L'accessibilité et l'inclusion numérique au quotidien

accessibilité numériqueinclusion numérique

Publié le 04 janvier 2022

Pour le troisième épisode de notre série sur l'accessibilité et l'inclusion numérique, on rentre dans des sujets plus personnels. On a demandé à nos intervenants et intervenantes les motivations qui les poussent à s'engager vers un web plus accessible et inclusif. Laissez-vous inspirer !

Enquêtes éthiques d'Hippocampe
Enquêtes éthiques d'Hippocampe
Vivre l'exclusion au quotidien - [Focus accessibilité et inclusion numérique - épisode 3]
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Plan :

Episode 3 : l’accessibilité et l’inclusion numérique au quotidien

Retranscription de l’épisode 3 sur l’accessibilité et l’inclusion web

  1. Introduction
  2. L’accessibilité et l’inclusion numérique au quotidien
  3. Les situations problématiques
  4. Les engagements et les motivations personnelles
  5. Évolutions au niveau professionnel
  6. Les solutions envisageables
  7. Conclusion

 

Episode 3 : l’accessibilité et l’inclusion numérique au quotidien

Voici le troisième épisode de notre enquête sur l’accessibilité et l’inclusion web. Une série de podcasts réalisée par Lili et Marine, nos deux acolytes du pôle communication.

Elles ont interviewé des pointures sur le sujet :

 

Cet épisode nous a permis de mieux comprendre les problématiques d’inclusion et d’accessibilité au quotidien. On a aussi vu comment on pouvait agir pour réduire ces limitations.

Bonne écoute !

 

Retranscription de l’épisode 3 sur l’accessibilité et l’inclusion web

Dans un soucis de répondre aux besoins des personnes malentendantes, sourdes ou simplement avec une préférence pour les supports écrits : voici le script du podcast.

Ben oui, faire un podcast sur l’accessibilité web, sans le retranscrire, ça serait quand même dommage.


 

Hippo’dcast, un podcast qui vous plonge dans nos enquêtes sur l’éthique en entreprise et sur le web.

 

Réalisé avec bienveillance par Lili et Marine de l’agence web Hippocampe, une agence en pleine transition éthique.


Introduction

Marine [00:00:18]

Tous les trois mois, on explore une nouvelle initiative éthique que l’on veut mettre en place dans l’agence.

L’occasion de sensibiliser et de se former pour accélérer notre transition éthique. Et quoi de mieux pour se former que de faire intervenir des expertes et experts passionnés par ces différents sujets?

Vous aussi, vous voulez rendre vos pratiques plus éthiques. Alors, plongez avec nous dans l’enquête.

On vous embarque dans nos rencontres et nos échanges à travers une série de podcasts qui vous accompagnent au cœur de nos enjeux éthiques.

De quoi vous inspirer avec des solutions concrètes pour votre activité professionnelle.

Ce trimestre, on plonge dans l’accessibilité et l’inclusion sur le web. On mène l’enquête pendant trois mois pour creuser et approfondir les différents enjeux sur le sujet.

Qu’est ce qu’on a tiré de ces échanges ?

Qu’est ce qu’on va appliquer concrètement à l’agence ?

Qu’est ce que vous pourriez mettre en place dans votre activité ?

On vous laisse découvrir tout ça dans cette série de cinq épisodes sur l’accessibilité et l’inclusion web. On espère qu’elle vous sera utile pour rendre vos pratiques professionnelles et numériques plus inclusives.

 

L’accessibilité et l’inclusion numérique au quotidien

Lili [00:00:50]

Bonjour à toutes et à tous.

Dans cet épisode, on continue sur le thème de l’accessibilité et l’inclusion numérique en explorant ce que ça implique au quotidien.

Quelles sont les problématiques concrètes auxquelles les personnes en situation de handicap sont confrontées ? Comment peut-on s’investir pour plus d’accessibilité et d’inclusion dans leur quotidien ?

C’est ce que nous avons essayé de découvrir dans ce podcast.

Dans ce troisième épisode, nous sommes accompagnées de :

Les retours de nos intervenants et intervenantes sur leur expérience personnelle et leurs motivations vous inspireront à coup sûr.

Vous êtes bien installés [et installées] ? Alors, c’est parti ! Plongez avec nous dans la suite de notre enquête sur l’inclusion et l’accessibilité numérique.

 

Les situations problématiques

Lili [00:02:25]

Pour se lancer dans ce nouvel épisode, on pense qu’il est essentiel d’avoir une chose en tête : les différentes problématiques d’accessibilité que peuvent rencontrer au quotidien les personnes en situation de handicap. Natacha nous rappelle que ça ne se limite pas qu’au secteur du numérique

 

Natacha [00:02:40]

Aujourd’hui, qu’on soit digital ou pas digital, le monde n’est pas accessible, tout simplement. Rien qu’en reprenant le digital, mais pas [juste] les sites Internet ou autre, on a par exemple, rien qu’à Paris, plusieurs stations de métro où on n’a plus personne pour acheter son ticket de métro. Où on a juste les bornes digitales.

Pour nous, très bien, c’est parfait parce qu’on ne souffre d’aucun handicap. Par contre, [pour] quelqu’un qui a besoin de parler avec la personne, quelqu’un qui est malvoyant, ces bornes ne sont pas accessibles.

Je n’ai jamais vu la borne me parler et me dire où est ce que je devais aller pour acheter un ticket, par exemple.

Quand on parle du digital, on a bien plus qu’uniquement Internet ou les applications mobiles. Aujourd’hui, le monde est en train d’être totalement digitalisé.

Il faut justement faire attention à ça. Parce que tout le monde n’y a pas accès.

 

Lili [00:03:40]

L’exemple de Natacha est souvent le type d’exemple que nous avons en tête lorsque l’on pense à l’accessibilité. Chloé nous donne quelques exemples de situations problématiques qu’elle rencontre sur le web, parfois moins évidentes à imaginer pour des personnes valides.

 

Chloé [00:03:54]

Alors moi, du fait de mon utilisation du numérique, puisque je suis malvoyante, j’utilise au quotidien des zoom d’écran. Donc je grossis le texte, je zoome, je dézoome en permanence.

Donc effectivement, sur beaucoup d’interfaces, je me retrouve dans des situations parfois où c’est plus compliqué.

Un exemple auquel j’ai été confrontée encore ce matin, en l’occurrence une vidéo dans une langue étrangère qui était sous-titrée, mais où j’ai dû faire « play pause » en permanence.

Puisqu’évidemment, forcément, j’ai un temps de lecture qui est un peu plus long que les personnes en général. Donc, je suis obligée de faire « play pause » en permanence sur la vidéo.

Donc, je mets beaucoup plus de temps à consulter la vidéo que si j’avais eu une transcription textuelle de cette vidéo à côté et non des sous-titres.

Donc, un document, un fichier, un texte juste à côté de la vidéo qui retranscrit exactement tout ce qui se passe dans la vidéo.

Personnellement, j’aurais préféré cette option-là, plutôt que de lancer la vidéo parce que ça aurait été beaucoup plus rapide pour moi de la consulter.

C’est un exemple parmi beaucoup d’autres.

Il y a aussi le fait que, dans les formulaires, par exemple, quand on a de très longs formulaires, les champs et les labels soient très loin les uns des autres. Eh bien moi, en zoom, c’est très difficile de faire le lien entre le label et le champ s’ils sont très éloignés l’un de l’autre.

C’est des choses comme ça qui, au quotidien, ralentissent ma navigation. En l’occurrence, moi pour l’instant, je me retrouve surtout dans des cas où j’ai une navigation qui est ralentie.

J’ai aussi des problématiques, où je ne vais pas forcément savoir quand l’entreprise ou le commerçant me rajoute un produit dans mon panier ou un service dans mon panier, et que c’était une petite case tout en bas, un petit peu cachée, en texte gris clair, sur un fond gris clair également.

Là, je ne vais pas le voir et donc j’ai des services [des produits] comme ça, parfois, qui sont ajoutés dans mes paniers. Et je ne m’en rends pas forcément compte. Donc, ce sont des petits pièges qui ne sont pas toujours agréables.

 

Lili [00:06:17]

Vous vous en doutez, ces situations problématiques ne se limitent pas qu’aux sites Web. On les retrouve aussi sur les réseaux sociaux. Chloé nous expose des exemples de plateformes qui restent inaccessibles malgré les efforts de certaines.

 

Chloé [00:06:31]

Ce qui est rigolo, c’est que parfois, elles vont tenter de prendre en compte des choses, mais pas forcément bien le faire.

C’est rigolo, j’ai l’exemple de Twitter. Alors là, c’est vraiment au niveau inclusion.

Il y a quelques temps, ils ont proposé une fonctionnalité pour faire des tweets vocaux. Fonctionnalité qui, en soi, peut simplifier les choses, peut être rigolo aussi pour plein d’utilisateurs, mais qui en soi peut énormément simplifier les choses pour une personne malvoyante ou aveugle, par exemple.

Plutôt que d’avoir à écrire son tweet, de pouvoir le dicter, ça peut être vraiment une belle opportunité. Une belle opportunité d’inclusion, en tout cas.

Et en fait, il s’est trouvé que malheureusement, cette fonctionnalité, pour l’activer [ce] n’était pas accessible. On ne pouvait pas l’activer au clavier.

Donc en fait, c’est un peu dommage. Ils prévoient une fonctionnalité qui pourrait être effectivement hyper utile pour une personne non voyante, par exemple, qui utilise un lecteur d’écran, et, finalement, pour activer la fonctionnalité, ce n’est pas accessible au clavier.

 

Lili [00:07:37]

Fernando, lui aussi, nous dit être confronté à certaines problématiques d’usage sur le Web. Il partage avec nous une liste non exhaustive des trois pratiques les moins accessibles, selon lui.

 

Fernando [00:07:49]

Alors, pour moi, la première pratique qui me vient à l’esprit, ce sont les courses. En fait, je pense que pour beaucoup de nos auditrices et de nos auditeurs, faire ses courses en ligne, préparer un drive pour aller le chercher après, c’est quelque chose aujourd’hui d’assez courant.

Et en réalité, aujourd’hui, il y a très peu d’enseignes qui proposent des sites Internet ou des applications mobiles qui permettent de le faire en toute accessibilité. Donc là, on a de vrais enjeux.

Paradoxalement, on a des services qui seraient utiles pour les personnes en situation de handicap qui voudraient, par exemple, se faire livrer chez elles.

Parce que ce n’est pas toujours facile quand on est en situation de handicap de déambuler dans un magasin, de chercher des produits.

Donc, on peut imaginer tout le bénéfice que ça pourrait avoir pour ces publics. De dire « finalement, je reste chez moi, dans mes conditions habituelles de consultation du numérique. Je vais pouvoir du coup surfer, mettre dans mon panier, me faire livrer le panier chez moi. Et finalement, tout va arriver chez moi. Je n’aurai plus qu’à ranger chez moi. »

Là, on a un vrai sujet : comment aujourd’hui, une personne en situation de handicap peut, dans de bonnes conditions d’accessibilité, faire ses courses en ligne ?

Et la réponse aujourd’hui, malheureusement, je ne peux pas dire qu’elle est inexistante, parce qu’on a une ou deux enseignes qui font quelque chose, mais elle est beaucoup moins importante que celle pour le grand public en réalité.

Ça, c’est la première pratique qui me viendrait à l’esprit.

La deuxième, ce sont les banques.

On a quand même cette difficulté aujourd’hui à réellement pouvoir gérer ses comptes, le faire dans de bonnes conditions, au travers d’interfaces accessibles. Pour pouvoir faire des virements, ou tout simplement gérer son argent, gérer au quotidien ce qu’on a dépensé comme on veut, épargner, etc.

Là, on a de vrais sujets. Dans le sujet des banques, je peux inclure les assurances. Pour elles, c’est la même case.

Et donc on a là de gros enjeux, et aujourd’hui, un énorme déficit en matière d’accessibilité.

Et le troisième exemple que je pourrais citer, je pourrais effectivement en citer beaucoup d’autres, mais je respecte la question qui m’est posée d’en sélectionner trois, c’est le rapport à la collectivité locale.

Aujourd’hui, c’est extrêmement rare que le site de notre ville, de nos départements, de notre région, soit accessible.

Donc, comment je peux décemment prétendre inclure l’ensemble des concitoyens dans une politique locale, départementale et régionale, si les sites de ces entités sont eux-mêmes inaccessibles.

Et donc aujourd’hui là, ça veut dire que pour consulter, je ne sais pas moi, les menus des cantines scolaires de la ville, c’est parfois totalement impossible, même, très souvent totalement impossible.

C’est de ne pas permettre de consulter convenablement les sites Internet des départements, alors que ce sont eux qui gèrent les maisons départementales des personnes handicapées.

Du coup, on marche un peu sur la tête. Notamment quand on veut permettre le plein accès aux droits des concitoyens en situation de handicap, au moment de s’informer sur leurs droits gérés par ces mêmes départements.

Voilà, ce sont tous les services des villes, des départements, des régions.

 

Les engagements et les motivations personnelles

Lili [00:11:36]

Ne vous méprenez pas. Ces discriminations et les difficultés rencontrées quotidiennement motivent nos intervenants et intervenantes à s’investir. Nicolas nous raconte pourquoi,

 

Nicolas [00:11:46]

Alors moi, je m’amuse souvent à dire que j’ai 35 ans d’expérience. C’est facile à calculer, c’est mon âge.

Donc pourquoi je le fais ? Parce ce que je suis le premier concerné. C’est-à-dire que si une solution que j’ai déployée avec un de mes clients fonctionne, je suis susceptible de l’utiliser.

Et je suis sans prétention aucune l’un des mieux placés pour en parler auprès de ma communauté, pour dire « voilà ce qu’on a fait, et si vous êtes [déficiente] ou déficient visuel, vous pouvez y aller, puisque moi, je l’ai testée. »

Généralement, je ne le fais pas tout seul.

Et à côté de ça, si vous êtes entrepreneur [ou entrepreneuse], si vous êtes chef [ou cheffe] d’entreprise, vous pouvez aussi vous approprier ce qu’on a fait pour en faire quelque chose à l’échelle de votre organisation.

Et moi, c’est pour ça que je me lève le matin en fait.

C’est finalement depuis ma rencontre et l’accompagnement que j’ai pu avoir au moment de la création d’entreprise par une super asso, qui s’appelle Ticket for Change.

L’idée, c’est de donner du sens.

Alors, ce que je fais au quotidien, ça a du sens, pour moi évidemment, ça a du sens pour l’ensemble des déficients [et déficientes] visuelles et des personnes singulières pour et avec lesquelles je travaille.

Ça a du sens pour les acteurs économiques, pour la société en général.

Et je sais que j’en ai probablement encore pour quelques années, mais si je ne le fais pas, qui le fera ?

Donc, c’est ce que je dis souvent, [c’est qu’] on ne venait pas forcément me chercher avant. Je vais souvent là où on ne m’attend pas.

Parce que l’objectif, c’est de dire « aujourd’hui, le numérique et les évolutions technologiques, tout le monde devrait pouvoir en profiter. » Quelle que soit sa situation, quel que soit son besoin.

Et tant que ce n’est pas le cas, eh bien c’est encore une fois pour ça que je me lèverai le matin pour essayer de faire changer ça.

 

Lili [00:13:45]

Chloé, elle, nous explique que ses motivations sont nées de rencontres et de sa passion du Web.

 

Chloé [00:13:51]

Alors, je pense que ce sont plusieurs choses. C’est à la fois des rencontres professionnelles.

Notamment une rencontre qui a été extrêmement importante pour moi, qui est ma rencontre avec Elie Sloïm, qui est le président et fondateur des sociétés Temesis, puis Opquast.

En fait, je l’ai rencontré quand je faisais mon IUT. Donc je démarrai tout juste mes études. Je sortais du bac. J’ai rencontré Elie lors d’une conférence qu’il a donnée, où il parlait justement de ces sujets, de l’assurance qualité et de l’accessibilité.

Et là tout de suite je me suis dit « ah mais oui, ce sont de vrais sujets ». Et en fait, c’est pour ça que j’ai tenu, que j’ai voulu travailler dans le web.

Puisqu’au départ, moi j’ai voulu travailler dans le Web pour une raison très simple, c’est que je suis moi-même malvoyante et que j’ai toujours, d’aussi loin que je me souvienne, utilisé un ordinateur.

Je me suis toujours sentie beaucoup plus à l’aise quand j’avais un ordinateur entre les mains que quand j’avais un journal, un magazine entre les mains.

Ça m’a ouvert énormément de choses et énormément de possibilités, finalement, cet outil numérique, ce Web.

Et donc assez tôt, je ne saurais même pas dire quand, j’ai décidé que je souhaitais travailler dans le web, parce que, vraiment, j’ai l’impression que ça a toujours été un peu présent.

Mais j’avais envie de permettre à d’autres d’avoir cet accès, en fait, cet accès à ce monde merveilleux qui, pour moi, était le monde merveilleux du Web, qui permettait d’accéder à énormément de ressources, à beaucoup de gens, de pouvoir communiquer avec beaucoup de gens sans limitation géographique.

Donc, j’avais vraiment cette volonté de participer au développement de cet outil qu’était le Web.

Et puis j’ai rencontré Elie, qui m’a montré finalement lors d’une conférence, qu’il y a des domaines qui prennent en compte vraiment l’utilisateur, et tous les utilisateurs dans l’ensemble des contextes d’usages possibles.

Donc l’assurance qualité et l’accessibilité numérique.

Et c’est comme ça que je suis rentrée finalement sur ce sujet, que ces sujets sont venus à moi.

Et ce n’est pas pour rien aussi que je m’intéresse énormément et que je pratique énormément au quotidien l’expérience utilisateur, l’UX design.

 

Lili [00:16:27]

Fernando, quant à lui, nous confie que ses motivations sont nées de son expérience personnelle en tant qu’étudiant.

 

Fernando [00:16:34]

Alors ce qui m’a motivé, moi, à travailler cette question de l’accessibilité numérique. C’est un peu les hasards de la vie, très honnêtement.

Je ne vais pas faire le parcours du vieux combattant, mais fin des années 90, j’étais étudiant.

Donc je ne l’ai pas précisé au début du podcast, mais moi, je suis complètement aveugle.

Et donc, étudiant complètement aveugle, fin des années 90, besoin d’accéder à un certain nombre de ressources, notamment des dictionnaires, puisque je faisais des études de langues.

Et c’était extrêmement complexe, parce qu’il y avait finalement peu de ressources numériques.

Sauf que la fin des années 90, c’est l’émergence de l’internet. Donc, l’internet qui arrive dans les foyers français. Et donc du coup, on perçoit l’intérêt qu’il y a à s’intéresser au numérique à ce moment-là, en disant « mais là, on va pouvoir gagner en autonomie ».

Et c’est ce qui s’est passé.

C’est-à-dire que d’un seul coup, on nous a ouvert, sans le savoir, mais on nous a ouvert les portes du savoir, de la connaissance, de l’information de façon générale.

Alors même que, finalement, ce à quoi on avait accès jusque-là, c’étaient des documents papier qu’on devait se faire lire, parfois, qu’on pouvait trouver en Braille quand ils existaient, parfois que les gens nous enregistraient sur des supports sonores.

Et donc, de fil en aiguille, on investiguant le potentiel du numérique, on a été un certain nombre a se dire « mais là, on a quelque chose qui est absolument essentiel pour qu’on accède comme jamais on a pu accéder à l’information ».

Et donc, d’un objet qui, pour moi était essentiel, puisque à l’époque, j’étais étudiant et que du coup, ça me permettait de suivre mes études dans de meilleures conditions, j’en ai fait finalement un objet de militance, de revendication.

Aussi pour dire, « mais cet outil numérique peut nous permettre de mieux participer aux débats, d’exister dans de meilleures conditions ».

À condition qu’ils soient bien conçus.

Et donc, ce qui me motive aujourd’hui en réalité, c’est ça. C’est de faire comprendre que l’on a là la possibilité d’inclure des publics qui, je dirais, sont éloignés de l’information.

Pour des raisons techniques, ou pour des raisons plus complexes. Mais en tout cas, pour des raisons qui font que l’information n’était pas forcément immédiatement perceptible, si elle était mal conçue.

Et à partir du moment où elle est bien conçue, ces publics qui en sont éloignés vont pouvoir s’en emparer.

Du coup, [ils vont pouvoir] travailler comme n’importe qui, avoir des pratiques culturelles comme n’importe qui, et ce dans de bonnes conditions.

Aujourd’hui, oui, ça fait partie des combats qu’on mène pour faire respecter ce droit.

Et dans le même temps, c’est aussi une responsabilité pour nos associations de faire monter les publics en compétence sur ces questions-là.

Ça, c’est peut-être un des aspects sur lequel on revient le moins.

C’est aussi important de considérer que ce n’est pas parce que des contenus sont bien accessibles, que les publics qui ont besoin de cette accessibilité vont être capables d’utiliser ces contenus.

Il n’y a pas de raison de penser qu’une personne en situation de handicap visuel, intuitivement, va savoir utiliser un ordinateur avec un lecteur d’écran, configurer une synthèse vocale, un afficheur braille, maîtriser l’ensemble des raccourcis sur les lecteurs d’écrans pour interagir avec la machine.

C’est pas intuitif.

Et donc là, il y a des enjeux aussi pour nos associations, et notamment pour la fédération pour laquelle je travaille. De faire monter en compétence ces publics pour qu’ils soient eux-mêmes capables d’utiliser ces interfaces numériques dans de bonnes conditions.

 

Lili [00:20:46]

Pour Natacha, son envie de s’investir vient d’une volonté d’avoir un impact positif dans son travail.

 

Natacha [00:20:51]

Alors oui, c’est vrai, comme je disais, ça fait 10 ans que je suis cheffe de projet digital.

Et finalement, et depuis que je suis petite on va dire, de manière très utopique, je m’étais toujours dit que j’allais travailler dans une association pour le bien être global.

Et puis finalement, je me suis retrouvée dans le quotidien à travailler dans le digital. Et puis, j’aime toujours ça au fond.

Et je ne savais pas trop comment allier effectivement ce que je faisais avec les valeurs plus profondes que j’avais. Finalement, en fait, c’est parce que je n’avais pas du tout réfléchi à l’impact de mon travail.

 

Lili [00:21:28]

Julie elle aussi s’est lancée dans sa lutte pour l’accessibilité dans une optique d’un monde plus juste et inclusif.

 

Julie [00:21:35]

Pour moi, c’est inadmissible que les personnes n’aient pas accès à certaines informations et services parce qu’elles ont été mal conçues, mal développées, parce que les équipes ne savaient pas.

Et c’est aussi pour ça que j’insiste sur le fait que tout le monde doit être formé. Et pas seulement dans le domaine du Web. En réalité, tout le monde devrait être formé. Tout le monde en fait.

Parce que les problématiques liées à l’accessibilité, ça concerne justement tout le monde.

Il suffit qu’on envoie un tweet, avec une image [sans] description. Il n’y a pas besoin d’être professionnel [ou professionnelle] du web pour faire ça. C’est pareil, envoyer des mails, tout le monde fait ça. Ça concerne absolument tout le monde.

Et là je ne parle que du Web. Mais en réalité la considération des personnes handicapées, rien que dans la vie réelle, c’est pareil.

Il y a souvent des personnes handicapées qui se plaignent sur Twitter, parce que la personne est en fauteuil roulant, et puis il se trouve qu’elle gène une personne valide. Et puis, du coup, la personne valide, tranquille, elle va pousser la personne qui est sur son fauteuil. Ben non, tu fais pas ça quoi !

Donc voilà, c’est une motivation qui est suffisamment forte pour moi.

 

Lili [00:23:07]

Vous partagez une ou certaines de ces visions ? Vous comprenez l’essence des motivations de nos intervenants et intervenantes ? Alors, la concrétisation de leur motivation en engagement devrait vous inspirer. Julie et Nicolas nous expliquent comment ils s’investissent pour l’accessibilité au quotidien.

 

Julie [00:23:24]

Qu’est-ce que je fais ? Déjà j’ai un blog sur lequel j’essaie d’écrire régulièrement. Mais le régulièrement est un échec. Je fais ce que je peux, parce que c’est sur mon temps personnel.

Et puis, au quotidien, j’ai été formée au sujet de l’accessibilité numérique. C’était en 2016, donc une formation professionnelle, et depuis je [fais] tout ce qu’il faut pour l’accessibilité sur les projets sur lesquels je travaille.

Et je viens de lancer mon activité, où on ne va prendre que des projets qui ont une exigence d’accessibilité. Donc les autres, on n’en veut pas, tout simplement.

Si le projet ne veut pas être accessible, on ne veut pas travailler pour ça. On ne veut pas créer des sites qui ne soient pas accessibles.

Et puis, du coup, je participe à des conférences, je donne des conférences aussi et je participe à des podcasts, là aujourd’hui.

Et j’ai rejoint cette année la commission communale d’accessibilité de ma ville.

La commission communale d’accessibilité, c’est une obligation légale pour une ville qui a un certain nombre d’habitants. Je ne sais pas le nombre. Et il y a parfois des regroupements entre communes, il me semble pour les commissions.

Et en fait, normalement, ces commissions-là, c’est géré par la mairie. Et normalement, ces commissions-là sont plutôt composées de personnes qui représentent des associations de personnes handicapées.

Mais on peut aussi s’y présenter, être membre de ces commissions-là en tant que personne individuelle.

Et elles ont été créées pour plutôt se concentrer sur l’accessibilité du bâti.

Ce qu’on fait, par exemple : il y a des travaux qui sont prévus, des travaux d’accessibilité qui sont prévus pour un bâtiment public. Et du coup, la commission va inviter ses membres à se déplacer sur le lieu pour échanger sur les travaux qui sont prévus et voir si ça correspond effectivement aux besoins, etc.

Et là en fait cette année, il y a un élu. Alors ce n’est pas par année, c’est sur un mandat.

Et moi, j’ai commencé cette année, parce qu’avec la crise sanitaire, ça a forcément été un peu décalé, parce que les réunions ne pouvaient pas avoir lieu.

Et du coup, il y a un élu à la mairie, qui est expert en accessibilité comme moi, accessibilité Web, et qui, du coup, a décidé que dans cette commission-là, on parlerait aussi d’accessibilité numérique.

Et ça m’a permis de faire une présentation pour présenter ce que c’était l’accessibilité numérique aux membres de la commission.

Et puis, du coup, j’ai montré des exemples sur le site de la Ville qui n’est pas encore conforme, mais qui y travaille. Donc ça, c’est bien.

Mais donc ça permet aussi de travailler sur ce ces aspects-là, par ce biais, donc c’est très intéressant.

 

Nicolas [00:26:55]

Alors moi, mon métier, c’est éveilleur de conscience. Donc, tout est dit dans le titre, en tout cas dans l’intitulé du poste du métier que j’ai créé il y a quelques années.

Mon objectif, aujourd’hui, dans les entreprises et auprès de mes clients, c’est de donner une perception différente. Un peu sur ce que j’évoquais juste avant, sur le partage de l’espace [cf. précédents épisodes].

Généralement, ça se fait en trois étapes, en fonction de l’état d’avancement de l’entreprise, la structure que je vais rencontrer.

Il y a une première étape, qui est à mon sens, fondamentale. C’est ouvrir ses chakras à la question de l’inclusion.

Et donc moi généralement, soit j’interviens en conférence sur un sujet en particulier, sur mon vécu au quotidien, comment j’en suis arrivé à devenir entrepreneur. Puisqu’avant d’être déficient visuel, je suis entrepreneur.

Et puis, le cas échéant, si on a besoin d’aller plus loin, moi, je vais proposer des ateliers immersifs.

J’aime beaucoup mettre les gens dans le noir. Je le dis de manière anecdotique. Je me sens un peu moins seul.

Et l’idée de mettre les gens dans le noir, c’est évidemment de les amener à prendre conscience que le handicap, oui c’est pas simple, mais on peut faire plein de choses.

Et ça peut même d’ailleurs amener une réflexion sur la communication interne, la cohésion d’équipe, le lâcher prise, les méthodes de management, et évidemment aussi, l’utilisation que l’on a chacun et chacune du numérique.

Une fois qu’on a fait ça…

Alors, après, en fonction de l’état d’avancement de la structure, elles peuvent rentrer à n’importe quel niveau. Elles ne sont pas obligées de suivre tout le process. Mais généralement, c’est comme ça que ça se passe dans un deuxième temps.

Une fois qu’il y a eu un avant et un après vis-à-vis de l’action de sensibilisation que j’ai pu proposer.

L’idée, c’est d’amener les salariés, [les salariées] et les dirigeants [et dirigeantes] à monter en compétence.

Moi, je vais proposer, soit de la formation, comme sur la communication inclusive, comme je l’ai évoqué tout à l’heure, soit sur des sujets plus pointus : le recrutement de personnes en situation de handicap, la qualité de vie au travail, les questions d’accessibilité au cadre bâti, etc.

Je vais proposer une approche finalement autour du conseil en stratégie. Parce que l’objectif, c’est pas de se dire « à l’instant T, on va retourner la table, et puis on va tout faire tout de suite ».

Parce qu’on sait très bien que si on veut avoir le comité de direction au conseil d’administration en disant « voilà ce qu’on veut faire pour les clients en situation de handicap, ça coûte 500.000 euros ».

Évidemment, oui, on va peut-être nous dire « ça va pas le faire tout de suite ».

Donc, l’idée, c’est de travailler avec les équipes sur « qu’est-ce qu’on fait à court terme, à moyen terme et à long terme ? ».

Pour avoir finalement une approche peut-être un peu plus lissée dans le temps. Mais qui montre aussi que l’entreprise est engagée.

Et puis, dans un troisième temps, une fois qu’on a soit formé, soit accompagné, on va faire rayonner cette démarche de mes clients, soit en interne, évidemment, auprès des collaborateurs [et collaboratrices], pour que ça infuse dans les différents services et, le cas échéant, dans les magasins, dans d’autres pays aussi, parfois.

Auprès des parties prenantes, c’est-à-dire les clients, les fournisseurs, les agences de com avec lesquelles bossent ces clients-là, etc.

Et l’idée, c’est vraiment de valoriser, mettre en lumière les actions qui ont été mises en place par la structure.

Donc moi, je vais les accompagner, soit sur de la mise en relation avec d’autres acteurs. Et puis, de plus en plus, sur la stratégie d’influence pour mettre en lumière, je l’ai dit, les produits, les services et les solutions numériques sur lesquelles on a travaillées, et qui sont du coup plus inclusives, plus accessibles à l’ensemble des clients, à l’ensemble du marché.

Et donc ça, aujourd’hui, c’est un des axes.

Aujourd’hui, la création de contenus pour le compte de mes clients, c’est quelque chose qui prend pas mal d’ampleur parce que les entreprises évoluent aussi.

Et donc, il y a eu pendant très longtemps une approche autour de la sensibilisation.

Et puis, peut-être maintenant, il y a en tout cas moins besoin de sensibiliser certains acteurs. Il faut continuer à le faire pour d’autres. Voilà, en fonction de d’état d’avancement.

Oui, aujourd’hui, il y a cette prise de conscience. Et donc, c’est pour ça que mon métier à moi aussi évolue en ce sens.

 

Évolutions au niveau professionnel

Lili [00:31:30]

A ce stade, on a bien en tête les expériences quotidiennes, les motivations et les leviers d’investissement de nos intervenants et intervenantes. On a aussi voulu savoir si les besoins spécifiques en termes d’accessibilité sont pris en compte dans le contexte professionnel. Chloé constate une évolution plutôt positive du monde professionnel qui favorise l’accessibilité et l’inclusion.

 

Chloé [00:31:53]

Alors pour moi, dans le contexte professionnel, finalement, j’ai toujours baigné dans l’assurance qualité, dans l’accessibilité et dans l’inclusion. Donc moi, effectivement, c’est mon quotidien.

Mais on se rend bien compte que malheureusement, ce n’est pas le quotidien de tout le monde. Ce n’est pas le quotidien de [toutes et] tous les professionnels.

Moi, une évolution que j’ai perçue, c’est notamment au niveau des cursus de formation.

Puisque quand j’ai fait mes études à la fin des années 2000, aux alentours de 2010, à ce moment-là, pendant mes études, si je n’avais pas rencontré Elie, je n’avais pas spécialement de cours autour de ce sujet.

Par contre, maintenant là, à l’heure actuelle, je donne moi-même des formations sur ce sujet-là pour des futurs professionnels [et professionnelles] du Web. Dans les cursus initiaux, déjà, on intègre ces sujets.

Donc, c’est déjà un premier grand pas.

Ensuite, deuxième chose au niveau professionnel, des professionnels [et professionnelles] actuellement en poste, des équipes actuelles, ce qu’on voit, c’est qu’il y a aussi une ouverture autour de ces sujets.

Et autour d’autres sujets, puisqu’on le voit aussi pour l’éco conception, pour la sécurité des données, etc.

Tout ça dans une démarche qu’on appelle souvent le numérique responsable. Et donc l’inclusion, l’accessibilité font partie du numérique responsable.

Donc, il y a vraiment une ouverture sur ce sujet-là. Depuis quelques mois, on le sent bien.

Et puis, au niveau de l’accessibilité, au niveau législatif, il y a eu une accélération, je dirais.

Au niveau législatif, donc, il y a de nouvelles contraintes. La loi qui, au départ, s’adressait beaucoup plus à tout ce qui était service public, aujourd’hui, a été étendue aux entreprises du privé notamment, qui ont un certain chiffre d’affaires.

Et donc, forcément, le légal aide aussi. Même si ce n’est pas que la seule raison.

Je pense aussi qu’il y a globalement une prise de conscience de l’ensemble des professionnels [et professionnelles] dans ces démarches de numérique responsable. Ça rentre totalement en compte.

 

Lili [00:34:10]

Julie considère quant à elle que les enjeux d’accessibilité dans le contexte professionnel ne sont pas encore assez pris en compte.

 

Julie [00:34:18]

Les enjeux ne sont pas suffisamment pris en compte, c’est sûr. Parce que quand aujourd’hui on voit que le taux de chômage des personnes handicapées est plus élevé que celui des personnes valides…

Clairement, les enjeux sont à prendre en compte.

Puisqu’il y a parfois des besoins spécifiques adaptés pour le travail, adaptés au poste de travail.

Il y a aussi une loi dans le Code du travail, qui dit que le poste des personnes handicapées doit être accessible, les logiciels qui sont utilisés doivent être accessibles, et le poste de travail doit être aussi accessible en télétravail.

Même si là, il y a eu la crise sanitaire avec le télétravail qui entre un peu plus dans les mœurs, il y a quand même encore des entreprises qui ont refusé le télétravail.

Donc non, je pense que ce n’est pas assez pris en compte.

Après les évolutions, je ne peux pas en parler, je n’ai pas d’information suffisante sur ça.

 

Lili [00:35:20]

Nicolas a un avis plus nuancé. Il pense que la prise en compte de l’accessibilité dans le monde professionnel tend à être positive, mais elle est encore trop timide. Pourtant, selon lui, on devrait pouvoir l’intégrer facilement.

 

Nicolas [00:35:34]

Alors, je vais prendre un exemple très concret.

J’ai rencontré au tout début de mon activité, un réseau de professionnels [et professionnelles] qui s’appelle Place de la Communication, qui est le plus grand réseau de communicants [et communicantes] dans les Hauts de France.

Et quand je suis arrivé, c’est vrai que j’étais un peu, j’allais dire, un « extraterrestre ».

« Mais finalement, pourquoi Nicolas, déficient visuel, vient échanger avec nous, professionnels [et professionnelles] de la communication ? »

Et au fil du temps, que ce soit dans la com, le marketing, l’événementiel et dans d’autres domaines, au tout début, je me souviens, beaucoup de professionnels [et professionnelles] que je rencontrais me disaient « c’est sympa ce que vous faites dans votre association », sous prétexte que lorsqu’on est en situation de handicap, on n’a pas cette possibilité de créer sa boîte.

Je fais juste une parenthèse. Il y a aujourd’hui 80 000 entrepreneurs [et entrepreneuses] en situation de handicap en France.

Et donc ce qu’on disait sur la partie B2C fonctionne aussi en B2B.

Il y a eu une évolution, ça c’est évident. Elle est probablement trop timide, elle est probablement trop lente.

Aussi parce que les professionnels [et professionnelles] ne voient pas encore forcément l’utilité, le retour sur investissement que peut générer la prise en compte de cette question de l’accessibilité, de l’inclusion.

Mais ça bouge.

Et pour que ça bouge, en fait, on a besoin d’acteurs [et d’actrices] qui se saisissent de ce sujet-là. Plus on en parlera et mieux ce sera.

Et c’est aujourd’hui, effectivement, je pense, la responsabilité des acteurs [et actrices] de la communication et du marketing, notamment, que de mettre ce sujet sur la table.

Tout comme on voit de plus en plus émerger les enjeux de communication responsable, de comment, aujourd’hui, on va faire un site Internet écologiquement propre, on va dire comme ça.

Eh bien pourquoi on viendrait dissocier cette prise de conscience de la question de l’inclusion, en sachant qu’il y a beaucoup de similitudes entre la transition écologique et l’inclusion ?

Et je pense qu’il y a besoin, finalement, que la filière communication nationale se saisisse de ce sujet-là en disant « il faut qu’on en parle.

Parce que derrière, oui, c’est nous, communicants [et communicantes], qui faisons les sites Internet et les applications, qui travaillons avec les professionnels [et professionnelles] sur les événements, sur la communication, sur les réseaux sociaux, etc. ».

Et donc, il y a besoin de faire émerger ça. Parce qu’ensuite, les clients, les entreprises, en tout cas de tous secteurs, se disent « ben oui, il y a un truc à faire ».

Et ça peut aller dans l’autre sens aussi. Même si j’en doute fort.

Aujourd’hui beaucoup de vos clients, beaucoup de clients, des agences ou des annonceurs disent « on a besoin, on veut ce paramètre d’accessibilité. C’est une donnée fondamentale, sinon on ne travaille pas ensemble ».

J’aimerais beaucoup entendre ça. Mais je ne l’entends pas suffisamment, et je ne suis pas sûr que vous non plus.

Donc, il y a ce besoin d’avoir un échange mutuel.

Et pour moi, le levier de la mobilisation des acteurs [et actrices] de la filière de la communication est un élément important.

J’aurais pu te faire la même réponse il y a quelques années.

Aujourd’hui, on est en 2021.

Donc, si on prend différents rendez-vous qui reviennent chaque année, comme la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées, comme des journées internationales, comme Paris 2024.

Aujourd’hui, encore une fois, ce n’est pas antinomique de dire « l’accessibilité, ça concerne tout le monde ». Donc pourquoi ce serait la dernière roue du carrosse, finalement ?

Parce que si on prend le sujet au départ, le plus en amont possible, économiquement, il n’y a pas forcément de coûts supplémentaires.

Et c’est ça qu’il faut faire tomber comme idée reçue. C’est que ça ne coûte pas plus cher. C’est que ce n’est pas plus compliqué.

C’est juste qu’il faut s’entourer des bonnes personnes pour pouvoir le faire. Et encore une fois, je ne dis pas ça que pour moi, mais les mieux placés [et placées] pour en parler, c’est [celles et] ceux qui le vivent au quotidien.

 

Les solutions envisageables

Lili [00:40:01]

Nicolas a également relevé les opportunités et les solutions alternatives que le phygital peut générer. Le phygital, c’est le croisement entre le monde physique et le digital.

Des solutions phygitales peuvent remettre en question les limites de ces deux mondes, ce qui peut nous aider à mieux adresser les problématiques d’accessibilité.

 

Nicolas [00:40:21]

C’est-à-dire que tout est lié, en fait.

Aujourd’hui, on est de plus en plus dans une logique un peu phygitale.

C’est-à-dire que quand je prends le métro, qu’est-ce que je fais ? La première chose que je fais, quand je prends le bus, je vais voir sur une application à quelle heure est mon bus, à quelle heure est mon métro pour préparer mon trajet.

Peut-être qu’entre temps, je vais avoir envie d’écouter de la musique, d’aller sur Spotify ou ailleurs, de consulter les réseaux.

Ce qui fait que tout est lié.

C’est pour ça que j’ai envie, plutôt que de tout cloisonner [sur] le sujet de l’accessibilité, je pense qu’il faut s’inscrire dans cette logique de « quelle expérience on a envie de faire vivre à ses clients ou à ses utilisateurs ? ».

Et donc dans les bonnes pratiques, aujourd’hui, il y en a plein. Qu’elles soient numériques, qu’elles soient dans mon quotidien, il y en a un certain nombre.

Les difficultés, c’est souvent les mêmes.

C’est ce que j’évoquais tout à l’heure [cf. précédents podcasts] : la rupture dans le cheminement, notamment dans un processus d’achat sur Internet.

Mais c’est la même chose au quotidien. Si, par exemple, ils ont dévié mon bus et que je ne peux pas descendre à l’arrêt auquel j’ai l’habitude de descendre, eh bien c’est une rupture dans le cheminement. Il va falloir trouver une solution alternative.

Et donc, c’est toute la question de l’expérience aujourd’hui, de l’expérience client qui est importante.

Et l’accessibilité, c’est une des briques de cette expérience.

Parce que, encore une fois, il y a 12 millions de clients concernés.

Donc, quand aujourd’hui, on n’a pas la possibilité, pour une raison X ou Y, de rendre accessible son site Internet, son application, il ne faut pas se mettre de barrières à l’entrée.

Moi, si je me mets une barrière à l’entrée, en fait, je ne sors pas de chez moi.

Si je me dis « je pourrais pas faire ça, bon bah c’est pas grave, du coup, je le fais pas, je reste chez moi ».

De la même manière, si le site Internet ne peut pas être modifié parce qu’il a été fait il y a trois mois et on arrive un petit peu trop tard. Ou que, techniquement, ça ne dépend pas forcément du client en question, etc. C’est pas grave.

L’idée, c’est de réfléchir à des solutions alternatives.

Et c’est pour ça que je parlais de multicanal tout à l’heure.

Parce que, par exemple, sur un support de communication print, sur une plaquette, une carte de visite, un flyer, etc., il y a des solutions technologiques pour rediriger les utilisateurs qui ne peuvent pas lire, pour une raison X ou Y encore une fois, le document en question.

Et donc c’est là où on va optimiser l’expérience.

On va finalement, j’allais dire, augmenter en quelque sorte l’expérience qui va être vécue par le client, parce qu’on lui aura proposé une solution alternative.

Et donc, du coup, il y aura une meilleure prise en compte de ses besoins et donc forcément potentiellement fidélisation, etc.

Et ça va dans les deux sens ; du print vers le numérique, du numérique vers le print.

Je pourrais parler de signalétique. Je pourrais parler de l’approche sensorielle.

Parce que le podcast, aujourd’hui, est un vecteur de communication hyper intéressant, qui est en plus universel, qu’on peut même rendre accessible pour les sourds et malentendants.

Donc, il y a des solutions.

Et le meilleur conseil que je puisse donner, encore une fois, c’est d’aller frapper à la porte et d’oser poser la question : « Dîtes-nous de quoi vous avez besoin ? » Et puis, on va essayer de réfléchir ensemble à une solution qui soit la plus vertueuse possible.

 

Lili [00:44:10]

Normalement, vous devriez maintenant comprendre l’importance de s’investir pour un monde plus accessible et inclusif. Si on ne le fait pas, on creuse tout simplement les inégalités et on consolide les limitations auxquelles sont confrontées les personnes concernées.

Passons maintenant aux solutions que vous pouvez mettre en place dans le contexte professionnel pour booster l’accessibilité. Chloé nous donne une solution simple : diversifier ses équipes.

 

Chloé [00:44:36]

Alors, vraiment, dans les choses à faire pour plus d’inclusion, un truc tout simple, c’est tout simplement de diversifier ses équipes.

Si, à côté de nous, on a une personne dyslexique, si à côté de nous, on a une personne qui rencontre des problèmes de sexisme sur des interfaces ou des problèmes de racisme, par exemple.

Et bien forcément, quand c’est notre collègue qui nous le remonte, qui nous remonte les problèmes, on va plus facilement, plus rapidement les prendre en compte.

Malheureusement, dans la tech, alors ça évolue, mais très souvent, on a plutôt des hommes caucasiens entre 30 et 40 ans.

Donc forcément, [c’est] toujours pareil, on va automatiquement concevoir pour des gens qui nous ressemblent.

Mais c’est automatique. C’est un biais qu’on a [toutes et] tous en tant qu’humains.

Donc, si notre équipe n’est pas diversifiée, eh bien forcément, on se rendra moins compte des problèmes.

Si à l’inverse, notre équipe est diversifiée, là, il y a plus de chances qu’une personne dans l’équipe se retrouve dans une situation problématique, où la personne va se sentir un peu exclue, et donc on va pouvoir tout simplement la régler beaucoup plus rapidement.

 

Lili [00:45:54]

Fernando recommande, lui, de s’appuyer sur des référentiels, documentations, normes, mais aussi des outils.

 

Fernando [00:46:01]

On pense que c’est important de mettre en place des outils pour faire connaître [l’accessibilité numérique].

Il existe beaucoup de littérature sur le sujet. Il y a des recommandations internationales, du W3C, en la matière, qui sont dictées par un groupe qui s’appelle le WAI pour Web Accessibility Initiative.

Et donc, il y a un certain nombre de documents, beaucoup en anglais, certains en français.

Il y a les normes. Tout le monde n’a pas forcément envie de consulter une norme. C’est un peu aride.

Et il y a des outils en français qui ont été développés par l’Etat. Il y a un référentiel.

Il y a des ressources proposées par la Direction Interministérielle du Numérique, par exemple, qui permettent aussi de se familiariser.

Nous, au sein de la Fédération des Aveugles de France, on a décidé de publier deux outils différents, mais qui contribuent, de notre point de vue, à sensibiliser les gens sur ces questions-là.

On a un module de e-learning, qui est disponible sur le site de la Fédération des Aveugles de France à l’adresse http://access-num.aveuglesdefrance.org.

Donc là il y a un module en six leçons pour essayer de sensibiliser le public sur cette question d’accessibilité numérique.

C’est au travers de ces petites scénettes de départ sur comment on va payer une course de taxi, comment on va utiliser une machine à café, comment on va pouvoir activer le bouton d’un interphone pour aller à un rendez-vous, et ainsi de suite.

Et à partir de ces scénettes, on déroule finalement chacune des leçons en explicitant un certain nombre de notions et aussi de solutions quand elles existent. Ça, c’est un premier outil qu’on propose.

Le deuxième outil, c’est ce qu’on appelle l’abécédaire de l’accessibilité numérique. Lui aussi est disponible sur le site de la Fédération à l’adresse http://abc-accessnum.aveuglesdefrance.org.

Et là, sous forme de deux fichiers en format PDF et en format EPUB dans sa version 3, on décline en une vingtaine de pages ce qu’il faut savoir en matière d’accessibilité numérique.

On donne une définition, on donne un certain nombre de chiffres sur le handicap en France. On rappelle les points clés en matière de réglementation, des obligations.

On donne des conseils pratiques sur comment on peut s’emparer de l’accessibilité numérique au quotidien quand on développe des interfaces pour rendre ces interfaces plus accessibles.

Et on complète le propos par une bibliographie avec un certain nombre de liens pour pouvoir aller un peu plus loin si on souhaite creuser le sujet.

Je dirais que nous, c’est au travers de ces deux outils déjà [qu’on offre] une première démarche de sensibilisation, totalement gratuite.

Chacun [et chacune] peut y accéder quand il le souhaite, comme il le souhaite, avec ses modalités d’accès, et évidemment, de façon accessible.

Et au-delà de ça, nos associations font un certain nombre de sensibilisation, pour le coup dans les entreprises, au travers de certains événements grand public, pour aller en parler, illustrer, donner un peu de chair aux propos.

Parfois même faire des démonstrations pour rendre ça plus intelligible, notamment par les décideurs [et décideuses], par les acteurs [et actrices] du numérique en général.

 

Lili [00:49:56]

Chloé nous a également rappelé que certains pays, comme les Etats-Unis, optent pour des solutions plus radicales.

 

Chloé [00:50:02]

Après, il y a aussi un point qui fait évoluer, mais là plus à l’international. Notamment aux Etats-Unis. Il y a pas mal de procès contre des entreprises dont les sites ne sont pas accessibles.

Ce sont des procès pour discrimination.

Et donc, forcément, quand les entreprises doivent payer des dommages et intérêts, ça fait évoluer les choses.

Il y a eu des grands procès comme ça contre des entreprises du privé. Et les procès sont en nette évolution. Il y en a vraiment de plus en plus chaque année.

Donc effectivement, ça fait aussi évoluer le sujet.

Et puis, on sait que ce qui se passe aux Etats-Unis, très souvent a un impact aussi à l’international, et notamment en Europe et en France.

 

Lili [00:50:50]

On s’est donc interrogées sur l’importance de l’empathie et l’altruisme dans la prise en compte de l’accessibilité et l’inclusion au quotidien. Notre optimisme légendaire nous laisse espérer qu’une sanction ou une récompense n’est pas toujours nécessaire pour changer les choses et faciliter la vie de milliers de personnes.

 

Conclusion

Lili [00:51:22]

Le podcast touche à sa fin.

Merci à nos intervenants et intervenantes d’y avoir participé et de nous avoir éclairées sur leur quotidien et leur engagement pour un Web plus accessible et inclusif.

Même si chacun et chacune ont leurs propres motivations et sont plus ou moins directement concerné.es, on se rend compte qu’in fine, l’objectif c’est de rendre le monde un peu meilleur.

On a vu qu’il est possible de s’engager de plusieurs façons.

S’investir dans une association, se former, faire appel à des professionnels en la matière, utiliser les référentiels existants, se mettre à la place d’une personne en situation de handicap et solliciter des retours et des conseils.

Bref, ce ne sont pas les actions qui manquent.

Et surtout, il n’est pas trop tard pour s’y mettre.

Dans notre prochain épisode, on rentre plus en détails dans les solutions que vous pouvez mettre en place pour rendre votre communication web plus accessible et inclusive.

Merci beaucoup !

 

Marine [00:52:21] 

Cette série de podcast fait partie du projet éthique de l’agence Hippocampe. Notre mission : rendre le web et l’entreprise plus éthique.

Nos trois objectifs : rendre nos pratiques encore plus humaines, renforcer notre sensibilité écologique et opter pour une gouvernance transparente.

Chaque trimestre, on s’intéresse donc à un objectif et une initiative qu’on veut mettre en place pour y répondre.

Retrouvez toutes nos initiatives sur notre blog E-bullition. Un outil pour la croissance numérique éthique des entreprises.

Et la suite ? 

Rendez-vous dans le prochain épisode de cette série : les solutions pour communiquer de manière plus inclusive et accessible.

De quoi piocher des idées de pratiques accessibles à mettre en place dès maintenant dans votre communication !

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