Mieux manager et communiquer avec son équipe
Mieux manager et communiquer avec son équipe
Publié le 18 avril 2023
Comment mieux manager ? Gérer les conflits et souder son équipe ? Dans cet épisode, on explore les bonnes pratiques de management et de communication interne. Des conseils de nos experts et expertes pour être un ou une bonne manager (pour de vrai).
Avec ce cinquième épisode, on rentre dans la phase application de notre série sur l’entreprise de demain.
Préparez vos notes, vous allez avoir de quoi faire côté conseils et inspirations.
Dans cet épisode, on se focalise sur le management et la communication interne des entreprises.
On est parties du constat qu’il y a encore trop de cas de surmenage, burnout, harcèlement… pour la majorité causés par de mauvaises pratiques managériales et de communication.
Alors la question c’est : comment on évite tout ça ?
Pour y répondre, on a invité :
Bonne écoute ou bonne lecture avec la retranscription ci-dessous !
Plan :
Retranscription épisode 5 : Mieux manager et communiquer avec son équipe
- Introduction
- Bonnes pratiques de management
- Communication interne : les mots en réponse aux conflits
- Conclusion
Retranscription épisode 5 : Mieux manager et communiquer avec son équipe
Introduction
Lili [00:00:20] Nous revoilà parties avec une nouvelle enquête. Après l’inclusion et l’accessibilité numérique et le numérique écoresponsable, on s’intéresse maintenant à l’entreprise de demain.
Si on devait brosser le portrait de l’entreprise de demain, à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? En interne comme depuis l’extérieur.
Pour y parvenir, on s’est penchées sur les sujets de gouvernance, de management et de communication.
- Comment l’entreprise de demain s’organise ?
- Comment les équipes sont-elles gérées ?
- Comment se comportent les leaders et les managers (et manageuses) ?
- Comment est-ce qu’elle communique avec toutes ses parties prenantes ?
Bref, plein de questions intéressantes que l’on a posées à des experts et expertes de ces différents domaines.
Dans cette série, on a rassemblé une grande diversité de profils passionnants et engagés. Une valeur ajoutée énorme pour aborder l’entreprise de demain sous différents angles.
Et puis ça nous motive énormément de pouvoir partager nos découvertes et, qui sait vous inspirer à faire évoluer vos pratiques professionnelles. L’entreprise de demain est bien plus proche de nous qu’on ne le croit.
En fait, elle existe déjà, mais on ne vous en dit pas plus. Vous le découvrirez dans cette enquête.
Lili [00:01:39] Bonjour à toutes et à tous. On est ravies de vous retrouver dans cette série sur l’entreprise de demain. Les quatre premiers épisodes de cette série nous ont permis de poser les bases et les défis de l’entreprise de demain.
Avec les suivants, on rentre dans la phase applicative : une mise en pratique plus concrète avec des conseils et des bonnes pratiques pour construire l’entreprise de demain. Dans ce cinquième épisode, on fait le point côté management et communication interne de l’entreprise. Pour cela, on s’est posé plusieurs questions.
Quelles sont les bonnes pratiques de management ? Comment les mettre en place ?
Comment mieux communiquer avec son équipe pour éviter et gérer parfois les conflits ?
Pour répondre à ces grandes questions, on a interrogé Gaël Chatelain-Berry, chroniqueur, écrivain, conférencier influent sur LinkedIn et créateur des podcasts « Happy Work » et « Happy Love ».
Jeanne Deplus créatrice et animatrice du podcast « TAF », LinkedIn Top Voice 2022, spécialiste de la transformation managériale et de l’acquisition de lead.
Et enfin Magali Bigey, maître de conférences en information et communication, sémiolinguiste et consultante en communication interpersonnelle, professionnelle et stratégique. Prêts et prêtes à écouter leurs réponses ? Alors, c’est parti !
Bonnes pratiques de management
Lili [00:02:54] On plonge ensemble dans notre cinquième épisode sur le management et la communication interne. On se lance directement avec Gaël, fondateur de la notion du management bienveillant. On lui a donc posé quelques questions sur le sujet et il nous a partagé des idées de bonnes pratiques managériales à mettre en place, et ce, quel que soit l’entreprise.
Marine [00:03:15] Mais qu’est ce que tu recommanderais comme bonnes pratiques de management?
Gaël [00:03:19] Écouter ses équipes. Il y a un exercice dont je parle beaucoup et à chaque fois que des managers l’ont fait, ils me remercient infiniment. Tous les managers devraient demander à leur équipe de se réunir sans lui pendant 1 h, avec comme mission de remplir un tableau avec deux colonnes.
Première colonne : ce que l’équipe trouve que je fais bien en tant que manager. L’autre colonne : qu’est ce que je pourrais faire mieux? Sauf qu’il y a une règle. Chaque point doit être validé à l’unanimité, ce qui fait qu’il y a un débat dans l’équipe sur « C’est qui notre manager ? Qu’est ce qu’il fait de bien? Qu’est ce qu’il pourrait faire mieux? »
Et à la fin de cette réunion, il y a une restitution disant « Voilà, nous, on trouve que ça, ça ça c’est super. Ça, par contre, ça peut être par exemple tes mails le week end, on n’en peut plus donc. » Et le manager s’engage à dire « Ok, je vais le changer ça, pas de problème. »
Une pratique managériale qui coûte rien, littéralement rien.
Tu libères la parole, l’équipe se sent écoutée, elle se dit « Mais c’est trop bien quoi, c’est trop bien. » Il défend son manager. « J’ai juste envie de travailler pour cette personne. »
Marine [00:04:22] Et justement, comment est-ce que tu conseillerais la mise en place, typiquement pour cet exercice, comment est-ce que tu conseillerais les entreprises, les managers pour la mise en place?
Parce que parfois t’as beau vouloir le faire, c’est pas évident. Et puis surtout, je ne sais pas si le manager ou la manageuse, a un bel ego, c’est peut être un peu effrayant
Gaël [00:04:39] Il ne faut pas lui laisser le choix. En fait, à un moment, il faut taper du poing sur la table. Et dire, voilà, vous faites ça. Parce qu’on a envie, nous, en tant qu’entreprise, que les gens se sentent bien. Et l’humain c’est fondamental et il faut remettre l’humain au centre de tout, au lieu de se voiler la face et c’est ça qui est formidable.
Les entreprises ayant de plus en plus de mal à recruter et à fidéliser s’aperçoivent que le seul levier qu’elles ont, le seul, c’est l’humain et c’est le management. Donc à un moment, je ne peux pas entendre des managers qui se plaignent d’avoir du mal à recruter et qui derrière ne veulent pas évoluer.
On ne peut pas vouloir le beurre, l’argent du beurre, la crémière. A un moment. Le levier essentiel pour lutter contre la grande démission, le seul levier, c’est le management. Et de plus en plus d’entreprises le réalisent. Donc c’est plutôt c’est plutôt bien. Enfin, moi je bois du petit lait depuis depuis un an. Mais vraiment.
Marine [00:05:33] Et justement, on voit parmi tous les changements, les évolutions qui sont en train d’arriver, j’ai l’impression en tout cas, qu’on est de plus en plus en train de prendre en compte les individualités dans un modèle collectif tel que l’entreprise.
Mais justement, dans une démarche collective comme l’entreprise, comment est-ce que tu fais pour prendre en compte vraiment toutes les problématiques personnelles sans que ce soit le chaos ?
Gaël [00:05:53] Je vais te donner un exemple avec le télétravail. Si t’es jeune diplômé célibataire, tu vas plutôt avoir tendance à vouloir être en présentiel quasiment tout le temps parce que t’as pas forcément un grand appartement, que t’as envie de socialiser, t’as envie de sortir avec tes collègues.
Bref, après, tu vas avoir peut-être des enfants et là, tu vas te dire « Moi j’ai pas envie de rater les premiers pas de mon bébé. Donc ben oui, je vais être en télétravail à 100 % pendant un temps, une semaine sur deux ou je sais pas. »
Puis après les enfants vont grandir et peut être vouloir du 50/50 ou du 70/30. À un moment, comment une entreprise peut imaginer qu’en ayant un accord de télétravail, en disant « T’as le droit, pour tout le monde, à deux jours de télétravail, mais on interdit le lundi et le vendredi. »
Comment est ce qu’on pense motiver les gens ?
Et en fait s’adapter à ça, un manager, et il y a de plus en plus d’entreprises qui le font, je pense à Unilever. Eux, ils ont non pas fait un accord de télétravail, ils ont fait un accord de présentiel, en disant : « La seule chose qu’on vous impose, c’est d’être présent deux jours par mois sur le siège social. Tout le reste, c’est avec votre manager, vous vous organisez » Et le manager peut très bien dire « Ben voilà, moi, j’exige qu’on se voit au moins une fois par semaine en présentiel tel jour et on fait une réunion ensemble parce que c’est important.
Et la flexibilité, elle se gère comme ça.
Il va y avoir l’accord macro, donc deux jours de présentiel imposé, (ah oui, et puis je précise : imposé pour du travail collectif, parce que le côté les boites qui imposent à faire du présentiel pour écrire un article ou rédiger un contrat, un moment, va falloir qu’on se rende compte que c’est stupide quand même). Il y en a tellement tu n’imagines même pas.
Par exemple les rédactions des journaux. Rares sont les rédac chef qui n’imposent pas du présentiel alors que pour écrire un article, qu’est ce que tu en as à faire d’être au bureau ? Si on te demande de rendre un article pour le jeudi matin, qu’est ce que t’en as à faire, s’il est rendu le jeudi matin, qu’il ait été écrit sur une plage en Bretagne, chez toi, ou au bureau ?
Mais il y a encore ce fantasme du, tu sais sur LinkedIn je vois encore des commentaires de certains managers disant « N’oublions pas que dans télé travail il y a le mot travail. » Et là je me dis : « Mais c’est pas possible d’être aussi ringard. »
Marine [00:08:05] Oui oui, je vois les gens qui restent un peu sur le modèle qu’ils ont toujours connu. Et puis c’est bon quand il faut sortir, ouvrir la porte et aller regarder vers l’inconnu ça devient un peu compliqué.
Gaël [00:08:14] Mais surtout parce qu’ils sont infoutus de passer par un management par projet. Je donne toujours l’exemple de la direction juridique. Un juriste, si on lui demande de rédiger un contrat et qu’on dit « Ce contrat, je le veux pour tel jour, telle heure. » Voilà, qu’est-ce que j’en ai à faire que la personne, même si elle a envie de travailler la nuit pour pouvoir glander le jour…
Quelle est l’importance ? Tout ce qui m’importe en tant que direction juridique, c’est que le contrat soit rendu en temps et en heure qu’il soit bien fait. Mais il y a des schémas mentaux qui font que « Oh là là, mais si la personne est devant moi, forcément elle va travailler. »
Tiens, d’ailleurs j’ai un chiffre intéressant là-dessus. T’as plein de managers qui s’imaginent qu’en présentiel on travaille, forcément. Et bien, un salarié français, en présentiel, chaque jour, en moyenne en moyenne, va passer 1 h 15 chaque jour sur ses réseaux sociaux, perso, à scroller son Insta et à regarder des vidéos de petits chats sur YouTube. 1 h 15 par jour. Donc cette espèce de fantasme de si t’es en présentiel, forcément tu travailles, ça aussi faut se l’enlever.
Marine [00:09:16] Je suis tellement d’accord. J’ai même l’impression souvent d’être plus efficace justement, quand je vais changer d’environnement, par exemple, aller dans un café ou être chez moi. C’est plus motivant parce que t’as envie d’en avoir terminé avec le travail, en fait.
Gaël Chatelain [00:09:27] Mais tu sais ce que tu viens de décrire, ça a un nom. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Parkinson. Rien à voir avec la maladie.
C’est un économiste anglais qui a montré qu’en présentiel, si tu es obligé d’être 8 h au bureau et on va te donner une tâche qui va factuellement demander que 6 h. Et bah tu vas ralentir ta productivité pour rentrer dans les 8 h. Alors que quand t’es en télétravail, on te donne une tâche qui va faire 6 h, toujours, et t’as toujours dans l’absolu 8 h à ta disposition.
Sauf que tu dis « Mais si je le fais aussi, au lieu de le faire en six, je le fais en cinq et que j’augmente ma productivité, ça veut dire que je vais avoir plus de loisirs. Je vais pouvoir m’occuper de mes enfants, de mon chéri, d’aller faire un tennis ou ce que tu veux. Et donc augmente ta productivité quand t’es en télétravail parce que tu sais que ce qu’il y a après le travail, c’est pour toi. Et toutes les études le montrent maintenant, et ça c’est indiscutable.
La productivité augmente quand on est en télétravail. Et ensuite t’as toujours les gens qui vont dire « Oui, mais j’ai un exemple qui. » Oui, mais tu trouves toujours l’exemple. Il y a toujours les glandus et les glandeurs, mais ceux là ils sont aussi glandus et glandeurs en présentiel.
Lili [00:10:34] Avec Gaël, on se rend compte que bien manager, ce n’est pas si sorcier. Ça part avant tout d’une question de bonne volonté et ensuite, c’est de la mise en œuvre.
Côté mise en pratique, on vous propose justement de continuer avec Jeanne. On lui a demandé de partager les bonnes pratiques RH et management, entendues à l’antenne de son podcast TAF. Et ensuite évidemment ses conseils pour les appliquer.
Jeanne [00:10:58] Alors j’ai lancé TAF parce qu’à l’époque j’étais freelance en content marketing et j’ai toujours été intéressée par ce sujet. Je me suis toujours moi-même questionnée sur mon rapport au travail. C’est un fil rouge, le sujet du travail dans ma vie. Je pense depuis très longtemps. Mais quand je l’ai lancé, vraiment, c’était pour deux objectifs. Le premier, c’était d’apprendre plus rapidement sur le sujet des mutations du travail.
En allant directement rencontrer des experts ou des gens qui innovent dans leurs pratiques, comme je le disais. Et du coup, le podcast pour ça, ça t’ouvre des portes. T’as accès à des gens auxquels tu n’aurais pas forcément accès. Et moi, j’ai opté pour un format de 45 minutes qui permet d’aller vraiment creuser les sujets en profondeur et pas rester en surface dans ce qu’on se raconte. Donc voilà, ça, c’était vraiment apprendre sur le sujet.
Et indirectement, j’avais l’objectif quand même, second, qui n’était pas prioritaire, mais d’attirer des clients en freelance qui travaillent sur ces sujets là. Parce que je me disais « Si je peux avoir que des clients sur ces sujets, alors le marketing, ça serait top. »
Marine [00:12:02] Alors, via ton podcast, tu as rencontré de nombreuses personnes et découvert plein de pratiques côté RH et management. Est-ce que justement tu peux nous partager les meilleures pratiques que tu as découvertes selon toi?
Jeanne [00:12:14] Oui, alors c’est vrai qu’il y en a plein qui m’inspirent beaucoup dans tous les épisodes parce que maintenant j’en ai plus de 40, donc ça fait bien, je pense une quarantaine d’heures de discussion, donc il y en a beaucoup, vraiment, qui m’ont inspiré. Mais si je dois faire le tri, je pense qu’il y en aurait trois ou quatre que je retiendrais.
La première, c’est lié à la communication et la pratique du feedback constructif. Parce que j’ai observé que dans toutes les organisations qui essayent d’optimiser vraiment leur efficacité en travaillant réellement l’aspect épanouissement des collaborateurs, souvent des nouvelles, des petites organisations qui se structurent sur des modèles plus flat, plus horizontaux d’entreprises.
Toutes celles là, elles pratiquent vraiment le feedback constructif régulier en équipe. Et donc faire du feed back, ça permet vraiment des bénéfices qui sont énormes en fait. Et c’est pour ça que moi, je l’utilise aussi chez Enedis. On l’a développé sur notre entité depuis un an et demi. On continue de le faire et j’y crois beaucoup parce que c’est à la fois un outil de reconnaissance, de communication et de confiance. Et à la fois aussi, bien sûr, un outil de développement des compétences puisque, en faisant du feedback régulier à quelqu’un on lui, on lui permet de progresser sur ses points forts, de corriger ses axes d’amélioration, etc…
Donc ça a plein, plein d’atouts.
C’est un seul outil mais qui, s’il est vraiment bien pratiqué, peut débloquer beaucoup de choses et la confiance, notamment, développement des compétences c’est des choses qui sont essentielles. Donc voilà. Si je dois en noter d’autres, il y a comme bonnes pratiques sur des entreprises spécifiques qui m’ont marqué récemment.
Il y a Laurent de la Clergerie qui est passé à la semaine de quatre jours. C’est le dirigeant de LDLC, une entreprise, donc de 1000 personnes, qui est passée à la semaine de quatre jours. Et Laurent de la Clergerie, ce qu’il partage, lui, c’est qu’il rencontre chaque salarié au moins une fois par an.
Par groupe, il fait une semaine de rush ou il fait que ça par groupes de 30 et il les rencontre tous alors qu’ils sont plus de 1000. Et en fait, il fait ça depuis quelques années et je trouve que c’est une excellente pratique, qu’on ne fait pas assez peut-être quand on grandit, et qui lui permet en fait déjà de développer de la confiance puisque tous les collaborateurs peuvent lui poser une question. Et s’il peut pas y répondre, il essaye d’y répondre plus tard, mais en tout cas ça crée de la confiance quand même et un lien de proximité.
Et en plus, ça permet vraiment lui de prendre la température du terrain et de ne pas faire l’autruche, on va dire quand il y a des problématiques qui se posent, que ça soit des problématiques relationnelles, des problématiques de fonctionnement, etc…
Et du coup, ça permet, cette communication comme ça, directe, qui dépasse les échelons de l’entreprise et qui va directement du dirigeant au terrain, au moins une fois par an, je trouve ça super important et je pense qu’on aurait tout à gagner à le faire, à le développer dans plus d’entreprises.
Mais ça demande aussi un peu d’humilité et de capacité à se montrer vulnérable et à être vulnérable.
Parce qu’on peut avoir des retours du terrain qui ne sont pas forcément agréables. Donc il faut accepter de se mettre en position un petit peu de risque et c’est pour ça que je pense que ce n’est pas tant développé que ça. Et pourtant, il y a plein de bénéfices à le faire.
Sinon, dans les pratiques qui m’ont marquée, il y a aussi Mathilde Callède de Shine et Kevin Duchier de Germinal, qui sont tous deux des RH qui ont appris la RH sur le terrain en start-up et qui viennent de la communication et du marketing. Et j’ai beaucoup aimé, vraiment, leur approche et ça a été des RH super.
Mathilde Callède elle est toujours en poste chez Shine et ils développent des cultures d’entreprise qui sont très intéressantes parce que très pragmatiques. Et drivées du coup par le bon sens et pas par des processus qui sont déjà installés et connus des RH et pas dans les bonnes pratiques RH de base. Ils ont vraiment fait en fonction de leur terrain. Et du coup ça donne des expériences de travail qui collent vraiment à leur culture, des pratiques qui collent vraiment à leur culture et c’est hyper intéressant. Et je pense, pour ça, que la bonne pratique à retenir, c’est qu’ils s’inspirent de techniques marketing comme la connaissance du client, le travail de son personna, etc…
Pour l’appliquer aux RH et donc améliorer vraiment l’expérience du collaborateur ou du futur collaborateur pour la rendre vraiment bien, répondre aux attentes et aux besoins exprimés. Donc c’est vraiment très intéressant, je trouve, ce lien comme ça entre marketing et RH.
Par contre, c’est vrai, tu vois que entre le dire, parce qu’on parle beaucoup d’expérience collaborateur, mais justement pour vraiment rendre cette expérience collaborateur meilleure, il y a encore du travail. Et pour ça s’inspirer du marketing et des techniques marketing, au-delà du terme d' »expérience collaborateur » et « expérience client », je pense qu’on aurait à gagner, tu vois, à creuser, à considérer vraiment les collaborateurs comme des clients pour leur bien à eux, quoi, pour que ça colle mieux.
Et si je dois en partager une dernière, c’est un peu mon sujet de ces derniers mois donc je suis un peu biaisée, mais la semaine de quatre jours, c’est un modèle plus qu’une pratique. Mais ça se développe énormément en Europe, en France aussi, et beaucoup plus rapidement que ce que j’aurais imaginé.
Il y a beaucoup plus d’entreprises qui se questionnent sur un potentiel passage en semaine de quatre jours.
Donc c’est assez étonnant selon moi, que ça aille si vite. Mais les expérimentations sont super bonnes. Il y en a eu au UK il y a quelques jours. Il y a eu les résultats qui sont vraiment très prometteurs et je pense que ça, dans un sens plus global de transformation du travail et de rééquilibrer un petit peu le perso/le pro, c’est potentiellement très intéressant puisqu’en plus on observe dans les premiers résultats que les collaborateurs sont plus efficaces, en fait, et on perd pas en productivité en réduisant un peu le temps de travail. Ca demande, c’est tout un changement d’état d’esprit, etc…
C’est une vraie transformation et ça doit, ça doit être accompagné et fait et envisagé comme tel. Ce n’est pas du tout une simple réduction du temps de travail, mais si c’est bien fait, c’est hyper intéressant je trouve comme modèle à suivre.
Marine [00:18:21] Et comment tu mets ça en place, notamment pour la semaine de quatre jours?
Jeanne [00:18:25] Je crois que quand tu connais un dirigeant et que tu te questionnes pour passer à la semaine de quatre jours, ce qui est important, c’est de bien questionner pourquoi tu as cette envie là. De bien être sûr que c’est pas uniquement pour répondre à un besoin de recrutement et une marque employeur.
Parce qu’aujourd’hui, y a beaucoup d’entreprises qui sont en pénurie de talents et celles qui vont essayer de le faire pour cette raison là, je pense, n’y arriveront pas. Après je doute que des entreprises se mettent dans un si gros chantier juste pour ça.
Mais, une première idée, je pense que c’est de bien confirmer pourquoi on le fait, et de bien avoir conscience en fait que ce n’est pas simplement une réduction du temps de travail et ce n’est pas simplement mettre exactement le même travail sur quatre journées au lieu de cinq, non plus, et que ça demande de repenser vraiment la façon dont on va travailler et la façon dont on va travailler dans l’équipe de façon individuelle, entre équipes. Et du coup, c’est vraiment un changement d’état d’esprit, un changement de fonctionnement interne qui doit être pensé et qui doit être conscient. C’est à dire qu’il faut vraiment être conscient de ça, que ça va demander du changement.
Il faut se poser la question de où en sont les collaborateurs et quels profils on a dans l’entreprise comme collaborateurs. Si on a des gens qui ont un rapport au travail, par exemple, avec une valeur travail très forte et qui pour eux, ça n’a aucun sens.
Il y a des gens pour qui ça n’a aucun sens de travailler quatre jours au lieu de cinq et qui sont très heureux de travailler cinq. Donc si à un moment on impose la semaine de quatre jours, ça peut vraiment crisper les gens ou des gens qui n’arrivent pas déjà à finir leurs missions en cinq jours, ils vont se dire ils vont paniquer en disant mais jamais ça sera possible en fait de le faire en quatre jours. Enfin, il y a plein de problèmes qui se posent donc il y a aussi d’évaluer un peu quel type de personnalité par rapport à des sujets comme ça, on a dans l’entreprise. Et calculer, mais ça, je pense que c’est assez naturel quand t’es une entreprise, l’investissement financier, que tu es prêt à faire et le risque financier que tu es prêt à prendre dans une expérimentation de la semaine de quatre jours.
Parce que l’étape un, c’est de l’annoncer, cadrer une expérimentation et ensuite expérimenter.
Je pense que c’est très important de l’annoncer comme une expérimentation au départ et de pas dire que ça va être gravé dans le marbre à vie. Comme ça, on peut retourner en arrière si ça fonctionne pas. Alors que si on lance de façon définitive tout de suite pour ceux qui vont aimer la semaine de quatre jours, et on imagine qu’il y en a pas mal quand même, c’est un confort assez agréable a priori, si ça marche, si on veut revenir en arrière, ça devient compliqué. C’est important de l’annoncer comme une expérimentation et il n’y a pas vraiment de règles.
Je pense qu’il faut sur l’organisation, la réorganisation du travail en tant que telle, c’est vraiment propre aux secteurs, aux métiers, et cetera. Et une autre chose vraiment importante que j’ai retenu de tous ces témoignages, c’est que c’est vraiment les collaborateurs sur le terrain qui réorganisent leur travail.
Ça va jamais être par exemple, un cabinet de conseil qui va venir et qui va dire maintenant voilà votre nouvelle organisation. Ca ne fonctionnera pas. Il faut que ça soit une démarche qui soit, elle peut être cadrée, accompagnée à la rigueur sur le pilotage, le cadrage par l’externe, mais sur la réorganisation pure du contenu du travail. Il faut que ce soit vraiment les équipes elles mêmes qui s’investissent de cette mission et qui réorganisent eux-mêmes par rapport à la connaissance qu’ils ont la meilleure a priori de leur quotidien de travail pour le réorganiser.
Marine [00:21:47] Finalement, c’est quand même très lié à l’automatisation et la responsabilisation des équipes, non?
Jeanne [00:21:52] Complètement, et tu as raison de le souligner. C’est complètement lié à l’autonomie et la responsabilisation des collaborateurs. Déjà dans la démarche puisqu’ils doivent s’emparer du sujet et réorganiser leur travail. Chose qu’ils n’ont peut être pas fait à la base quand ils ont intégré l’entreprise. Et ça demande aussi à l’entreprise d’être, avant leur passage en semaine de quatre jours, à un niveau de confiance, de relationnel dans la confiance et de responsabilisation qui est déjà un peu en place.
Si on n’a pas du tout avancé ces sujets là a priori, ça va être très compliqué de passer d’une structure très pyramidale, très dans le management « command and control », sans télétravail, et cetera. Où on n’est pas du tout dans une relation où on fait confiance, où chacun gère un peu son travail.
De passer de ça, à la semaine de quatre jours, en un pas, ce sera impossible selon moi.
C’est à dire qu’il faut déjà qu’il y ait une culture qui soit assez développée là-dessus. Sinon c’est le pas est trop grand je pense pour passer, pour faire ce genre de transformation qui est quand même assez radicale. C’est un gros gros pas, contrairement à d’autres petites transformations qui se font.
Marine [00:23:01] En fait ça m’y fait penser, mais pour mettre en place cette transition et la faire de manière souple, en fait, les équipes pourraient s’organiser en mode projet. Quand tu travailles en mode projet, c’est plus le temps que tu passes à travailler qui compte, mais ce sont vraiment les résultats.
Jeanne [00:23:15] Oui, carrément. Ca peut être une bonne façon, le mode projet, pour aller vers ce genre de modèle. Mais après je pense que c’est pas forcément lié. C’est à dire qu’il peut y avoir des entreprises qui travaillent en mode projet mais qui reste quand même un peu cantonnées à une certaine culture du présentéisme ou du « beaucoup de travail ».
Là, il y a quand même une réduction du temps de travail c’est pas forcément aussi simple, je trouve. Mais c’est clair que la culture en mode projet favorise beaucoup, comme tu dis, un modèle semaine de quatre jours parce qu’on est plus sur, on calcule plus la qualité du travail et son efficacité etc par rapport au temps passé mais bien par rapport à ce qui est livré au final. Et donc dans ces cas là, il n’y a pas besoin réellement d’être présent ou travailler à un instant T quoi.
Marine [00:24:09] Oui et pour ça tu peux organiser ta semaine à l’objectif. Tu te fixes un objectif atteignable en quatre jours et tu organises ton travail comme tu veux pour l’atteindre.
Jeanne [00:24:17] Tout à fait. Je pense que c’est vraiment par objectif et ce que tu livres, mais ça revient au même. Euh oui, c’est vraiment comme ça que ça doit fonctionner.
Après, il y a la question qui se pose : « Est ce que mes objectifs sont exactement les mêmes pour certains postes? Est ce que mes objectifs sont exactement les mêmes en travaillant 3 h de moins dans la semaine?
Moi, je suis convaincue que oui, parce que je suis convaincue que, en réorganisant le travail, on arrive au même niveau de productivité et d’efficacité en quatre jours, avec un petit peu moins d’heures. Mais il faut quand même se questionner là-dessus. Et pour certaines personnes, peut-être que ça ne va pas marcher. C’est pas automatique non plus.
Marine [00:24:57] Et c’est aussi pour ça que la partie mise en place de la transition est super importante.
Jeanne [00:25:01] Oui, c’est ça, il faut réussir la transition et qu’elle soit, pas forcément accompagnée par l’externe, mais en tout cas bien gérée et bien pilotée en interne.
Marine [00:25:12] Qu’est ce que tu vois comme freins à la mise en place de ces pratiques dans les entreprises?
Jeanne Deplus [00:25:15] Il peut y avoir pas mal de freins déjà des collaborateurs qui vont être réticents par rapport à ce rapport au travail. Il y a des gens pour qui le travail, c’est toute leur vie et ça peut se comprendre.
Quand on a un métier que tu adores, et cetera, tu peux très facilement te dire « Ah ouais, mais moi j’ai pas envie en fait de bosser un jour de moins. Et qu’est ce que je vais faire de cette journée? » Donc déjà tu as toutes les différentes personnalités qu’il y a dans l’entreprise qui peuvent s’exprimer.
Il peut y en avoir aussi qui trouvent ça absurde, qui ne comprennent pas le sens de travailler moins alors qu’on a une mission collective d’entreprise qui est, qui a du sens alors qu’on pourrait travailler plus tous ensemble. Voilà, il y a un rapport au travail, je pense qui peut freiner selon les personnalités, et on est jamais, enfin, une entreprise est toujours composée de plein de personnalités différentes, donc y aura jamais que des collaborateurs hyper à l’aise avec la semaine de quatre jours dans une boîte je pense.
L’autre frein, c’est le manque de flexibilité, de responsabilisation et de confiance qui existe déjà. Comme je disais, si jamais on est sur une culture trop éloignée déjà, je pense qu’il y a une grande chance de se prendre un mur.
Et l’autre frein, oui, ce serait de ne pas suffisamment suivre l’expérimentation de près et les collaborateurs individuellement, et ne pas être assez proche du terrain pour repérer des signaux faibles qui montreraient que ça ne va pas pour une certaine personne ou pour une équipe, et cetera. Je pense qu’il faut un suivi vraiment assez rapproché de comment ça se passe pour les gens.
Au-delà du suivi performance qui est indispensable et productivité, il faut vraiment un suivi rapproché sur comment le vivent les gens. Et on a peut être tendance à avoir moins envie d’investir sur ce plan là parce que déjà c’est un gros changement et tout, et je pense que pourtant il faut investir du temps là-dessus.
Marine [00:27:22] Parmi les bonnes pratiques de management, il y a aussi le feedback, qui aide beaucoup à s’améliorer en continu, et ce, d’un côté comme de l’autre. Mais ce n’est pas toujours évident à mettre en place pour plein de raisons.
Et justement, toi, qu’est ce que tu vois comme obstacles à sa mise en place et quelles sont les difficultés qu’on peut rencontrer sur le terrain?
Jeanne [00:27:41] Alors je pense que concernant le feedback constructif, ce qui peut freiner son développement, c’est des structures trop hiérarchiques, trop pyramidales dans l’entreprise, trop d’échelons qui ne favorisent pas vraiment il y a des cultures qui favorisent pas vraiment l’expression des émotions ou des ressentis sur un sujet.
Il peut y avoir aussi le fait que cette structure pyramidale génère un manque de proximité en fait, entre certains services ou entre les instances dirigeantes et les gens sur le terrain, un manque de communication. Et du coup, qui ne va pas, la culture très hiérarchique ne va pas favoriser le fait que les gens développent du feedback dans tous les sens.
Parce que l’idée du feedback constructif, c’est que ça n’aille pas, justement, que du manager à son collaborateur, c’est que ça aille dans tous les sens, que tout le monde puisse faire du feedback. Et donc je pense que ça peut être un frein.
Sur la pratique de Laurent de la Clergerie, qui rencontre au moins une fois par an tous ses salariés, la première contrainte, mais pour moi qui ne doit pas en être une, qu’on voit, c’est le temps. C’est qu’il faut prendre ce temps-là à un moment dans l’année.
Mais moi je trouve qu’on a un rapport au temps qui est totalement insensé dans les entreprises et que c’est insensé de faire l’économie en fait d’une telle pratique avec tous les bénéfices qu’elle peut avoir pour une semaine. Mais pourtant, on est tous pris dans nos agendas. Il y a un rapport au temps qui est pas, qui est lié au fonctionnement de l’entreprise, qui est lié à tous les processus qui sont mis en place, notamment dans les grosses machines, je pense.
Ça peut être un frein des grosses entreprises qui sont pleines de processus et qui, dans lesquelles c’est dur de faire bouger ça.
Marine [00:29:26] Après, ça peut arriver aussi dans une petite structure. Quand tu as une petite équipe, tu peux crouler sous les projets. Et t’as plus le temps pour mettre en place de nouvelles pratiques managériales. Creuser dans ce sens là.
Jeanne [00:29:36] Euh oui, je pense que t’as raison. C’est pas un problème de taille. Il peut y avoir exactement le même problème dans les plus petites entreprises. Il y a aussi comme potentiellement, et ça c’est peut être en revanche plus proche aux grandes ou assez grandes structures.
C’est les histoires de mobilité interne et le fait que, le dirigeant d’une entité, pas le grand dirigeant forcément, mais le dirigeant d’une entité ou même le grand dirigeant va changer de poste assez régulièrement. Et du coup, ce système là Laurent de la Clergerie a mis en place il est intéressant parce que dans le temps, on peut suivre et il peut revoir les personnes qu’il a déjà vu. Et c’est ça qui le challenge lui aussi en tant que dirigeant, c’est que s’il dit à quelqu’un quelque chose pendant ce temps-là, l’année prochaine, il est susceptible de le revoir, et si ça n’a pas été fait ou s’il a eu aucun retour depuis, et cetera, il est susceptible d’être re-challengé sur la même question.
Et c’est grâce à ça qu’il a des retours vraiment intéressants et qu’il peut faire bouger les choses.
Mais du coup, s’il y a trop de mobilité interne et que le dirigeant change tous les trois quatre ans, bah on perd un peu de cette même le dirigeant aura moins, en fait, peut-être envie ou tendance à faire cet effort-là qui est quand même un effort parce que comme je disais il faut se montrer vulnérable quand même. Et on se met en risque quand on est face au terrain directement suivant les entreprises et du coup on va avoir moins tendance peut-être à faire l’effort si on sait que dans deux ans on quitte le poste et on n’y sera plus en fait finalement.
Voilà pour les freins que je vois. Après, c’est un peu risqué, donc c’est plutôt des freins liés au dirigeant, à sa posture de dirigeant et à quel point aujourd’hui un dirigeant pour moi doit pouvoir se montrer plus vulnérable, ne pas chercher à avoir réponse à tout et peu intervenir, même s’il a pas les réponses à tout et qu’il ne fait pas tout bien, puisque c’est une personne comme une autre. Donc c’est très lié à ça aussi à la posture du dirigeant en tant que telle.
Marine [00:31:34] Donc pour ça, justement, tu peux former les dirigeantes, les dirigeants pour les encourager à adopter de meilleures pratiques et attitudes managériales. Et puis peut-tre leur faire faire un coaching qui les accompagne dans un travail d’introspection quelque part pour mieux naviguer dans les relations interpersonnelles, leur apprendre l’intelligence émotionnelle et donc, en fin de compte, en fait, tu les formes pour leur apprendre à -ieux manager.
Jeanne [00:31:56] C’est exactement ce genre de travail. Après, souvent les entreprises le mettent en place, essayent des choses, mais peut-être oui plus du coaching individuel. Au-delà de la transformation de la culture managériale assez généraliste et d’outils un peu universels au sein de l’entreprise, peut-être coacher vraiment de façon individuelle et dirigeant pour changer de posture. Oui, il y a plein de trucs à imaginer, je pense du côté du coaching et de l’accompagnement des dirigeants.
Communication interne : les mots en réponse aux conflits
Lili [00:32:22] Entre Jeanne et Gaël, vous devriez maintenant avoir quelques bonnes pratiques managériales dans lesquelles piocher. Nous, en tout cas, il y en a deux ou trois que l’on a vraiment envie de tester. On vous laisse deviner lesquelles?
En tout cas, s’il y a bien un point fondamental que l’on retient, c’est la communication interpersonnelle.
C’est vraiment la base pour créer un climat bienveillant et de confiance dans une entreprise. C’est aussi ce qui permet d’éviter toute forme de crise ou, le cas échéant, de la désamorcer. La communication interne, c’est justement le sujet de Magali, experte sémio-linguiste, qui utilise le pouvoir du langage pour aider les entreprises.
Lili [00:32:59] Si je te dis communication interne, tu me dis.
Magali [00:33:02] Je dis « écoute », parce que de mon point de vue, en sachant que je ne travaille pas en entreprise pour le coup, mais la communication interne ne peut se passer de l’écoute. Parce qu’avant de communiquer, il faut déjà écouter. Absolument vouloir imposer son point de vue sans écouter le milieu, les avis des gens, c’est souvent très contreproductif.
Lili [00:33:27] Et selon toi, est ce qu’on peut faire usage d’outils linguistiques pour trouver l’équilibre dans nos relations professionnelles et favoriser l’épanouissement des équipes?
Magali [00:33:37] Oui, complètement. Je dis oui directement, sans réfléchir, parce que je suis de plus en plus interrogée par des organismes qui souhaitent utiliser le bon mot et qui souhaitent essayer de fluidifier et de simplifier la communication.
Lili [00:33:52] Est-ce que, peut-être pour qu’on y voit un peu plus clair, tu peux donner des exemples d’outils linguistiques qui peuvent être utiles pour favoriser l’épanouissement de ses équipes ?
Magali [00:33:59] Le premier outil linguistique, ce serait de travailler sur tous les mots qui sont employés dans l’entreprise, parce que la plupart des entreprises ont non seulement un lexique professionnel, mais aussi un jargon, et essayer de faire un panorama des mots employés et de voir comment ils peuvent être perçus par les uns et par les autres.
Parce que parfois, le même mot peut être perçu positivement ou négativement en fonction des personnes, en fonction des postes, peuvent être perçus comme des injonctions et d’autres comme des conseils. Donc c’est vraiment essayer de trouver un ensemble de mots utilisables au quotidien pour que tout le monde parle exactement le même langage et sache quelle est la portée sémantique de chaque mot employé. Donc commencer par une base de ce genre là.
Lili [00:34:47] On l’avait évoqué ensemble lors de notre premier échange sur la perception. Aussi le fait que l’usage de mots, ou de registres de vocabulaire ne veut pas dire la même chose pour tout le monde.
Magali [00:34:57] Exactement. Et tant qu’on n’aura pas réussi à essayer de synchroniser les réceptions avec l’écoute et avec la prise en compte de l’horizon d’attente, ce que les gens attendent ce qu’ils veulent, ce qu’ils ne veulent pas et essayer de faire une synthèse de tout ça, on aura toujours beaucoup de difficultés à communiquer.
Lili [00:35:14] Justement, ça fait écho avec notre question suivante. Est-ce que tu peux nous parler un peu de rapport de place, de posture? On a évoqué à l’instant la perception et les horizons d’attente. Est-ce que tu peux nous en parler dans le cadre professionnel?
Magali Biget [00:35:29] Oui, la première chose, c’est donc la posture. Il est évident qu’on appelle ça « intégrer une posture ». C’est à dire qu’en fonction du poste que l’on a et de ce qu’on souhaite faire avec ses équipes quand on dirige une équipe, l’idée, c’est d’intégrer une posture de dirigeant, mais pas pour autant de censeur. Parce qu’on pense souvent qu’un dirigeant, c’est quelqu’un qui doit prendre toutes les décisions et qui doit faire agir les gens.
L’idée, c’est plutôt de partir en concertation. C’est à dire d’expliquer aux personnes pourquoi on leur fait faire certaines choses. Et souvent, ce versant de la communication passe à la trappe. On demande aux gens de faire des choses. On ne leur explique pas pourquoi.
Donc il manque la perception, il manque la posture et il manque aussi donc l’horizon d’attente. Si les personnes ne savent pas pourquoi on leur demande de faire une chose, elles vont imaginer quelque chose qui pourra ne pas être la chose en question qui était demandée au départ. Donc ça peut créer des dissonances, ça peut créer des frictions, ça peut créer parfois des conflits.
Donc je pense qu’il est relativement important d’être clair et précis. Et c’est beaucoup plus simple ensuite, pour parler et communiquer avec ses équipes et pour avancer ensemble.
Lili [00:36:41] Tu m’as donné un exemple qui était très parlant sur le mot ‘paternaliste’ que tu avais rencontré lors de l’un des accompagnements. Est-ce que tu peux leur donner cet exemple parce qu’il était assez parlant?
Magali [00:36:51] Oui, tout à fait. Alors c’était un accompagnement aux jeunes chefs d’entreprise et on travaillait sur la RSE. Et puis l’idée, c’était d’essayer de comprendre quels sont les termes que les gens utilisent, donc « Qu’est ce que l’inclusion? Qu’est ce que la discrimination, la non inclusion, la non-discrimination?
Donc, on travaillait sur ces concepts et donc j’avais des gens qui avaient 18, 19 ans, et puis jusqu’à 53, 54 ans je crois. Et puis à un moment, donc, pour l’idée d’inclusion et de non-discrimination, est venu le mot ‘paternalisme’. Et donc, ce monsieur nous explique que pour lui, le paternalisme a quelque chose de positif parce que c’est vraiment prendre en charge les équipes, les aider, travailler ensemble.
Sauf que ce qu’il n’avait pas perçu, c’est le glissement de sens de ce mot sur les dix/quinze dernières années. Parce qu’aujourd’hui, le paternalisme est quelque chose d’extrêmement négatif enfin de perçu extrêmement négativement. Il n’avait pas perçu donc ce glissement de sens où pour le coup, dans le groupe, donc, les très jeunes personnes qui étaient là étaient presque choquées d’entendre, d’entendre ce mot dans quelque chose qui était de la non-discrimination et de l’inclusion. Et lui ne comprenait pas pourquoi elles étaient choquées.
Donc ça méritait une petite explication de texte. Mais ça montre bien, là encore, que si on travaille avec des gens qui sont de différentes générations, et c’est le souhait et c’est ce qui fonctionne bien habituellement, il faut aussi se rendre compte qu’on n’emploie pas forcément les mêmes mots avec le même sens.
Lili [00:38:29] Donc en termes de défis auxquels fait face lorsque tu interviens en tant que consultante, on a le rapport à la hiérarchie et le langage, les discours qui sont tenus entre les différents niveaux hiérarchiques. Est ce que tu peux nous expliquer un peu en quoi c’est un défi et comment tu peux y répondre?
Magali [00:38:45] Le premier défi, c’est que la plupart des gens, en fonction du niveau hiérarchique et en fonction des entreprises, c’est pas toujours pareil, n’ont pas forcément le même discours. Ils n’emploient pas les mêmes mots, avec le même sens quand ils emploient parfois les mêmes mots.
Et l’idée, c’est que souvent, d’une manière descendante, on essaye encore de vouloir faire comprendre les choses sans expliquer. Donc on demande aux gens de faire. On n’explique pas forcément. Et ce qui vient ‘du haut’ a toujours raison. On est souvent dans des caricatures un peu de ce genre.
Donc l’idée, ce serait vraiment, au niveau du langage, que les gens puissent partager un lexique que je dirais commun et que une fois que les gens parlent le même langage, on puisse essayer de faire comprendre où on veut amener l’entreprise et que tout le monde sache exactement où on veut emmener l’entreprise. Donc avec ses valeurs, avec son éthique, ça c’est des choses, qui sont aussi à prendre en compte et que tout le monde puisse avoir un versant interprétatif personnel, mais en ayant la même base et la même compréhension de la base.
On a le droit de pas être d’accord avec l’endroit où l’entreprise veut nous emmener. Après, c’est des postures personnelles, mais que tout le monde comprenne bien les tenants et les aboutissants. Et puis, à partir de là, je pense que ça peut simplifier, fluidifier les choses et éviter le nombre de crispations auxquelles j’assiste parfois.
Lili [00:40:17] Donc en fait, c’est avoir un discours clair en interne auprès de ses équipes pour qu’elles sachent dans quel sens ramer tous ensemble.
Magali [00:40:23] Oui, clair, mais aussi adapté, parce qu’on peut être clair ou avoir l’impression d’être clair, mais cette clarté, en fait, elle ne va pas forcément parler à certaines équipes. Ou bien si vous aussi vous prenez une entreprise, prenez un grand patron et vous prenez les ouvriers qui sont tout au bout de la chaîne.
En fait, les mots du grand patron, qui sont passés par 4 à 5 personnes, auront pu être aussi déformés auront pu être aussi simplifiés auront pu être aussi complexifiés. Et puis pour le coup, là, c’est autant d’étages qui engendrent des, j’allais dire des problèmes communicationnels ou d’éventuels problèmes communicationnels.
Lili [00:41:06] Mais est-ce qu’une une hiérarchie plus horizontale pourrait pas permettre de régler une partie de ces dysfonctionnements?
Magali [00:41:13] Tout à fait. Alors une hiérarchie horizontale, c’est plutôt oxymorique, pour le coup, mais évidemment, si on arrive à réduire l’espace communicationnel pas les postures des gens et les postes, si on arrive à réduire l’espace communicationnel, donc comment je m’adresse aux personnes entre le haut de la hiérarchie et la fin de la chaîne?
Evidemment, ça réduit beaucoup de malentendus, de quiproquos, de conflits, de crispations, de déceptions. Enfin, tout ce qui fait que, parfois, en entreprise, c’est extrêmement difficile pour tout le monde.
Marine [00:41:54] Techniquement, quand tu as une entreprise qui a une très grosse hiérarchie, comment est ce que tu fais pour réduire cet espace communicationnel? Justement, qu’est ce que tu proposes comme outils?
Magali [00:42:06] Alors la première chose, c’est des rencontres. C’est parler avec toutes les parties prenantes. Essayer de voir quelles sont les problématiques. Qu’est ce qui fait que c’est crispé? Comment elles perçoivent ce nœud de crispation? Et bien souvent, on se rend compte que ce nœud de crispation, il n’est pas du tout perçu de la même manière par les uns et par les autres. Il implique même pas les mêmes choses.
Donc le premier outil, c’est parler, déconstruire linguistiquement ce qui est dit, faire ressortir les mots clés qui sont les plus importants et qui reviennent. Et puis essayer de voir dans quelle mesure on peut les concilier et ensuite, c’est faire parler les gens ensemble. Alors parfois, c’est difficile.
Il m’est arrivé de faire dans une structure de la fonction publique, de faire parler des élus. Et des gens qui étaient ce qu’on appelle les petites mains. Au début, c’était très compliqué parce que voilà, dans la même pièce pendant plus d’une journée, c’est pas évident. Mais au bout d’une demi journée, on a commencé à avoir des résultats. Et puis maintenant, le réseau fonctionne. Donc bon, après ça, ça nécessite évidemment du temps, ça nécessite de l’envie. De toute façon, s’il n’y a pas une envie d’essayer, il n’y a pas de résultats.
Après, je ne suis pas magicienne non plus. Il faut vraiment qu’il y ait une envie quelque part. On ne peut pas forcer les gens à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire, ou en tout cas pas d’une manière communicationnelle. Puis c’est pas plus mal parce qu’on est pas dans une dictature non plus, pour le coup quand on fait de la communication.
Lili [00:43:43] Finalement, si on réfléchit au pouvoir des outils linguistiques, ils sont à la croisée du management, de la qualité de vie au travail, de même, la formation et le passage d’informations en interne, donc, c’est un peu un pouvoir infini pour les entreprises.
Magali [00:43:59] Alors pouvoir infini, non, mais ce que tu viens de dire est extrêmement juste parce que sans communication au sens j’entends, je comprends, j’écoute, je produis. Donc c’est vraiment, voilà, ce que tu viens de définir.
Si on n’a pas ça, on ne peut pas encore, moins aujourd’hui, avoir des résultats qui soient des résultats de bien-être permanent ou le plus possible et des résultats d’envie permanente des gens d avancer ensemble.
Lili [00:44:36] Du coup, tu parles d’avancer ensemble. Est ce que tu peux nous donner ta définition de l’entreprise de demain? Ta définition en tant que linguiste du coup.
Magali [00:44:44] Moi je dirais que l’entreprise de demain, ce serait une entreprise qui arrive à concilier les valeurs et l’éthique de l’ensemble des personnes qui la constituent.
Lili [00:44:58] C’est un défi d’engagement et d’implication des collaborateurs, c’est beau.
Magali [00:45:01] Oui, d’engagement, d’implication et aussi de respect. Parce que quand on est, on sait bien que quand on est à l’encontre de sa propre éthique, en fait, c’est une des raisons qui mène au burn out. Et c’est pourquoi il y a tant de burn out depuis ces dernières années.
C’est à dire que quand on travaille énormément et qu’on aime son travail, on voit, et tous les médecins sont aujourd’hui en fait, c’est vraiment très particulièrement, on a des situations de crises médicales sans précédent. Mais jusqu’il y a quelques années, beaucoup de médecins travaillaient 70 à 80 heures par semaine et avaient le moyen de le faire dans leur propre éthique, avaient les moyens de le faire. Ils avaient les moyens de recevoir les patients et ils avaient les moyens d’écouter les patients. Ils avaient les moyens aussi d’avoir le matériel.
Aujourd’hui, les souffrances viennent souvent du fait qu’on est en contradiction avec son éthique personnelle dans certains milieux médicaux et autres. Et quand on est en contradiction et qu’on travaille en contradiction avec son éthique personnelle, bien souvent ça mène ou burn out.
Marine [00:46:02] Justement alors si tu avais des conseils à donner aux personnes qui se retrouvent dans cette situation et des entreprises qui mènent surtout ces personnes à ces situations.
Qu’est ce que tu donnerais comme conseils pour éviter justement et faire en sorte de se reconnecter avec cette cette éthique personnelle?
Magali [00:46:16] Se reconnecter, c’est déjà essayer de comprendre ‘qui’ constitue l’équipe parce que souvent on voit une entreprise. Donc voilà, il y a des entreprises A,B,C,D, mais qui les constituent ?
Ce n’est jamais une uniformité de masse salariale. Ce sont des individus avec leur propre individualité qui forment un tout.
Donc l’idéal, c’est de savoir qui constituent ces masses salariales. L’idée, c’est plutôt d’être dans l’adaptation permanente, ce qui est extrêmement difficile, j’en conviens, mais dans l’adaptation permanente plutôt que dans l’imposition permanente. Quand on perd pied, on a besoin d’imposer. On ressent ce besoin impérieux d imposer et de faire, de faire faire ou de faire agir dans le sens que je voudrais ou de faire presque obéir. Et ça, c’est contre productif.
Ça marche un temps et au bout d’un moment, une fois que le temps est passé là ça explose. Moi, je dirais, c’est vraiment être plutôt sur un fil souple d’écoute plutôt que d’être dans l’imposition permanente.
Lili [00:47:23] Voilà un échange vraiment passionnant. On s’est rendues compte à quel point les mots que l’on emploie peuvent être interprétés différemment selon le contexte, la culture d’entreprise, la génération et bien d’autres critères. Il y a presque autant d’interprétations que de personnes qui interprètent finalement. D’où l’importance de bien s’entendre sur le jargon que l’on emploie dans son entreprise. Le langage peut paraître anodin, mais si vous regardez les derniers conflits que vous avez eus avec quelqu’un, vous vous rendrez compte qu’il s’agit très souvent d’un quiproquo ou d’une mauvaise communication. Et ça, ça peut avoir un impact très important sur la cohésion d’équipe.
conclusion
Lili [00:48:00] On a décidé de nous arrêter là pour ce cinquième épisode. Evidemment, il y aura des tas de choses à dire encore sur ces sujets. C’est plutôt sans fin. Mais voilà déjà de quoi vous inspirer que vous soyez manager, manageuse ou managé.e. Vous pouvez même inviter votre manager ou manageuse à écouter notre podcast, tant qu’à faire.
Nous, en tout cas, on se retrouve dans le prochain épisode pour continuer sur la thématique du management, cette fois ci avec un point de vue plus structurel et organisationnel. On va parler de modèle d’organisation, de lean management, de gestion d’équipe agile et d’implication des collaborateurs. On a hâte de vous partager ce prochain épisode.
D’ici là, n’hésitez pas à réfléchir aux nouvelles pratiques de management que vous allez mettre en place et à nous les partager sur nos réseaux sociaux. S’il est déjà sorti, écoutez l’épisode suivant pour avoir encore plus d’idées à mettre en place.
Une très belle journée et à très vite, merci beaucoup.
Hippo’dcast, un podcast qui vous plonge dans nos enquêtes sur l’éthique en entreprise et sur le web.
Réalisé avec bienveillance par Lili et Marine de l’agence web Hippocampe, une agence en pleine transition éthique.
Et voilà pour ce cinquième épisode !
Vous en avez pensé quoi ? Et surtout, qu’est-ce que vous retenez de ces interventions ?
Rendez-vous dans 2 semaines pour la sortie du prochain épisode sur l’organisation et la gestion d’équipe.
A très vite !