Comment initier une démarche numérique responsable dans votre entreprise ?

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Publié le 28 février 2023

Vouloir faire du numérique responsable, c’est une chose. Le mettre réellement en place, s’en est une autre. Les entreprises sont souvent confrontées à de nombreux freins. Le premier étant : par où commencer ? Dans cette interview, Héloïse, experte en numérique responsable, nous donne ses conseils et bonnes pratiques pour une transition numérique responsable, fluide et efficace.

 

Plan de l’article :

Gros plan sur Héloïse Dano

Comment accompagnes-tu les entreprises dans leur transition numérique responsable ?

Quelles actions recommandes-tu ? Lesquelles ont le plus d’impact sur l’empreinte environnementale des entreprises ?

Quels conseils donnerais-tu pour une transition responsable, fluide et efficace ?

Que recommandes-tu pour faire évoluer les pratiques et les mentalités en entreprise ?

Où en est-on en France ? Les entreprises sont-elles suffisamment sensibilisées ? S’investissent-elles vraiment ?

Quel est l’objectif idéal vers lequel les entreprises doivent tendre ?

Souhaites-tu ajouter un dernier mot ?

Les ressources d’Héloïse sur le numérique responsable

 


Gros plan sur Héloïse Dano

Nous avons interviewé Héloïse Dano, dans le cadre de notre enquête sur le numérique responsable.

Ingénieur de formation et experte en numérique responsable, elle a fondé Ecologeek en 2021. Sa société est spécialisée dans le conseil, la formation et la sensibilisation au numérique responsable.

Elle est aussi animatrice, formatrice et membre du CA de La Fresque Du Numérique.

Sa mission : participer à une dynamique vertueuse, en plantant des graines, et sensibiliser ainsi un maximum de personnes à ces sujets. Et bien entendu les mettre en œuvre !

Ça vous touche ? Alors plongez dans la retranscription de notre interview. C’est plus qu’enrichissant.

 

Comment accompagnes-tu les entreprises dans leur transition numérique responsable ?

Je les aide d’abord à prioriser leurs actions. Souvent les entreprises partent dans tous les sens et ne se focalisent pas sur le plus important.

Pour y parvenir, je les accompagne sur la compréhension du sujet par des actions de sensibilisation et des formations. Pour les aider à comprendre les impacts environnementaux et sociétaux induits par le numérique.

Ensuite, place au bilan et à la feuille de route. L’idée étant de s’adapter à chaque entreprise.

Chacune étant différente, leurs priorités sont donc variées. Il faut tenir compte des moyens, du contexte, des besoins et des envies !

 

Quelles actions recommandes-tu ? Lesquelles ont le plus d’impact sur l’empreinte environnementale des entreprises ?

Pour y répondre, regardons d’abord du côté de ce qui pollue le plus. Donc du côté de la fabrication de notre matériel et des ressources nécessaires.

 

Ça ne vous dit rien ?

On vous invite à écouter l’épisode 3 de notre enquête sur le numérique écoresponsable

 

C’est donc là-dessus qu’il faut jouer. Pour les entreprises, ça veut dire mettre en place une politique de gestion responsable du matériel numérique :

  • le faire durer le plus longtemps possible,
  • éviter de se suréquiper,
  • préférer le reconditionné au neuf,
  • préférer la location à l’achat,…

 

Voilà de quoi réduire leur impact environnemental.

Concrètement, en termes d’actions ça veut dire :

  • Faire l’inventaire de leur matériel et de leurs usages,
  • Mesurer leur empreinte en tenant compte du cycle de vie et en étant le plus multicritère possible,
  • Supprimer si c’est faisable ou du moins réduire ces impacts,
  • Recommencer jusqu’à avoir le moins d’impact possible.

 

J’insiste ! Il est vraiment important de mettre l’accent sur l’environnement et le social. Les 2 sont indissociables !

En entreprise, il y a plein de sujets à traiter côté social :

  • La place de la femme dans les métiers du numérique (entre autres),
  • La mixité sociale,
  • La dépendance aux outils fournis par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). C’est un vrai problème de résilience en cas de panne ou d’arrêt. Sans compter la question de l’usage de nos données personnelles,
  • La charge mentale provenant de la surexposition au numérique avec tous les nouveaux usages et outils,
  • L’inclusion : dans certaines entreprises, la transition numérique s’est faite de manière tellement accélérée qu’une partie des salariées et salariés sont dépassés. Cela peut devenir un facteur de honte ou de mise à l’écart.

 

Il s’agit donc de remettre l’humain au centre du numérique, et pas l’inverse.

 

 

Quels conseils donnerais-tu pour une transition responsable, fluide et efficace ?

Avant tout, je travaille en étroite collaboration avec mes clients. Je les conseille et les aide à faire.

Mais ce sont eux qui font ! Rien de tel pour un investissement authentique et durable.

Bien entendu, je leur recommande de faire la même chose avec leurs collaborateurs et collaboratrices. Les inclure dès le début de la démarche pour qu’ils et elles ne se sentent pas utilisés ou mis à l’écart.

Donc demander leur avis, leurs envies, leurs ressentis face au numérique et à la crise environnementale et sociale actuelle.

Il s’agit de les sensibiliser aux sujets avant de lancer toute démarche, pour qu’ils comprennent les enjeux et soient force de proposition.

Et surtout, respecter leur niveau de connaissances et donc d’engagement possible.

Ce qui peut s’évaluer en utilisant la courbe du changement (ou du deuil) :

  • Dénis face aux infos parfois lourdes,
  • Déprime, “on peut plus rien faire”,
  • Acceptation, on commence à remonter la pente,
  • Pour arriver vers l’envie de se mettre en action et agir.

 

Donc attention au positionnement des salariés par rapport à cette courbe !

Il faut pouvoir adapter l’accompagnement en fonction de la phase où en est chaque personne.

Et ainsi faire en sorte qu’elle se sente comprise et écoutée, tout en lui faisant prendre conscience des enjeux et du rôle qu’elle peut jouer.

C’est vraiment pour moi le plus important à faire au début.

Plus les équipes sont embarquées tôt, plus la démarche choisie fonctionnera. Et en plus, ça coûte souvent moins cher que des politiques plus complexes non adaptées au contexte.

 

Que recommandes-tu pour faire évoluer les pratiques et les mentalités en entreprise ?

Beaucoup de personnes peuvent être réfractaires au changement. Ce qui peut être un vrai frein à la mise en place de nouvelles pratiques plus responsables.

Ce que je recommande ? C’est d’embarquer tout le monde, y compris les réfractaires, et ce dès le début. Expliquer, faire preuve de pédagogie et de transparence sur ce que l’on veut faire et surtout pourquoi !

Ensuite, on peut les impliquer de plein de manières différentes :

  • Fixer des objectifs personnels. Un bon moyen pour que tout le personnel se sente impacté et réalise le rôle à jouer,
  • Intégrer ces sujets dans les plans de formation, pour monter les équipes en compétence. De quoi leur donner des idées pour aller plus loin,
    encourager des challenges à l’initiative des salariés. Excellent pour faire jaillir des idées. Plus on est à participer, mieux c’est !
  • Mettre une part variable de l’intéressement, avec des objectifs, …

 

Tout dépend de chaque profil. C’est tout l’intérêt d’évaluer la sensibilité de son équipe sur la question.

Le plus important, ça reste de respecter l’engagement de chaque membre.

Et puis, ne pas hésiter à mobiliser les personnes prêtes à changer. Car ce sont elles qui vont lancer la dynamique, en montrant l’exemple.

Ça ne sert à rien de convaincre tout le monde au début. Certains ou certaines ne changeront qu’au dernier moment.

Une fois la pratique acceptée par un nombre suffisant de personnes, elle va se généraliser d’elle-même, jusqu’aux plus réfractaires. (Théorie du 100ème singe).

Selon les études, et selon les pratiques, il faudrait mettre 25% de la population en mouvement pour que tout le monde change. Je recommande de focaliser toute son énergie sur ces personnes.

 

Où en est-on en France ? Les entreprises sont-elles suffisamment sensibilisées ? S’investissent-elles vraiment ?

En ce moment en France, il y a une émulation sur le sujet. Ce qui est pour moi très positif.

Dans les faits, encore peu d’entreprises se saisissent du sujet. Elles commencent tout juste à comprendre l’impact que ça a et l’intérêt d’agir.

Certaines entreprises y allouent un budget. Mais ça reste encore marginal. On est encore dans une phase d’acculturation.

Heureusement, les actions de lobbying de collectifs autour du numérique responsable, de la tech for good, et autres organisations, commencent à payer.

 

Je suis persuadée que le numérique va être au centre des politiques de développement durable des entreprises dans les années à venir.

 

 

J’ai même l’impression que ça va devenir un axe majeur de la RSE. Soit par envie, soit par nécessité.

A ce sujet, la réglementation se durcit. Par conséquent, les entreprises vont bien être obligées de se bouger.

La loi REEN du 15 novembre 2021 oblige notamment les écoles des métiers du numérique à former les étudiantes et étudiants à l’écoconception web.

Comme ces derniers vont nécessairement vouloir mettre en pratique leurs apprentissages, cela va pousser les entreprises à s’y mettre.

Et puis, il y a de plus en plus de demandes pour ces profils dans les entreprises. Profils qui n’existent pas encore vraiment, car pas encore formés au sujet.

Cette démarche devrait aider à faire avancer les choses.

Le numérique peut servir d’introduction à l’impact climatique. En effet, il peut faire moins peur aux réfractaires, car on le vit au quotidien. Et ça leur donne moins le sentiment de culpabilité.

C’est un peu comme passer par la porte de service pour s’ouvrir sur des sujets plus vastes : ressources, exclusion, mixité sociale, démocratie,… Autant des problématiques que l’on retrouve aussi bien dans le numérique, que dans d’autres domaines.

Par exemple, les gens sont plus enclins à participer à une Fresque du numérique qu’une Fresque du climat.

Quel que soit votre niveau d’éveil sur le sujet, surtout ne baisser les bras ! Ne tombez pas dans le défaitisme ou la solastalgie (anxiété climatique).

On a tous et toutes notre part à faire. Plus on est nombreux et nombreuses, plus on arrivera à faire bouger les choses. Et moins on ressentira cette anxiété climatique.

Ne sous-estimez pas non plus votre influence. On a plein de casquettes : individuelle, professionnelle, citoyenne, amicale, familiale… Donc ça veut dire plein de cercles d’influence autour de nous.

Il suffit de parler à la bonne personne au bon moment et elle aura peut-être plus d’influence que nous sur certains sujets.

Donc si on arrive à rester optimiste et convaincre le plus de personnes que c’est le sujet le plus important, ça fonctionnera. C’est très lié au social.

Il s’agit aussi de remettre notre société en question.

 

Quel est l’objectif idéal vers lequel les entreprises doivent tendre ?

Pour moi, c’est d’avoir une juste utilisation du numérique, que ça soit en entreprise ou ailleurs.

Mobiliser les ressources environnementales ou sociales uniquement quand c’est indispensable.

Donc soit parce qu’on ne peut pas faire sans, soit parce que c’est plus utile de le faire avec. Bon, je le reconnais, c’est un choix assez subjectif.

En tout cas, l’idée c’est de ne pas penser que l’innovation technologique et numérique rime toujours avec progrès. On peut faire plein de choses sans le numérique.

Donc l’entreprise doit être la plus résiliente possible face à son utilisation du numérique.

Ne pas l’utiliser quand ce n’est pas nécessaire. Et si elle en a vraiment besoin, avoir une utilisation juste et inclusive, qui limite son impact social et environnemental.

C’est vrai pour toutes les autres ressources dans les autres domaines. Je le dis toujours : ce n’est pas parce qu’on peut, qu’il le faut !

 

Souhaites-tu ajouter un dernier mot ?

Oui ! Je vous engage à avoir une cohérence sur toute la ligne.

Le sujet numérique est important, mais ce n’est pas forcément ce qui a le plus d’impact, selon votre situation.

Donc évaluez votre impact global, et choisissez vos chevaux de bataille en conséquence.

L’idée, c’est d’activer les plus gros leviers le plus rapidement possible.

Car le temps presse.

Idéalement il faudrait être sur tous les fronts, mais autant commencer avec ce qui a beaucoup d’impact et s’occuper du reste ensuite.

Pour moi, parmi les actions à fort impact, en dehors du numérique, je citerais :

  • Revoir vos modes de transport pour privilégier au maximum les mobilités douces,
  • Manger (beaucoup) moins de viande,
  • Sortir de la surconsommation de biens : réparer, échanger, troquer, etc.
  • Réduire votre consommation d’énergie (baisse du thermostat, moins d’appareils électroménagers, etc.)

 

D’autres idées d’actions responsables ?

On vous recommande l’atelier 2tonnes .

On y a participé et c’était vraiment très enrichissant. On a beaucoup appris sur les mesures à prendre pour baisser notre empreinte environnementale de manière individuelle et collective.

En plus, on en ressort beaucoup plus optimistes !

 

 

Pour limiter votre hausse de température à 1,5°, je vous prescris de la cohérence et de la déconnexion” !

 

 

Les ressources d’Héloïse sur le numérique responsable

Voilà mes ressources pour un numérique et des entreprises plus responsables :

  • Documents de Gauthier Roussilhe. Il essaie de rester le plus objectif dans ses observations, cite ses sources et les décortique, s’implique dans l’open source et des collaborations participatives (analyse du cycle de vie du système numérique).
  • Pour aller au-delà du numérique, sur les problématiques des ressources minières : publication de SystExt qui remet le curseur au bon endroit. C’est-à-dire que l’on comprend ce qui a le plus d’impact : l’exploitation des ressources et pas le tri des mails !
  • Participer à une Fresque du numérique : atelier pour comprendre la problématique environnementale en une journée, tout en passant un bon moment.

On vous challenge ! 

Vous voulez passer en mode numérique responsable ?

Plusieurs options s’offrent à vous :

  • Le faire de votre côté. Ce qui peut fonctionner, mais risque de faire des erreurs et perdre du temps.
  • Vous faire accompagner. Par Héloïse par exemple. Vous gagnez en pertinence et vous optimisez vos efforts.
  • Commencer doucement par un challenge ! On a créé le challenge Défis Com Responsable pour vous aider à faire vos premiers pas dans la communication responsable.

A vous de choisir ce qui vous correspond le mieux.

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