toutes ces organisations-là au niveau mondial. Et même l’OMS a reculé là dessus.

Le jour où on le reconnaît comme maladie professionnelle, peut-être que les entreprises vont se dire, « mais si ça me coûte aussi cher… ». Je rappelle quand même que c’est 10 à 12 % des salariés qui vont faire un burn out. 10 à 12 %.

Donc t’imagines le coût pour une entreprise que ça représenterait si la charge de l’arrêt maladie était sur leur compte ? Eh bien à partir du moment où tu dis « oh putain, ça va me coûter cher », ben peut-être que tu vas former les managers [et manageuses] et leur dire « il y a des signaux faibles sur le burn out, vous êtes responsables du bien être de vos équipes. Un burn out dans votre équipe, c’est considéré comme une faute. Vous n’avez pas fait votre métier de manager ». Et en fait, pour éviter un burn out, c’est super simple quand t’es manager. Moi je suis très fier. J’ai été manager pendant de longues années. Il n’y a jamais eu un burnout dans mon équipe, parce que tous les matins, ben j’allais dire bonjour à chaque membre de l’équipe.

Je leur demandais « comment ça va », et truc de dingue, j’attendais la réponse !

 

Marine [00:51:52] Oh ! Mais non ?

 

Gaël [00:51:54] Ouais je sais. Et ça m’est arrivé, mais tellement souvent, d’exiger d’un collaborateur ou d’une collaboratrice qu’elle rentre chez elle en disant « tu te barres ! Mais j’ai pas fini. Non mais on s’en fout, tu sauves pas de vie. Si tu finis demain, c’est pas grave, te tue pas la tâche, t’es pas en train de sauver la planète, donc rentre chez toi ». Et c’est le rôle d’un manager. Donc voilà, changer la loi, fondamental.

 

Lili [00:52:18] Voilà, tout simplement. Si seulement tous les managers et manageuses pouvaient poser cette simple question… L’impact auprès des équipes peut être énorme. Finalement, il n’y a pas besoin d’en faire des tonnes pour bien gérer son équipe et créer un climat favorable à l’échange et au bien-être. De l’empathie, de l’écoute, une vraie présence bienveillante, voilà ce qui compte.

 

Conclusion

Lili [00:52:44] On vous propose de conclure cet épisode sur cette touche optimiste. Finalement, et comme pour beaucoup de situations, il faut revenir à l’essentiel : l’humain.

Les lois peuvent aider à recadrer et à faire avancer les pratiques dans le bon sens. Mais pour que ça fonctionne, il faut de réelles valeurs humaines, sincères et bienveillantes. Sinon, il y a peu, voire très peu de chances pour que ça fonctionne.

N’hésitez pas à nous retrouver sur Instagram ou LinkedIn pour nous donner votre avis sur la question.

D’ici-là, on vous donne rendez-vous pour la seconde partie sur le cadre légal. On y parlera règles déontologiques de la communication et modèles économiques. Rien que ça.

Merci beaucoup et à bientôt.

 

 

 

Hippo’dcast, un podcast qui vous plonge dans nos enquêtes sur l’éthique en entreprise et sur le web.

 

Réalisé avec bienveillance par Lili et Marine de l’agence web Hippocampe, une agence en pleine transition éthique.

 

Et voilà pour ce troisième épisode ! 

Même si l’on ne rentre pas encore dans la partie purement applicative, cet épisode vous donne déjà quelques idées de pratiques à tester.

N’hésitez pas à nous partager sur les réseaux sociaux celles que vous voulez mettre en place.

Et sinon, on se retrouve dans 2 semaines pour la sortie de l’épisode suivant : le cadre légal et déontologique autour de la communication.

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