Evolution du rapport à l’entreprise

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Publié le 18 avril 2023

Notre rapport au travail et à l'entreprise est en pleine mutation. C'est un constat. Et cela a des répercussions sur l'entreprise et le marché du travail. Dans ce deuxième épisode, on expose les évolutions que cela entraine côté management, employabilité et sécurité de l’emploi. Pour comprendre dans quelle direction se tourne le monde du travail.

Enquêtes éthiques d'Hippocampe
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Evolution du rapport à l’entreprise - [Focus entreprise de demain - épisode 2]
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On continue notre série avec ce deuxième épisode sur l’évolution de notre rapport au travail et à l’entreprise

C’est un constat : notre rapport au travail et à l’entreprise se réinvente en profondeur.

On ne cherche plus à travailler pour vivre. Le travail doit servir notre vie. De plus en plus de monde adopte cet état d’esprit.

Ce qui n’est pas sans conséquences sur l’entreprise. Elle doit revoir son modèle en profondeur si elle tient à attirer ces talents en quête de sens et de liberté.

Dans cet épisode, on va donc parler management, employabilité et sécurité de l’emploi. Entre autres.

On a invité deux supers profils à l’antenne :

  • Gaël Chatelain-Berry, chroniqueur, écrivain, conférencier, influenceur linkedin et créateur des podcasts Happy Work et Happy Love,
  • Karine Trioullier, entrepreneuse en ressources humaines, fondatrice de son cabinet de conseil Tida Bisam et créatrice de contenus sur le monde du travail.

 

Bonne écoute ou bonne lecture avec la retranscription ci-dessous !

 

Plan :

>Retranscription épisode 2 : Évolution de notre rapport à l’entreprise

  1. <Introduction
  2. Culture managériale : le défis est à la fidélisation des talents
  3. Marché du travail : un changement de paradigme côté employabilité et sécurité de l’emploi
  4. Conclusion

 


Retranscription épisode 2 : évolution de notre rapport à l’entreprise

Introduction

Lili [00:00:20] Nous revoilà parties avec une nouvelle enquête. Après l’inclusion et l’accessibilité numérique et le numérique écoresponsable, on s’intéresse maintenant à l’entreprise de demain.

Si on devait brosser le portrait de l’entreprise de demain, à quoi est-ce qu’elle ressemblerait ? En interne comme depuis l’extérieur.

Pour y parvenir, on s’est penchées sur les sujets de gouvernance, de management et de communication.

  • Comment l’entreprise de demain s’organise ?
  • Comment les équipes sont-elles gérées ?
  • Comment se comportent les leaders et les managers (et manageuses) ?
  • Comment est-ce qu’elle communique avec toutes ses parties prenantes ?

Bref, plein de questions intéressantes que l’on a posées à des experts et expertes de ces différents domaines.

Dans cette série, on a rassemblé une grande diversité de profils passionnants et engagés. Une valeur ajoutée énorme pour aborder l’entreprise de demain sous différents angles.

Et puis ça nous motive énormément de pouvoir partager nos découvertes et, qui sait vous inspirer à faire évoluer vos pratiques professionnelles. L’entreprise de demain est bien plus proche de nous qu’on ne le croit.

En fait, elle existe déjà, mais on ne vous en dit pas plus. Vous le découvrirez dans cette enquête.

Culture managériale : le défis est à la fidélisation des talents

Lili [00:01:41] On continue notre focus sur les fondements de l’entreprise de demain. Dans ce deuxième épisode, on s’intéresse au management dans les entreprises et au marché du travail.

On se penche donc sur le cœur même de l’entreprise, son fonctionnement et ses défis. On est ravies d’observer des évolutions humaines et bienveillantes dans l’univers du management. On parlera aussi des questions d’employabilité et de sécurité de l’emploi. Vous le verrez, on assiste à un mouvement de fond dans notre rapport au travail et à l’entreprise.

C’est déjà ce qu’on avait commencé à évoquer dans le premier épisode. Pour explorer ses sujets, on a invité à l’antenne de notre podcast : Gaël Chatelain-Berry, chroniqueur, écrivain, conférencier influent sur LinkedIn et créateur des podcasts Happy Work et Happy Love.

Et aussi Karine Trioullier, entrepreneuse en ressources humaines, fondatrice de son cabinet de conseil Tida Bisam et créatrice de contenus sur le monde du travail. Sans plus tarder, rentrons dans les défis de l’entreprise de demain. Place au podcast !

Lili [00:02:41] Zoomons un peu plus dans ce qui constitue le cœur de l’entreprise l’humain. Vous l’avez compris, on va parler de management. Et qui de mieux placé pour en parler que Gaël Chatelain-Berry ?

On a échangé avec lui sur l’évolution de la culture managériale des entreprises. Parce que finalement, l’un des plus grands défis à relever aujourd’hui pour les entreprises, c’est la fidélisation de ses talents. Et on comprend un peu mieux pourquoi suite à cet échange.

Gaël [00:03:09] Alors moi, j’ai été en entreprise pendant plus de 20 ans, et manager quasiment tout le temps de petites et de très grandes équipes dans des grands médias comme TF1, Canal+, NRJ.

Puis un moment, j’ai arrêté tout ça avec un constat de dingue : c’est quand je manageais des managers, moi qui croyais que c’était un peu inné d’être bienveillant, et inné d’être empathique, c’était inné d’être un manager normal, je me suis aperçu qu’il y avait quand même une souffrance en entreprise, mais de dingue. Et tout seul dans mon petit coin, je me suis dit : je vais essayer de changer ça.

Donc ça a commencé par des articles sur LinkedIn, où j’ai créé le concept de management bienveillant avec un article qui s’appelait, qui s’appelle toujours d’ailleurs, « le management bienveillant, l’avenir du management ». Qui est à ce jour toujours l’article le plus lu sur LinkedIn France. S’en est suivi un livre. Le premier, « Mon boss, est nul, mais je le soigne ». Où j’ai expliqué ce que c’était le management bienveillant. Après, les conférences sont arrivées, parce que ce livre a vraiment cartonné.

Et à un moment, je ne sais pas comment l’idée m’est venue, mais j’ai dû me réveiller un matin en disant « mais tiens, pourquoi tu ne ferais pas un podcast ? T’adores parler, c’est un format qui est hyper facile à faire… », parce que j’ai un passé de musicien aussi, donc j’ai tout le matériel à la maison, donc ça ne m’inquiétait pas.

Et voilà, je me suis lancé.

Donc c’est une sorte de suite logique, où je crois profondément qu’on n’est pas obligé de souffrir au travail. Et donc j’essaye de faire passer cette parole là quel que soit le support. Donc si demain il y a un nouveau support, probable que j’y sois.

Marine [00:04:37] Super, donc on te voit en hologramme bientôt quelque part.

Gaël [00:04:40] Va savoir, va savoir…

Marine [00:04:43] Et du coup, comment tu expliquerais le management bienveillant à quelqu’un qui n’y connait rien ?

Gaël [00:04:48] Alors ça s’explique en une phrase. Être un manager bienveillant, c’est de ne jamais faire à quelqu’un dans son équipe quelque chose qu’on ne supporterait pas que son propre manager nous fasse. Voilà.

Marine [00:04:56] Très simple.

Gaël [00:04:58] Exactement.

Marine [00:04:59] Tu ne fais pas aux autres ce que tu n’as pas envie qu’on te fasse.

Gaël [00:05:01] C’est très biblique comme concept, finalement. Et pourtant, c’est ça qui est fou, c’est simple et pourtant, on est numéro deux mondial du burn out.

En France, on est numéro deux européen de l’absentéisme. Il y a un mal être au travail en France qui est fou. Qui est fou ! Je ne sais pas si vous le savez, mais la première, une des premières causes de démotivation des salariés, c’est le fait que leur managers ne leur disent pas bonjour le matin. Juste ça. Et on se dit « Ah oui, on part de loin quand même ». Donc on part de loin, et à la fois, c’est pas très compliqué à changer.

Marine [00:05:39] Et justement, comme on en parle, quelles sont les pratiques de management que tu ne supportes vraiment pas et qu’on ne devrait même pas appeler du management finalement ?

Gaël [00:05:47] Oh bah les managers [et manageuses] qui gueulent, les managers qui sont pas prêts à écouter la critique, les managers qui envoient des emails le week-end, le soir, les managers qui font des réunions à 18h30 le vendredi… Voilà, toutes ces choses là qui sont du bon sens et qui pourtant sont encore présentes.

Marine [00:06:07] Mais est-ce que tu constates quand même aujourd’hui qu’on a une évolution côté management, est-ce qu’on va plus ou moins dans la bonne direction ?

Gaël [00:06:13] Oui, on va dans la bonne direction. Mais dans l’absolu, ce n’est pas parce que les entreprises deviennent sympa, c’est parce qu’elles n’arrivent plus à recruter.

En fait, moi je fais partie d’une génération, et je suis beaucoup plus âgée que vous, mesdames, où, j’ai entendu cette phrase : « dis donc, si t’es pas content, il y en a dix qui veulent ton boulot ». Grâce à la grande démission et à la baisse du chômage, qui fait que, si tu es bac +5, que tu as moins de 35 ans, ou bac +2, et que tu as moins de 35 ans, c’est le plein emploi déjà dans les grandes agglomérations…

Eh bien les managers, faut qu’ils se préparent à entendre de plus en plus souvent : « dis donc, si tu me reparle encore une fois comme ça, il y en a dix qui veulent me recruter ». Donc, la seule solution, c’est d’améliorer le management. Parce que dans plus de 50 % des cas, on ne quitte pas un boulot, on quitte un manager, on démissionne parce qu’on n’en peut plus de cette personne qui met une boule au ventre quotidiennement. Donc c’est un raisonnement très cynique finalement. Mais comme in fine, tout le monde a à y gagner, j’ai envie de dire, tant mieux.

Marine [00:07:09] Complètement. Du coup, tu penses que les entreprises le font plus parce qu’elles sont un peu obligées de le faire ? Mais est-ce qu’il y a quand même des entreprises qui le font de bonne volonté ?

Gaël [00:07:19] Avant la pandémie et avant la baisse du chômage, bien sûr qu’il y a des entreprises qui étaient bienveillantes. Alors ensuite ça veut pas dire que tous les managers…

Je pense à Michelin par exemple, qui a une histoire… Au XIXᵉ siècle, on appelait ça le paternalisme. Donc Michelin a été créé au XIXᵉ siècle, et déjà à l’époque, ils prenaient énormément soin de leurs salariés. Mais ils ont continué. Et maintenant, on appelle ça bienveillance. Mais oui, bien sûr. Heureusement qu’avant tout ça, il y avait des entreprises qui étaient attentives à ça.

Je pense à Richard Branson, le fondateur du groupe Virgin. Il disait déjà il y a plus de quinze ans : « si tu veux que tes salariés prennent soin de ton entreprise, prend soin de tes salariés ». Donc heureusement que c’était pas un enfer complet. Par contre, la culture française, et très spécifiquement française, est assez violente et ringarde d’un point de vue management.

Marine [00:08:07] Justement, quel est le plus grand défi qu’on a à relever aujourd’hui pour les entreprises côté management ?

Gaël [00:08:12] Former tous les managers [et manageuses]. Mais vraiment, c’est un défi de formation, tout bêtement, et peut-être aussi de libération de la parole. Il y a de plus en plus d’entreprises qui font quelque chose que je trouve extraordinaire.

Aujourd’hui, pour évaluer un manager [ou une manageuse], ça se passe une fois par an pendant un entretien annuel. Et le manager du manager lui demande : « alors, est-ce que tu es un bon manager ? ». Donc il faudrait être sado maso, donc le manager dit « oui ». Et « est-ce que ça se passe bien avec ton équipe ? Ouais super, ils m’adorent ».

C’est ce qu’on appelle de l’auto correction. Intérêt zéro. [Dans] de plus en plus d’entreprises maintenant, tous les trimestres, c’est l’équipe qui évalue son manager sur quatre, cinq critères : est-ce que mon manager est à ma disposition ? Est-ce qu’il m’écoute ? Est-ce qu’il est bienveillant avec moi ? Est-ce qu’il m’apprend des choses ? »

Et en fait, ça permet de faire un suivi manager par manager, non pas pour le punir, mais pour le former. Pour dire « écoute, ton équipe, elle n’a pas l’air de te trouver très très à l’écoute. Peut-être qu’on va te faire faire une formation sur comment est-ce qu’on écoute son équipe ? ». La libération de la parole, je suis assez convaincu que c’est vraiment la clé.

Marine [00:09:14] C’est la communication en fait.

Gaël [00:09:16] Oui, exactement. Mais une communication sincère et ouverte. Pas de donner la parole… Je vois certaines entreprises qui font des baromètres du bien être chaque année. Et à chaque fois je dis « OK, mais vous avez fait quoi concrètement après ? Ah bah bah bah… Bla. » Et donc voilà.

Et surtout, les salariés ne savent pas ce qui se passe. Je crois que c’est important que les salariés sachent que l’entreprise travaille dans le sens d’un mieux être au travail.

Marine [00:09:46] Qu’elles mettent vraiment tous leurs efforts dans cette direction surtout.

Gaël [00:09:49] Bien sûr. Mais je me faisais la réflexion aujourd’hui. Là, cet après-midi, je suis interviewé pour un journal économique, où on m’a demandé de réfléchir sur la réforme de la retraite. Et en fait, je pense qu’on est…

Mais il y a un contre sens sur cette réforme de dingue. Moi, je m’en fous. Si j’étais salarié encore, je m’en foutrais de partir à 64 ou 66 ans, si jamais mon travail ne me pourrissait pas la vie.

Regarde en Suède, ils partent à 65 ans, mais à 16h30, t’as plus personnes dans les bureaux. Donc ça serait peut-être bien de d’abord s’attaquer à la problématique du bien être au travail, avant de nous dire on va travailler plus. Il y a 2 millions, au moment où on se parle, 2 millions et demi de salariés français qui sont en burn out.

A ton avis, quand tu leur dis « eh les gars, vous allez travailler trois ans de plus tard ». Ben t’as pas envie, on peut pas les blâmer et ils sont pas idiots. C’est juste que, il [ou elle] dit, mais moi je souffre le martyre en ce moment. Maintenant je me vois pas travailler trois ans en plus. C’est légitime comme réaction.

Mais en France on s’attaque jamais à la problématique du bien être au travail. Il aura fallu en 2008 la vague de suicides chez Renault et chez France Télécom pour qu’on parle enfin de qualité de vie au travail.

Marine [00:10:54] Oui, c’est fou.

Gaël [00:10:56] On est très très très très très très en retard. Et ce n’est pas un fantasme ce que je raconte. Il suffit d’aller voir en Belgique, en Allemagne, en Suède, au Danemark, même en Angleterre, ils sont nettement meilleurs que nous. Et économiquement, ils ne sont pas pires que nous. On ne peut pas dire qu’en Allemagne ce soient des grosses feignasses quand même.

Marine [00:11:12] Non c’est clair. Mais du coup, qu’est-ce qui fait qu’en France on est autant en retard en fait ?

Gaël [00:11:16] Mais parce que… Je vais te poser une question indiscrète. Quel âge as-tu ?

Marine [00:11:21] J’ai 26 ans.

Gaël [00:11:22] 26 ans. Donc toi, tu fais partie d’une génération qui n’a presque pas connu le chômage de masse. En fait, depuis que je suis diplômé, j’ai été diplômé en 1992. Je n’ai connu que le chômage de masse, que ça.

Ce qui veut dire que même diplômé d’une très grande école de commerce, eh bien, on a galéré pour trouver du boulot. Donc on acceptait n’importe quoi parce qu’il fallait qu’on bosse et on nous faisait bien comprendre que t’es corvéable à merci. T’as pas le choix. Et on te faisait bien comprendre que « bien sûr que c’est normal de travailler jusqu’à 21h. Bien sûr que c’est normal ».

À partir du moment où tu as peur de perdre ton boulot, tu acceptes tout. Tu sais, c’est le principe de la pyramide de Maslow. Tu as besoin d’avoir un salaire pour bouffer, être logé. Et moi, je me réjouis quand je vois mes enfants qui commencent à rentrer sur le marché du travail. Ils vont pas connaître ça, ils vont avoir le choix. Donc la pression et la peur ont changé de camp et c’est juste génial.

Marine [00:12:17] Ce chômage de masse, en fait, c’était essentiellement en France à cette époque, en Europe ?

Gaël [00:12:22] En fait non. C’était une crise mondiale suite au choc pétrolier de 1974. Mais c’est vrai que la France n’a jamais réussi à le faire baisser. Il y a eu une petite embellie autour des années 2000, petite, jusqu’à l’explosion de la bulle Internet. Mais mis à part ça, on a connu des taux de chômage, je crois, je pas te dire de bêtises à 11-12 %.

Mais forcément le rapport au travail est différent. Et le rapport de forces entreprises / salariés est différent. Donc il y a un changement de paradigme qui est très fort. Il est très violent. Le mouvement de balancier est très violent du côté des salariés et les entreprises s’en plaignent. Et d’une certaine manière, elles ont raison parce que c’est compliqué de ne pas pouvoir fidéliser les gens. Mais il va revenir petit à petit au milieu parce que les entreprises réalisent qu’il faut changer la culture managériale.

Faut changer le rapport au travail. Je crois profondément que le concept du travailler plus pour gagner plus appartient à un autre siècle. Maintenant, il s’agit de parler du travailler mieux. Enfin. Et j’entends pas beaucoup de politiques parler du travailler mieux, fondamentalement. Voire aucun.

Marché du travail : un changement de paradigme côté employabilité et sécurité de l’emploi

Lili [00:13:23] Travailler moins mais mieux, ça vous parle ? En tout cas, c’est la tendance qui semble se dessiner pour le marché du travail. On assiste à un changement de paradigme côté employabilité et sécurité de l’emploi.

C’est d’ailleurs ce dont on a parlé avec Karine Trioullier, qui a comparé le cas de la France aux pratiques RH dans d’autres pays. Vous pouvez déjà l’imaginer, il y a quelques différences. L’occasion de s’inspirer de nos pays voisins et d’améliorer nos pratiques en termes de relation à l’emploi et au travail.

Karine [00:13:56] Dans le marché international, il faut distinguer, c’est clair, les marchés émergents des marchés matures. Après, la France a quelques particularités. Et c’est marrant parce qu’elle reste…

Mais là, je parle des grandes entreprises, dans les grandes entreprises, dans les grands groupes, tout est quand même organisé autour encore de cette hiérarchie et de nombreuses strates. Et autour de la notion d’études, c’est encore prépondérant. Alors que, que ce soit sur des marchés émergents ou des marchés plus matures, l’état d’esprit sur le marché du travail est un peu plus ouvert.

En fait, il y a une concurrence. Il y a cette notion de concurrence entre des talents qui arrivent de partout, qui soient jeunes ou moins jeunes, où l’âge est un peu moins important. Ce qui compte, c’est ce que tu résous comme problème. Et je trouve qu’encore aujourd’hui, pour pas mal de grandes entreprises françaises, la porte d’entrée reste quand même le prestige des études, certains noms de sociétés [pour lesquelles on a travaillé]… On en est encore là.

Alors on en est encore à recruter des gens qu’on souhaite intelligents, alors qu’on a besoin de gens qui résolvent les problèmes qu’on a au moment où on les recrute. Et je trouve que c’est encore très présent ça. Et du coup, ça crée aussi un décalage chez les candidats, quand ils vont sur d’autres marchés, parce que soit ils ont, je dirais ce costume français, c’est-à-dire à la fois le diplôme et certaines croyances [comme quoi] ça va leur ouvrir certaines portes.

Et à ce moment-là, ils ont un peu du mal à s’adapter parce que ça ne dit pas toujours grand-chose aux entreprises locales, si c’est sur des marchés émergents, comme des marchés plus matures, parce qu’il y a une autre concurrence en face. Et puis soit ils n’ont pas ces diplômes, ils pensent que ça va être plus compliqué pour eux de s’intégrer à l’étranger, alors que l’expérience va être souvent plus importante que le diplôme en soi.

Donc ça, c’est une différence que je vois, qui reste en fait.

Donc je me dis qu’elle reste parce qu’elle est très ancrée, à la fois dans les esprits, côté employeurs [employeuses] comme côté candidats [candidates] ou talents. Donc, je me dis que celle-ci, elle est un peu plus dure à dépasser. Mais il y a cette dimension là pour moi, qui est vraiment une différence très notable et qui est très visible quand t’es à l’étranger parce que c’est très présent. Dans n’importe quel pays, tu auras toujours les anciens de l’école Machin, cette espèce de solidarité liée aux études qui est importante, qui participe du réseau, mais qui n’est pas une finalité et qui reste un moyen. Voilà, on a un peu de mal, on est assez traditionnel. Voilà donc ça, c’est la première chose. La deuxième chose, c’est les langues.

Ça aussi, c’est très ancré. On n’encourage pas beaucoup les langues, on n’encourage pas beaucoup la confiance en soi à utiliser d’autres langues. Et ça, c’est dommage parce que ça participe aussi à la compétition et à la concurrence. Donc moi, par rapport au monde du travail, c’est vraiment ça. C’est sur les diplômes et les langues. Après le deuxième élément, c’est plus sur le droit du travail. En France, on n’est pas…

Contrairement à ce qu’on pourrait croire quand on voit les manifs et tout ça, l’employé est quand même assez protégé par rapport à plein d’autres pays et en même temps l’employeur également. Et je trouve que dans la relation de travail on est encore d’abord beaucoup trop autour de se protéger d’un côté comme de l’autre. Et c’est important parce que c’est un peu comme la force de la France. Et c’est tellement une force, c’est tellement intégré, que par moment on l’utilise trop. C’est ce qu’on appelle en leadership les compétences « over used ». Et donc on l’utilise trop et on voit tout, toute situation de travail ou de désaccord ou de non alignement, au travers de ce prisme du droit du travail. Et je ne suis pas en train de dire que ce n’est pas important.

Mais à l’étranger, il n’est pas sur le devant. On est d’abord sur : pourquoi fonctionner ensemble ? Qu’est-ce que ça va m’apporter très rationnellement de chaque côté ? Et après, bien sûr, quels sont mes droits ? Il y a un cadre, mais qui est moins développé. Donc à la fois, l’étranger aurait besoin de s’inspirer énormément du cadre français, parce qu’il y a plein de choses sur le droit du travail qui pèchent à l’étranger et qui ne protègent pas beaucoup. Et d’un autre côté, ça nous limite aussi, et surtout quand on va à l’étranger, parce qu’on voit beaucoup le travail comme un rapport de force.

Et aujourd’hui, c’est plus un mode collaboratif, parfois. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de rapport de force, mais si ça va pas, tu t’en vas quoi. Et si ça ne va pas et que tu t’en vas, tu sais que t’as le droit à rien. C’est pour ça que les gens ont d’autres sources de revenus. C’est pour ça que les gens ont toujours des projets à côté. Et du coup, ça amène une responsabilisation des talents, que je ne trouve pas forcément en France parce que c’est normal, les gens cotisent et donc ils s’attendent à voir une retraite, avoir du chômage.

Donc du coup, ils ne pensent pas au jour où ça pourrait se passer un peu différemment, ou ils pourraient être moins satisfaits.

Lili [00:18:55] Du coup, si on devait donner un petit coup de pouce aux entreprises françaises, selon toi, de quoi les entreprises françaises devraient s’inspirer à l’étranger ?

La première fois qu’on a bavardé toutes les deux, tu m’as parlé de rapport au temps, de type de contrat, de transparence sur les salaires, de volontariat… Peut-être que tu peux donner quelques pistes à celles et ceux qui voudraient s’inspirer.

Karine [00:19:17] Alors c’est vraiment le fait de faire plus confiance. D’être moins dans le contrôle et donc de faire plus confiance. Et il y a beaucoup de forces en France autour de l’entrepreneuriat. Moi, je suis impressionnée par tout ce que je découvre là, depuis quelque temps je suis un peu plus au fait et un peu plus en France, au niveau de l’entrepreneuriat.

Il y a une diversité de types d’entreprises, de start up… Pas seulement. Il y a aussi des projets qui se montent et qui deviennent après une entreprise. Il y a aussi des auto entrepreneurs [et auto entrepreneuses] qui réussissent à développer des activités en partant de très peu de choses au début.

Donc, il y a une diversité dans l’entrepreneuriat que je ne retrouve pas forcément dans les grands groupes. [Un entrepreneuriat] qui s’est diversifié en termes de statuts, en termes de modalités. Il n’y a plus que le modèle de l’entrepreneur qui crée X emplois, qui fait des levées de fonds. Il y a également d’autres modèles à côté de cela, de gens qui créent leur travail finalement et qui en sont satisfaits, et qui arrivent à en vivre.

 

Et puis, d’un autre côté, il y a des grands groupes un peu plus résistants aux changements et qui font preuve de moins d’agilité et qui finalement changent beaucoup moins. Et je pense que s’inspirer, pour les entreprises françaises, s’inspirer un peu plus de leur entrepreneuriat, finalement interne, qui s’inspire aussi de ce qui se passe à l’étranger, ça les rendra plus attractives, plus empathiques. Et ça leur permettra de… Quelque chose qui manque un peu aujourd’hui… Et je trouve que parfois, dans les grandes entreprises, il y a ce modèle de la carrière girafe.

On fait comme si c’était encore le cas. « Un employeur, c’est tellement important, t’en as pas 50 dans ta vie ». Donc il y a cette espèce de formalisme autour du recrutement, ce côté solennel, comme si c’était pas rentrer dans les ordres, mais un peu. Si vous rejoignez votre entreprise, c’est comme si [vous] signez pour dix ans ou quinze ans. Alors qu’on sait très bien que ce n’est pas le cas et on continue à faire comme si c’était le cas.

Et du coup, il y a un décalage. Parce que ce monde de l’entrepreneuriat agile, plus empathique, plus dans s’adapter en permanence à ce qui est là, à la fois au niveau business, mais à la fois au niveau des talents… eh bien il devient encore plus attractif pour les talents que les grands groupes. Donc pour moi, il y a un peu ce décalage là.

Et puis après il y a que, en France, on pense aussi que l’employeur [ou l’employeuse] n’est pas au même niveau que le salarié [ou la salariée]. Je ne sais pas comment dire ça. Il n’y a pas cette transparence. L’employeur a beaucoup de mal à recruter, à faire confiance, parce qu’il est face à beaucoup de mensonges, parfois sur le CV ou autre chose. Et puis après, il a des déconvenues une fois que la période d’essai débute.

Et je crois que ça vient aussi du manque de transparence des employeurs. Donc c’est comme s’il y avait deux parties : les talents et les employeurs qui n’arrivent pas à se faire confiance, parce que chacun essaye de dissimuler ce qui pourrait être des points sensibles. Alors que ces points sensibles… Par exemple pour un candidat [ou une candidate], ça peut être un manque d’expérience sur certaines choses ou un trou dans le CV, ce qui n’est pas un problème en soi, mais c’est comme des tabous.

Et puis du côté des employeurs [et employeuses], ça peut être quelques managers [et manageuses] qui ont du mal à gérer leurs émotions, ça peut être un équilibre vie pro vie personnelle qui n’est vraiment pas au top et sur lesquels il faut qu’ils travaillent. Moi, je pense que si des deux côtés, on arrivait davantage à se dire les choses, que ça soit moins tabou, qu’on fasse moins cette scène de théâtre là, eh bien la confiance reviendrait un peu. Et du coup, on trouverait aussi plus de solutions.

Lili [00:22:45] Dans cette réflexion sur le rapport entre les talents et l’entreprise, dans les modèles classiques d’entreprise en France, on peut presque se demander si les entreprises n’achètent pas notre temps, nos compétences. Au final, est-ce que c’est comme ça que tu le vois aussi à l’étranger ?

Karine [00:23:04] Oui. C’est qu’il y a cette espèce… Alors c’est pas seulement en France. Seulement en France, on en parle moins ouvertement, on parle de manque d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, on parle de problèmes de santé mentale et c’est partout hein ces problèmes là, mais seulement en France, on l’aborde un peu d’un point de vue juridique.

Alors que [le] juridique, c’est là pour sanctionner des mauvais comportements ou des comportements qui ne respectent pas les règles. Or, aujourd’hui, on n’en est pas là. Le but, c’est pas que les gens ne dérogent pas aux règles, c’est que les gens intègrent que la vie professionnelle ne doit pas être à l’origine de maladie mentale et de souffrance.

On doit rester, on doit laisser le travail à sa juste place. Et pour moi, ce n’est pas juridiquement que ça se traite. Ça se traite déjà en interne, en parlant ouvertement, en regardant, en trouvant des solutions, mais des deux côtés, en collaborant ensemble pour trouver des solutions. Si demain les gens sont plus indépendants et qu’ils vendent moins leur disponibilité…

C’est-à-dire que quand tu as un CDI, en France, quelque part, tu vends ton temps. Mais il y a aussi l’idée que tu vends une disponibilité exclusive. Il y a de plus en plus de clauses d’exclusivité dans des contrats de travail pour des jobs ou ça ne fait aucun sens. Mais comme l’employeur [ou l’employeuse] a compris que de plus en plus de talents avaient des projets sur le côté et d’autres sources de rémunération, ils ont peur que l’employé soit moins disponible, moins en forme pour performer chez eux. Donc il rajoute ces clauses. Mais je trouve que ça va encore dans le sens de la méfiance.

Si un employé [ou une employée] décide d’avoir une source de revenus principale avec un employeur, il y a ce devoir de loyauté qui fait qu’il doit tout faire pour eux pour atteindre ses objectifs. Mais il y a aussi l’idée que s’il ne respecte pas un certain équilibre, il ne pourra pas non plus faire son complément de revenu. Ça ne va pas impacter que son travail.

Donc le fait de mettre aussi la responsabilité du talent chez lui, et que, en interne, il y ait des process pour que les gens aient plus une vue globale de ce que chacun fait, eh bien tout ça, ça va aller dans le sens d’un meilleur équilibre. Et la santé mentale, c’est pas l’affaire que de l’employeur ou que de l’employé, c’est quelque chose qui doit se travailler ensemble. Mais pour ça, les deux parties doivent avoir une responsabilité à égalité. Et donc cette disponibilité à tout prix laisse penser que, quelque part, l’entreprise veut une exclusivité.

Et que ça veut dire que parfois, s’ils ont besoin de week-end, ils veulent pouvoir solliciter l’employé. Ils n’aiment pas l’idée qu’il soit occupé sur un autre projet. Et ça, je pense que le malentendu part de là. Cette notion de CDI, elle n’est pas bonne parce qu’elle fait croire aux gens que les gens sont en sécurité alors que ça, c’est pas vrai.

Elle fait croire aux gens qu’ils vont toujours avoir assez d’argent pour maintenir un niveau d’achat en restant fidèle à cet employeur, alors que là, on le voit bien, il y a une inflation qui est supérieure aux augmentations, eh bien ce n’est pas toujours le cas. Donc il faut laisser l’espace aux talents de se responsabiliser aussi, de trouver d’autres sources de revenus, de gérer leur équilibre entre les deux vies, pour pouvoir mettre aussi le travail à la bonne place.

Mais un employeur pour ça doit accepter de ne pas acheter un temps élastique comme ça, mais plutôt acheter des compétences à un moment donné, et être plus clair sur sa demande, et moins partir de son besoin. Parce que quand on achète une disponibilité, on part d’un besoin. « Je ne sais pas encore quelles seront toutes mes demandes, mais j’achète comptant.

Et là dedans, toutes mes demandes, eh bien tu dois les prendre ». Et c’est un peu ça, pour moi, le concept sous-jacent de ce CDI et du temps disponible.

Lili [00:26:46] Ben nous à l’agence on est en horaires flexibles, on l’avait évoqué ensemble, et du coup notre temps n’est pas à disposition. C’est ça qui est super intéressant, c’est que tu travailles plus à l’objectif, ou ce genre de fonctionnement, qui te bloque pas au bureau.

L’exemple type : tu finis à 17h, alors que tu as fini tes tâches à 15h, et tu dois rester assis là à faire semblant de travailler, ça n’a pas de sens.

Karine [00:27:09] Ça n’a pas de sens. Et ce qui compte, c’est que tu puisses résoudre le problème. L’organisation ne sera pas plus riche parce que chacun part à 20h.

L’organisation elle gagnera plus d’argent si chacun [et chacune] atteint ses objectifs. Et donc on n’est pas sur les vraies problématiques. Pour moi.

Lili [00:27:27] Oui, et tu n’interroge pas du tout le rapport à l’efficacité, à la productivité.

Karine [00:27:31] Voilà !

Lili [00:27:32] Moi avec mes horaires flexibles, je m’interroge vraiment sur comment je peux être vraiment efficace pour profiter du reste de ma journée.

Karine [00:27:40] Tu recherches ça. Donc du coup, ça fait monter aussi en compétence l’efficacité personnelle. Ça fait monter aussi en fréquence le nombre d’échanges sur l’utilité d’une réunion. Et du coup, ça va dans le sens aussi de l’organisation.

C’est pour ça que, quand les gens, on leur fait confiance, et qu’on leur met des objectifs clairs plutôt que toujours des trucs approximatifs, si on met des objectifs clairs, vraiment en travaillant sur la demande et pas le besoin : « voilà ce que j’attends de toi. À ça, je verrai que tu l’as atteint », eh bien c’est plus facile, même pour le salarié, de s’y retrouver et de fournir un résultat et d’y investir à la fois son talent mais aussi son sens de l’efficacité.

Lili [00:28:21] Et d’être motivé à le faire.

Karine [00:28:23] Exactement. Parce que c’est d’abord le résultat avant la présence.

Lili [00:28:27] Par rapport à l’employabilité, avant, la valeur du talent sur le marché, c’était un peu l’entreprise dans laquelle tu travaillais qui faisait la valeur. Et aujourd’hui, on voit de plus en plus que la valeur d’un talent sur le marché, c’est plus sa compréhension des besoins du marché et sa façon de se rendre employable, finalement.

Karine [00:28:46] C’est ce que j’observe à l’étranger. C’est vraiment ça. Il n’y a plus un type de parcours, il y a plus de diversité dans les parcours et les parcours sont beaucoup construits autour de l’employabilité et de ce qui est demandé par les organisations et par [celles et] ceux qui payent. Et c’est différent que de se promouvoir sur un nom de société.

Par exemple, « j’ai travaillé douze ans dans un grand groupe et je viens vous voir aujourd’hui et votre poste m’intéresse ». Je vois bien que ça convainc beaucoup moins, parce que même si on a été nourri pendant douze ans et qu’on a fait des jobs super intéressants avec des top projets, il n’en demeure pas moins qu’on est resté quand même dans une zone de confort. Ça ne veut pas dire que c’était facile.

Bien sûr, chaque prise de responsabilités a occasionné du stress et des moments où il fallait se former. Il fallait réfléchir à de nouveaux problèmes. Mais le fait de l’avoir toujours fait au sein d’une même société, ça réduit considérablement ta compréhension du marché, de la concurrence, du business et de la diversité d’approches pour régler un type de problème.

Donc, au niveau de l’employabilité, aujourd’hui, on ne peut plus se prévaloir [de] « ah t’as bossé chez Accenture, ah t’as bossé chez L’Oréal. Bravo ! ». Ce n’est pas qu’aujourd’hui ce soit un défaut, mais je veux dire que, ce qui fait ton parcours, c’est ton expérience et ta capacité à t’adapter surtout, et à te confronter à des nouveaux problèmes. C’est-à-dire que l’approche où ta valeur, ton employabilité reposait sur les noms de sociétés dans lesquelles tu étais passé, il y avait l’idée sous-jacente que dans ces grandes sociétés, étaient présents la plupart des problèmes à résoudre du moment sur le secteur d’activité. Et donc tu étais plus sujets à avoir été exposé à des « best practices », des belles pratiques sur le marché.

Aujourd’hui, on est tous confrontés, petits et grands, à de nouveaux problèmes. Donc le fait d’avoir été dans une multinationale et d’avoir réglé des problèmes récurrents, ça n’aide pas forcément. Donc ça, ça joue aussi là-dessus. Et en plus, quand on est resté beaucoup dans une évolution de promotion interne et de mobilité interne, au niveau du salaire, il y a un décalage au bout d’un moment aussi par rapport au marché.

Si on est rentré au niveau du marché, par moment, selon les postes, c’est important de se tenir au courant de ce qui se passe à l’extérieur. Et certains postes… Alors on peut perdre en alignement, mais pas seulement dans le sens d’avoir un salaire trop bas par rapport au marché. Parfois, on a un salaire trop haut par rapport au marché, et ce, juste parce qu’on est monté en interne et qu’on est passé de tel grade à tel grade. Il peut y avoir un décalage.

Donc c’est indispensable pour son employabilité d’aller régulièrement voir ce qui se passe en dehors de son entreprise et de ne pas s’installer dans une zone de confort, où finalement, l’évolution, elle est beaucoup fonction aussi des besoins de l’organisation, et moins de ce que tu aimes faire toi, de ce que tu aimerais développer et de ce que les autres sont prêts à payer pour t’avoir chez eux.

Lili [00:31:47] Ca interroge la question des études aussi, qui est une partie très importante avant que l’on arrive sur le marché du travail.

Du coup, les jeunes diplômés ou nouveaux talents qui arrivent sur le marché du travail, comme moi qui vient d’être diplômée, c’est quoi ton conseil ? Pour qu’on trouve notre place dans un système du travail qui est quand même en pleine évolution et aussi de faire des choix qui nous permettent de nous épanouir sur le long terme.

Karine [00:32:12] C’est de regarder la vie professionnelle comme un ensemble de modules, d’expériences qui soient simultanées ou séquentielles, et d’arrêter de penser qu’il y a une place quelque part.

Chacun doit se créer sa place, et sa place, elle est plurielle, et créer ses modules d’expérience en fonction de ses envies, et aussi d’un marché qui offre des opportunités. Donc, c’est de se dire que, et à aucun moment on peut vraiment se poser et se dire « Ah ouais, j’ai trouvé mon truc ». On peut quand même s’autoriser un peu, mais l’idée, c’est que c’est toujours en train de se faire. Donc il faut dédramatiser un peu les premiers choix qui se font à la sortie d’études. Il faut normaliser le fait d’avoir fait des études.

Aujourd’hui, des bac +4, des bac +5… C’est comme avant le bac. Je suis un peu dure, mais la concurrence est très forte, et il n’y a pas autant de postes, notamment dans les entreprises, qui nécessitent des bac +4 et bac +5 sur le management et tout ça, puisqu’on devrait avoir moins de managers. Voilà. Et se dire que ce diplôme n’est qu’un point de départ, pour de toute façon une vie professionnelle qui sera sous le signe du learning.

On est passés de cette ère de la connaissance, du savoir, à une ère où ce qu’il faut, c’est des gens qui savent régulièrement apprendre, qui ont toujours cette curiosité d’apprendre. Et ça, l’école a du mal à l’expliquer. Et donc, entre le monde de l’école et le monde de l’entreprise, vraiment, pour ceux qui débutent aujourd’hui, c’est de se prendre un petit sas de respiration et de se dire « bon, entre ce que dit l’école et ce que l’entreprise me demande aujourd’hui, moi, j’ai envie de quoi ? ». Et il n’y a pas qu’une façon de faire, d’évoluer professionnellement. Et il n’y a pas un choix qui va condamner toute ta vie professionnelle pour toujours.

Donc c’est de se dire, j’ai le droit de faire des tentatives, j’ai le droit de commencer des choses et de me rendre compte que je ne les aime plus et de passer à autre chose. Ce n’est pas un problème, parce que de toute façon, j’aurais compris quelque chose qui peut me servir après. Donc c’est d’accepter que le diplôme n’est pas une finalité. Et ta valeur sur le marché du travail, elle n’est pas que fonction de ton diplôme.

Il y en a beaucoup qui… Par exemple, je rencontre beaucoup en ce moment des ingénieurs [et ingénieuses], de jeunes ingénieurs qui s’ennuient beaucoup au travail, qui sont déçus. Ils ont fait prépa, ils en ont bavé pendant leurs études. Et puis là, ils commencent à travailler, puis ils se disent « mais tout ça pour ça ? On me demande de faire ça au quotidien ? ». Ils sont super déçus par ce qu’on leur fait faire au quotidien. Ils se disent « non mais là c’est pas possible. Moi, je pars pas pour 50 ans comme ça ». Donc ça les angoisse. Ça c’est l’idée que, quand tu te lances après un diplôme, il ne faut pas prendre ses premières expériences de stage ou de travail comme une vérité pour tout le monde du travail. Je sais que c’est dur, parce que chaque expérience que nous avons, nous avons envie de la généraliser.

Mais essaie d’être curieux [ou curieuse] et d’aller explorer, et de trouver les ingrédients dans chaque type d’organisation, chaque type de mission et de repérer ces ingrédients là pour t’aider à te créer une place professionnelle dans laquelle tu décides, tu choisis, tu te formes, en partant de toi et de ce que tu as envie de développer, et en partant pas toujours des besoins de l’autre. La dernière chose, c’est plus en réaction sur l’intelligence artificielle, sur le futur du travail. Je pense qu’on ne sait pas trop, même à l’échelle de 2030…

On voit quelques phrases un peu choc, comme quoi 85 % des métiers de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui, que des métiers vont disparaître, que beaucoup de choses vont être automatisées. Et puis les gens pensent à la caissière [ou au caissier] ou des [métiers] comme ça. Il y a beaucoup de phrases, d’images qui, comme à l’époque, 2000, on allait se nourrir de pilules. C’est un procédé humain normal de se projeter comme ça avec des images fortes, mais je les trouve toujours assez négatives et assez pessimistes.

Et je pense qu’il faut prendre ça comme la révolution industrielle, comme une ère où il y aura du bien, il y aura du moins bien, mais il y aura aussi des choses intéressantes. L’idée d’avoir de nouveaux métiers et de pouvoir apprendre des nouvelles choses, c’est très rafraîchissant. Et il n’y aura pas que des suppressions d’emplois. Et l’idée de se recentrer sur des choses qui ont plus de valeur ajoutée, qui font plus de sens, c’est vraiment ce dont on a besoin.

Donc je pense que ce futur du travail, même si on ne sait pas tout, il faut être un peu plus confiant [et confiante] et chacun doit s’y préparer dès aujourd’hui en se renseignant un peu sur son domaine, en regardant ce qu’il [ou elle] a envie d’apprendre, et qu’il ne sait pas encore, et exercer ce qu’on appelle l’optimisme, qui est une grande compétence d’intelligence émotionnelle.

Lili [00:36:58] On ne sait pas pour vous, mais cet échange avec Karine nous a donné beaucoup d’espoir. En tout cas, nous, on voit clairement cette tendance se dessiner et on est ravies. Après, ça ne s’applique pas à tout le monde. Mais vue la vitesse à laquelle le monde évolue, qui sait ce que l’avenir nous réserve ? Nous en tout cas, on est optimistes, comme d’habitude.

 

Conclusion

Lili [00:37:21] Notre deuxième épisode touche à sa fin. Après le premier épisode, il permet de poser les bases de cette série. On comprend mieux les enjeux auxquels les entreprises vont devoir répondre si elles veulent continuer à exister demain.

Et des défis, il y en a de sacrément gros à relever. Revoir le modèle de l’entreprise, son fonctionnement interne, notamment côté management et gestion des talents, sans compter sa manière de communiquer avec toutes ses parties prenantes. Ça peut sembler assez faramineux, on vous l’accorde, mais c’est loin d’être impossible.

Certaines entreprises s’en sortent d’ailleurs plutôt très bien. On a interrogé quelques-unes d’entre elles dans cette série. Mais avant de vous partager leur expérience, on vous propose un petit tour côté législation, parce que la loi peut vraiment vous aider à comprendre et identifier les premiers jalons à poser. Sans compter les autres organismes qui viennent l’enrichir et poussent l’action encore plus loin.

On vous parle de tout ça dans notre prochain épisode : le cadre législatif et déontologique autour de l’entreprise de demain.

A très vite. Merci beaucoup !

 

 

Hippo’dcast, un podcast qui vous plonge dans nos enquêtes sur l’éthique en entreprise et sur le web.

 

Réalisé avec bienveillance par Lili et Marine de l’agence web Hippocampe, une agence en pleine transition éthique.

 

Et voilà pour ce deuxième épisode ! 

Intéressant ce boulversement de notre rapport à l’entreprise ! Vous en pensez quoi vous ?

N’hésitez pas à nous partager votre avis sur les réseaux sociaux ou en nous contactant via notre site.

La suite de la série continue avec le cadre légal autour de l’organisation et la gestion de l’entreprise.

A très vite !

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